Ca y est, c’est officiel : la dette de l’état passe la barre des 1500 milliards. Evidemment, c’est en comptant tout ric-rac, sans tenir compte des engagements hors-bilan (retraites plus ou moins dorées de certaines catégories de personnel). Ce qui amène cette dette à un bon 80% du PIB, ce qui est, ne l’oublions pas, un record historique. Youpi.
Histoire de rassurer les marchés (et conserver encore un peu le triple-A), qui rendent nos politiciens de plus en plus nerveux – on va y venir un peu plus loin – les deux clowns en charge de ce qu’un observateur éloigné répugnerait à appeler l’Économie du pays, Barouin et Lagarde se sont empressés de préciser que tout ce gros dérapage un peu cracra qui finit par se voir franchement n’était dû, on le saura, qu’aux petits plans de relances sympathiques et joufflus de ces derniers mois.
Au passage, ceci constitue un magnifique mensonge, puisque la Cour des Comptes estime dans son dernier rapport que les derniers déficits ne sont provoqués qu’au hauteur d’un petit tiers par ces fameuses relances fumeuses.
Autrement dit, l’aggravation galopante de l’état général des finances du pays doit, pour ses deux-tiers, à la politique de distribution large et irréfrénable de petits et gros avantages : comme beaucoup de Français se sont habitués à plein de super-services « gratuits » (c’est-à-dire payés par les autres ou par les générations futures), on se retrouve dans la délicate situation d’accumuler de la dette beaucoup plus vite qu’on crée des richesses. Avec la crise que le monde subit actuellement, ce découplage de la production de richesse et de l’endettement est devenu plus que préoccupant : la gangrène progresse maintenant sans s’arrêter.
En réalité, il s’agit ici de l’aboutissement logique et prévisible de la sociale-démocrassie, qui donne à chacun le droit de réclamer de plus en plus fort son petit avantage acquis sur le dos des autres. Les politiciens, tenus tant par les prébendes et privilèges qu’ils ont en occupant leurs postes que par la nécessité de se faire réélire, ont ainsi trouvé un moyen simple de véritablement corrompre le coeur de leurs électeurs, en leur offrant directement ou indirectement tel ou tel subside, tel ou tel passe-droit, telle ou telle protection spécifique.
Le résultat est celui qu’on observe : chacun se bat maintenant pour conserver, coûte que coûte, ce qu’il croît être un bénéfice pour lui-même mais qui n’est en réalité qu’un déficit amoindri. Chaque petite niche fiscale, chaque avantage salarial lié à un statut ou une corporation, chaque petit morceau de privilège est en réalité un coût pour tout le monde, y compris celui qui croît en bénéficier ; en réalité, le privilégié, dans ce cas-là, n’est qu’un peu moins ponctionné que les autres.
Et c’est bien de corruption qu’il s’agit puisque d’une part, il y a corruption du raisonnement économique de base : on se croit bénéficiaire alors qu’on est simplement moins déficitaire. Et d’autre part, il y a corruption du citoyen qui en vient à réclamer systématiquement plus d’avantages et de passes-droits ou de facilités, provoquant l’intervention toujours plus grande de l’état dans sa vie, alors que le bon sens commande précisément l’inverse, notamment pour enfin retrouver un bénéfice, et sortir de la dépendance étatique et du bon vouloir des maîtres qu’on se force à choisir.
Cette corruption vient en réalité en miroir à celle qui fait la une actuellement et qui permet aux pathétiques pères-la-morale et autres mères-probités de faire du vent sur les magouilles à rebondissement qui agitent le microcosme politique.
Dans le même temps, cette même corruption de la pensée a largement atteint le niveau européen : on cherche à fuir la crise en lançant des monceaux d’euros et de dollars au monstre déjà trop bien nourri des dettes étatiques colossales qui menacent maintenant d’engloutir tout sur leur passage.
Dit comme ça, ça paraît exagéré. Maintenant, lorsqu’on sait où et quoi regarder, notamment pas dans les piètres journaux français qui donnent des lettres de noblesse au PQ de chez Lidl, on trouve des pépites qui font plus que faire réfléchir.
Par exemple, ceci. De quoi s’agit-il ? D’un échec pour la BCE.
Depuis quelques temps, la Banque Centrale essaie de rendre plus propre les bons de trésors des pays membres de l’union qu’elle rachète lorsque le marché n’en veut plus – rappelez-vous, c’était à la Saint Schuman, le 9 mai dernier – en proposant des dépôts à terme avec ces bons en contrepartie.
Et hier, badaboum, ce fut un échec : en gros, les liquidités viennent à manquer cruellement, et chacun recommence à se regarder en chien de faïence… Ce qui se traduit d’ailleurs par des taux EURIBOR qui trottinent vers le haut (ce sont les heureux détenteurs de prêts à taux variables qui vont être content, tiens).
Tout cela, vu d’ici, peut paraître anodin : la BCE n’arrive pas à fourguer ses bons qui sentent un peu ? Rien de grave, voyons. La tendance générale, illustrée par un petit graphique, laisse présager d’un futur pas très rose:
Mais si l’on prend en compte le fait que demain – youpi, demain, c’est le 1er Juillet, youpi – c’est la fin de l’opération commerciale Cash Sympa En Zone Euro, et que cette fin d’opération déclenche des sueurs froides chez les banquiers espagnols, on comprend que ce mois de juillet peut très vite tourner au jeu de massacre.
Je cite un extrait du Financial Times trouvé ici :
Banks across the eurozone, but in Spain in particular, have found it hard in recent weeks to secure liquid funding in the commercial markets, with inter-bank funding virtually non-existent.
The €442bn ECB facility, which charges interest at a rate of 1 per cent, is not set to be renewed, something that banks in Spain and elsewhere in Europe say ignores current commercial realities.
A special offer of six-day liquidity will tide banks over until the following week’s regular offer of seven-day funds. On Wednesday, the ECB will also be offering unlimited three month liquidity, and further offers of three-month liquidity will keep banks going until at least the end of the year.
La teneur générale est que la BCE distribue du cash à qui en veut, que tout le monde bancaire se précipite, que personne ne veut de ses bons qui puent, et que tous serrent les fesses très très fort.
De tout ceci, on ne parlera pas dans les journaux mainstream : les Français ne sont pas assez matures, trop bêtes pour comprendre. Bestiaux corrompus par des politiciens corrompus, ils ne doivent pas stresser.
C’est bientôt juillet, les vacances, le farniente.
L’été sera chaud.