Je ne vais guère au Moulin à Boissy le Châtel que pour les vernissages et les finissages (souvent fort joyeux), et c’est un des paradoxes de cet immense espace à une heure de Paris que Galleria Continua a ouvert il y a quelques années, entité commerciale mais qui fait penser davantage à un centre d’art, hybride intéressant et rare dans sa forme et dans son esprit. Beaucoup de pièces persistent d’une exposition à l’autre, mais on se prend à regretter l’absence de la fenêtre suspendue de Leandro Erlich qui, vendue et désormais orpheline, orne une propriété provinciale, je crois. Découvrons la nouvelle édition, centrée sur trois artistes Urs Lüthi, Berlinde de Bruyckere et Serse (dans un prochain billet), plus quelques autres ‘Idoles’ (jusqu’au 3 octobre).
Temporundum Continuo de Luca Pancrazzi est un travail sur le temps et sur l’accident : des tondi, qui sont en fait des horloges, sont recouverts d’éclats de verre feuilleté, comme des morceaux de pare-brise éclaté, sur lesquels la lumière joue joliment. Le cadran est quasiment invisible, les aiguilles sont gelées, le temps est suspendu : la mort peut-être.
En entrant dans l’installation de Liu Jianhua, The boxing age, on s’attend à ce qu’un souffle de vent agite ces gants de boxe suspendus au plafond; mais, en porcelaine, ils sont trop lourds et, au premier contact, au
premier round, ils vont se briser. Chacun est marqué du nom d’un pays, ce sont là des idoles nationalistes, compétitives, dont la violence induit la fragilité, dont l’engagement guerrier sera leur propre destruction : nul lecteur de ce blog ne sera surpris de ce gant-ci, à droite (cliquez).Le fil ténu de ces ‘Idoles’ (il y a aussi, entre autres, les poupées-totems de Pascale Marthine Tayou) est la divinité proposée à notre adoration, ou, plus probablement à notre critique, à nos remises en cause, à nos déplacements sensibles.
Photos Pistoletto 1 et Pancrazzi 1 courtoisie de Galleria Continua et Agence Tilt (Luca Pancrazzi, Temporundum Continuo, 2010, verre, silicone, horloges, dimensions variables, courtesy Galleria Continua, San Gimignano / Beijing / Le Moulin. Michelangelo Pistoletto, Il Tempo del Giudizio, 2009, soie blanche naturelle, structure en fer, bois, miroir, tapis, sculpture de Buddha, prie-dieu, 300 x 1000 cm, courtesy Galleria Continua, San Gimignano / Beijing / Le Moulin). Autres photos de l’auteur.