Soirée Traduction de Poezibao, les textes : 4. George Oppen

Par Florence Trocmé

Poezibao a organisé le 16 juin dernier une soirée spéciale Traduction en pré-ouverture du Marché de la Poésie, à Paris (compte-rendu, avec photos).  
Le principe était le suivant, chaque traducteur apportait une traduction inédite, laquelle serait publiée ensuite sur le site Poezibao.  
Le site entreprend donc aujourd’hui la publication de ces contributions. Dans l’ordre seront ainsi publiés des textes et poèmes de : 
 
1. Rachel Blau Du Plessis (traduction Auxeméry) 
2. Klaus Merz (trad. Marion Graf) 
3.
Frank O’Hara (trad. Olivier Brossard) à venir
4. George Oppen (trad. Yves di Manno) 
5.
Nichita Stanescu (trad. Pierre Drogi) 
6. Herta Müller (trad. Pierre Drogi) 
7. Carlo Bordini (traduction Olivier Favier) 
8.
Sera publié également une traduction inédite d’Eric Arendt, envoyé par Jean-Claude Schneider qui ne pouvait malheureusement être présent.  Un fichier Pdf avec l'intégralité des textes sera publié lorsqu'auront été mises en ligne toutes les contributions.

4. George Oppen 
Traduction Yves di Manno 

 

le sol maya 
 
 
. . . et qu’ils soient beaux ou non il n’y aura 
personne pour veiller sur eux dans les temps à venir . . . 
 
Nous avons pleuré les oiseaux pourpres et les bijoux 
ornementaux 
Et la poignée de pierres précieuses dans nos champs . . . 
 
Pauvres sauvages 
Spectraux et lumineux. Se contentant à présent de rouler 
 
Le pneu laisse une empreinte 
Sur la terre, une crevasse dans le sol 
 
S’effritant sur les bords 
Qui est l’effroi, le disgracieux 
 
Enlisement des événements –  
 
A l’intérieur de cette coquille, « l’œuf moucheté », 
Le poète écrit sur ce que nous essayons de rompre 
 
Chaque jour, le grain infime, 
 
L’électron, qui bat 
Sans raison, 
 
Grain desséché, père 
 
De tous nos pères 
Caché dans la coquille embrasée 
 
Du soleil –. Sauvages, 
 
Sauvages, aucun mystère ne les entoure, 
Étant donné le reste, 
 
Eux qui ont évolué 
A l’intérieur de ça, et nul ne les protégera 
 
Donc dans les temps à venir, dans les ornières 
De la route 
 
Ou des champs ou l’air 
Raréfié des montagnes inclémentes –. Mais le dieu ! 
 
Disaient-ils, 
Avançant sur les eaux, 
 
La brise sur l’eau, le serpent 
A plumes, 
 
Le vent à la surface 
Dans les eaux peu profondes 
 
Et le décompte du calendrier est devenu confus. 
 
Ils disaient qu’ils avaient perdu le récit 
Du déroulement de l’univers 
 
Et seul le peuple 
 
S’agitant chaque matin 
Au sortir des maisons, et les cheveux noirs 
 
Des femmes à la pompe 
 
Face à l’aube 
Semblent beaux. 
 
Traduit par Yves di Manno, texte original en cliquant sur “lire la suite) 

the mayan ground 
 
 ...and whether they are beautiful or not there will be 
no one to guard them in the days to come ... 
 
We mourned the red cardinal birds and the jeweled 
ornaments 
And the handful of precious stones in our fields ... 
 
Poor savages 
Of ghost and glitter. Merely rolling now 
 
The tire leaves a mark 
On the earth, a ridge in the ground 
 
Crumbling at the edges 
Which is terror, the unsightly 
 
Silting sand of events –  
 
Inside that shell, « the speckled egg » 
The poet wrote of that we try to break 
 
Each day, the little grain, 
 
Electron, beating 
Without cause, 
 
Dry grain, father 
 
Of all our fathers 
Hidden in the blazing shell 
 
Of sunlight – .Savages, 
 
Savages, there is no mystery about them, 
Given the rest of it, 
 
They who have evolved 
In it, and no one to shield them 
 
Therefore in the days to come, in the ruts 
Of the road 
 
Or the fields, or the thin 
Air of the berserk mountains – .But the god ! 
 
They said, 
Moving on the waters, 
 
The breeze on the water, feathery 
Serpent, 
 
Wind on the surface, 
On the shallows 
 
And the count of the calendar had become confused. 
 
They said they had lost account 
Of the unrolling of the universe 
 
And only the people 
 
Stir in the mornings 
Coming from the houses, and the black hair 
 
Of the women at the pump 
 
Against the dawn 
Seems beautiful. 
 
 
Extrait de This In Which (1965)