Pour être plus juste il me faut dire « presque jamais effleurées ». Car ces sentiments violents que je ressens aujourd’hui, je les ai connus lorsque j’ai rencontré ma compagne (j’y reviendrai). Ils ont traversé une partie de ma vie. Mais la première fois, la fois où je les ai découverts, c’était au sortir de l’adolescence. Ce fut un tremblement de corps, un choc. A l’aube de mes dix-sept ans je fus immergé dans une situation jamais connue auparavant. Elle a duré près de trois années durant lesquelles j’ai vécu dans un monde nouveau, noyé dans des sentiments que je trouvais étranges alors. Je baignais dans de la ouate, dans une sorte de bien-être candide. Le bonheur. Les responsables s’appelaient Linda et Louisa. Deux soeurs jumelles. Elles étaient brunes et fines, le sourire toujours au rendez-vous. Bien faites et bien attentionnées. C’étaient les filles du meilleur boulanger du quartier. Elles le remplaçaient dès qu’elles pouvaient. C’était à Gambetta, notre Eden, un quartier populaire qui se situe à l’est d’Oran. Très dévoué, je me portais souvent volontaire pour acheter le pain pour mes parents, parfois même pour les voisins ou les amis. Sur le chemin j’étais toujours animé du secret espoir de croiser l’une ou l’autre. J’étais amoureux éperdu des deux. Je baignais dans du coton, dans un bien-être naïf. Elles s’appelaient Linda et Louisa. Elles souriaient souvent. Toujours attentives. J’avais dix-sept ans et elles quinze. La situation ne prêtait pas à rire malgré les confusions et les quiproquos inévitables et compréhensibles qu’elle engendrait de temps à autres. Les deux soeurs ont paralysé mon coeur des années durant. L’état dans lequel je me trouve aujourd’hui est très proche de ma condition durant cette adolescence finissante, la candeur en moins. Jamais depuis cette époque-là je n’ai éprouvé de telles émotions. Jusqu’à récemment (quant à ma compagne j’y reviendrai). Les eaux ont coulé sous les ponts du traître temps déléguant à la mémoire la charge du tri. Aujourd’hui je suis plus proche de l’aube du crépuscule hivernal et ce qui m’arrive est aussi intense que mes amours printanières. Je reviens à l’agenda professionnel pour dire qu’il est insuffisant. Il ne peut contenir à la fois les préoccupations des stagiaires, les comptes-rendus de réunions, enfin toutes sortes d’informations concernant mon quotidien professionnel très ordinaire et les sentiments que j’éprouve. Je ne peux y porter ce que j’ai besoin d’écrire à propos de cette tension interne, de ce mouvement, de cette force qui m’est tombée dessus, de cette lame de fond, de cette déferlante arrivée de je ne sais où sans m’avertir. Dieu m’est témoin, je me suis rangé depuis quelques années déjà. Et là, cette vague belle comme une Hawaïenne, forte comme le Kilauea et haute comme une cordillère andine, source de jouissances et de drames intimes, est, chaque jour qui passe, plus ensorcelante, plus magique et plus irrésistible. Elle m’aspire tel un fétu de paille charrié par un canal en furie. Car enfin, je suis bien emporté par un tsunami dont j’ignore tout. Alors voilà, je continuerai à tenir un agenda pour le travail et dans ce cahier à spirales que j’ai acheté pour l’occasion, je consignerai toutes les vérités au profit de mes mensonges, tous les artifices au service de ma sincérité. Ce cahier sera moi et ne le sera pas. Cela dit, son contenu ne ressemblera en rien (ou si peu) à la longue histoire que j’ai relatée dans un livre, il y a de cela bien longtemps. C’était alors une histoire (enfin presque). Peut-être y reviendrai-je. Au début de ce mois de septembre j’ai fait une rencontre qui, depuis, ne cesse d’ébranler mon quotidien, secouer mon être. Une rencontre inouïe. Voilà pourquoi j’ai décidé de la raconter dans le détail dans ce cahier. Raconter cette rencontre et la vie qui en suit. Ce cahier abritera un pan de mon histoire, celle qui me lie à Katia. Ka-ti-a. Trois syllabes tirées par les cheveux, aussi légères et fragiles que trois balles de tennis multicolores à la merci d’un jongleur qui s’en délecte, l’une après l’autre. Tantôt l’une tantôt l’autre, lancées à tour de rôle de bas en haut, puis récupérées et lancées de nouveau dans le désordre. Trois syllabes sources de l’authenticité. Ce cahier m’accompagnera tant que durera cette surprenante et magnifique relation. J’y rapporterai les faits, mes appréciations, mes sentiments. S’il m’était possible d’enregistrer sur bandes mes sentiments à l’état brut, je le ferais ! Je coucherai dans ce cahier tout ce qui se rapporte de près ou de loin à notre relation et que je jugerai intéressant. A suivre...
Pour être plus juste il me faut dire « presque jamais effleurées ». Car ces sentiments violents que je ressens aujourd’hui, je les ai connus lorsque j’ai rencontré ma compagne (j’y reviendrai). Ils ont traversé une partie de ma vie. Mais la première fois, la fois où je les ai découverts, c’était au sortir de l’adolescence. Ce fut un tremblement de corps, un choc. A l’aube de mes dix-sept ans je fus immergé dans une situation jamais connue auparavant. Elle a duré près de trois années durant lesquelles j’ai vécu dans un monde nouveau, noyé dans des sentiments que je trouvais étranges alors. Je baignais dans de la ouate, dans une sorte de bien-être candide. Le bonheur. Les responsables s’appelaient Linda et Louisa. Deux soeurs jumelles. Elles étaient brunes et fines, le sourire toujours au rendez-vous. Bien faites et bien attentionnées. C’étaient les filles du meilleur boulanger du quartier. Elles le remplaçaient dès qu’elles pouvaient. C’était à Gambetta, notre Eden, un quartier populaire qui se situe à l’est d’Oran. Très dévoué, je me portais souvent volontaire pour acheter le pain pour mes parents, parfois même pour les voisins ou les amis. Sur le chemin j’étais toujours animé du secret espoir de croiser l’une ou l’autre. J’étais amoureux éperdu des deux. Je baignais dans du coton, dans un bien-être naïf. Elles s’appelaient Linda et Louisa. Elles souriaient souvent. Toujours attentives. J’avais dix-sept ans et elles quinze. La situation ne prêtait pas à rire malgré les confusions et les quiproquos inévitables et compréhensibles qu’elle engendrait de temps à autres. Les deux soeurs ont paralysé mon coeur des années durant. L’état dans lequel je me trouve aujourd’hui est très proche de ma condition durant cette adolescence finissante, la candeur en moins. Jamais depuis cette époque-là je n’ai éprouvé de telles émotions. Jusqu’à récemment (quant à ma compagne j’y reviendrai). Les eaux ont coulé sous les ponts du traître temps déléguant à la mémoire la charge du tri. Aujourd’hui je suis plus proche de l’aube du crépuscule hivernal et ce qui m’arrive est aussi intense que mes amours printanières. Je reviens à l’agenda professionnel pour dire qu’il est insuffisant. Il ne peut contenir à la fois les préoccupations des stagiaires, les comptes-rendus de réunions, enfin toutes sortes d’informations concernant mon quotidien professionnel très ordinaire et les sentiments que j’éprouve. Je ne peux y porter ce que j’ai besoin d’écrire à propos de cette tension interne, de ce mouvement, de cette force qui m’est tombée dessus, de cette lame de fond, de cette déferlante arrivée de je ne sais où sans m’avertir. Dieu m’est témoin, je me suis rangé depuis quelques années déjà. Et là, cette vague belle comme une Hawaïenne, forte comme le Kilauea et haute comme une cordillère andine, source de jouissances et de drames intimes, est, chaque jour qui passe, plus ensorcelante, plus magique et plus irrésistible. Elle m’aspire tel un fétu de paille charrié par un canal en furie. Car enfin, je suis bien emporté par un tsunami dont j’ignore tout. Alors voilà, je continuerai à tenir un agenda pour le travail et dans ce cahier à spirales que j’ai acheté pour l’occasion, je consignerai toutes les vérités au profit de mes mensonges, tous les artifices au service de ma sincérité. Ce cahier sera moi et ne le sera pas. Cela dit, son contenu ne ressemblera en rien (ou si peu) à la longue histoire que j’ai relatée dans un livre, il y a de cela bien longtemps. C’était alors une histoire (enfin presque). Peut-être y reviendrai-je. Au début de ce mois de septembre j’ai fait une rencontre qui, depuis, ne cesse d’ébranler mon quotidien, secouer mon être. Une rencontre inouïe. Voilà pourquoi j’ai décidé de la raconter dans le détail dans ce cahier. Raconter cette rencontre et la vie qui en suit. Ce cahier abritera un pan de mon histoire, celle qui me lie à Katia. Ka-ti-a. Trois syllabes tirées par les cheveux, aussi légères et fragiles que trois balles de tennis multicolores à la merci d’un jongleur qui s’en délecte, l’une après l’autre. Tantôt l’une tantôt l’autre, lancées à tour de rôle de bas en haut, puis récupérées et lancées de nouveau dans le désordre. Trois syllabes sources de l’authenticité. Ce cahier m’accompagnera tant que durera cette surprenante et magnifique relation. J’y rapporterai les faits, mes appréciations, mes sentiments. S’il m’était possible d’enregistrer sur bandes mes sentiments à l’état brut, je le ferais ! Je coucherai dans ce cahier tout ce qui se rapporte de près ou de loin à notre relation et que je jugerai intéressant. A suivre...