Nicolas Hayek n’est plus. Il est mort hier, en tenant séance, dans son entreprise, à Bienne, à 82 ans. Pour lui le mot de retraite n’avait pas de signification. Ou alors celle de la mort qui l’a d’ailleurs surpris à la tâche, même s’il savait qu’il n’en avait plus pour longtemps à vivre.
Ce n’est pas le lot de tout le monde de pouvoir se retirer pour toujours en se produisant une dernière fois sur la scène où l’on a joué un rôle éminent. Mais cette façon de tirer sa révérence a quelque chose d’élégant et de symbolique, qui devrait tout de même faire réfléchir ceux qui sont pressés de se retirer…pour ne surtout plus rien avoir à faire.
En France l’âge légal de la retraite passera peut-être bientôt de 60 à 62 ans…alors qu’en Suisse il est, pour le moment, de 65 ans. Il y a donc là, en cette circonstance, la mort d’un superactif de 82 ans, quelque chose de dérisoire…
A mon sens, il ne devrait pas y avoir d’âge légal de la retraite, mais la possibilité de se retirer à l’âge que l’on veut, quand on sait que ce que l’on a mis de côté pour ses vieux jours sera suffisant pour vivre décemment et passer à autre chose. La retraite par répartition, qui est une forme de redistribution forcée, basée sur une escroquerie ici, ne le permet, hélas, qu’aux êtres d’exception…
Nicolas Hayek était un vrai patron. Il savait que la réussite n’est au rendez-vous que lorsque l’on prend des risques et qu’on innove. Il savait aussi que la réussite n’est même pas, dans ces cas-là, toujours au rendez-vous. Mais il savait rebondir si l’échec survenait. Au début de sa carrière il était consultant pour l’industrie automobile. Il a eu notamment pour clients Mercedes et Mannesman. Ce qui lui a certainement beaucoup appris et rapporté.
Un homme de son envergure, et qui en était conscient, ne pouvait pas rester conseilleur indéfiniment sans payer à un moment ou à un autre de sa personne. Créateur dans l’âme, curieux de toutes les nouveautés technologiques, il avait tout du visionnaire, qui secoue gaillardement les cocotiers et qui a des idées.
Au début des années 80 l’horlogerie suisse était à l’agonie. C’est en tant que consultant, puis repreneur, qu’il est intervenu sur ce marché et qu’il l’a sauvé. Il a su vendre le concept de la Swatch – une montre bon marché, fiable, amusante – et relancer des marques comme Omega et Breguet.
Il paraît que Nicolas Hayek avait un fichu caractère, qu’il pouvait même être odieux à certaines occasions – d’aucuns se souviennent de ses colères – ce qui ne l’empêchait pas de se montrer humain, affectif, émotif, en d’autres occasions.
L’adage dit que gouverner c’est prévoir. Toujours présent dans son entreprise, il savait qu’il n’était pas éternel et il avait organisé sa succession depuis longtemps. Son fils Nick est aux commandes depuis 7 ans déjà. Swatch Group n’est donc pas mort avec lui.
Les photos de la presse de ce matin le montrent, sans vergogne, en train de fumer le cigare [la photo ci-dessus provient d'ici], ce qui n’était peut-être pas bon pour sa santé, mais ce qui montre que la critique des hygiénistes finit par se taire devant le bon plaisir des puissants. Selon que vous serez puissant ou misérable vous sera reconnue la liberté de fumer où bon vous semble…
Francis Richard