Germain rencontre Margueritte avec deux t sur un banc. Elle donne à manger au pigeons, ils les prénomme selon leurs particularités physiques ou de caractère. Il a tellement touché terre, qu'il est resté en bas, elle est dans les hautes sphères et se balade toujours avec un livre à la main.
C'est l'histoire d'une rencontre qui a atteint son but. Personne n'en sort indemne. Un gars bourru, l'idiot du village, qui fait rire ses copains avinés au bar du village. Une mère maltraitante toxique. Une jeune femme qui, avec ses fêlures, arrive à voir avec son cœur. Une femme d'amour qui porte sa vie sur son visage.
Il suffit d'une personne qui ne vous juge pas, qui désire vous connaitre réellement, qui ne vous colle pas d'étiquettes pour pour que vous acceptiez de découvrir et de faire sortir le vrai vous. Celui ou celle qui ne se nivelle pas, qui ne se fourvoie pas pour ressembler à l'image que les autres ont de vous.
Un beau moment de lecture qui rend hommage à la puissance des livres et à la vie qui n'a rien de facile, de continu, ou de régulier. La vraie vie, quoi ! Celle qui va, qui bat, qui exige, qui ordonne, qui frappe parfois, qui donne, qui peut reprendre, qui vole, qui offre.
Marie-Sabine Roger possède une plume rare pleine de contrastes. Une alliance entre innocence et lucidité, grâce et dureté, force et délicatesse. Avec beaucoup d'originalité et de justesse, elle peint les visages des gens que nous croisons tous les jours sans les connaitre et nous le fait regretter.
Dommage...
Que l'éditeur n'ai pas profité du film pour le sortir en poche !
Des extraits...
Juste...
« Les livres, je peux vous en parler, maintenant : j'en ai lu. Quand on n'est pas éduqué, comme moi, vous ne pouvez pas savoir comme c'est compliqué, la lecture. On lit un mot, c'est bon, on le comprend et le suivant aussi, et le troisième, avec un peu de chance. On continue, du bout du doigt, huit, neuf, dix, douze, comme ça jusqu'au point. Mais quand on y est, on est bien avancé ! Parce qu'on a beau vouloir tout assembler, pas moyen, les mots restent en vrac, comme une poignée de boulons et d'écrous jetés dans une boîte. Les gens qui savent, c'est facile, pour eux. Il se contentent de visser ce qu'il faut là où il faut. Quinze mots ou vingt mots, ça ne leur fait pas peur, ça s'appelle une phrase. Pour moi, pendant longtemps, c'était bien autre chose. Je savais lire, ça bien sûr, puisque je connaissais mes lettres. Le problème c'était le sens. Un livre, c'était un piège à rat pour ma fierté, un putain d'objet hypocrite, qui paraissait inoffensif à voir comme ça. »
Drôle...
« J'en étais arrivé à me dire que les parents sont faits pour être abandonnées le plus vite qu'on peut. Que le Seigneur me pardonne autant d'ingratitude seulement, Lui, Sa mère était une sainte. Alors Il ne peut vraiment pas comparer. »
Magnifique...
« C'est vrai qu'avant, je les faisais marrer. Je racontais toujours des histoires de cul ou de Belges, ou de Juifs ou de Noirs. Pas sur les Italiens, par rapport à Marco, pas sur les Beurs non plus, à cause de Youssef. Les amis, c'est sacré. Aujourd'hui, j'ai compris que ces histoires-là, elles sont pas drôles, en fait. Mais quand on est bourré, on a le seuil qui baisse, on se marre pour rien. Ça devient vite une habitude d'être un abruti, vous savez ? J'en parle un peu par expérience. D'abord on l'est pas flemme, et puis on reste au ras. Et puis un jour, en comptant les pigeons, on tombe par coincidence sur une grand-mère vacante (...) Et petit à petit, on voit plus rien pareil. On s'intéresse plus aux mêmes choses. On baise plus, on fait l'amour. On supporte sa mère. On va dans les bibliothèques. »
La tête en friche – Jean Becker
J'étais en train de lire le livre de Marie-Sabine Roger dans le TGV qui m'emmenait à Paris pour une réunion professionnelle quand, à la sortie de la Gare de Lyon, je découvre l'affiche du film. Immédiatement, les notes de la mélodie du générique de la Quatrième dimension me viennent à l'esprit. Tainainainain tanainainainain (si vous avez moins de trente ans, laissez-tomber).
Ensuite, en belle naïve que je suis, je me dis : « Tiens ! Un film portant le même nom du livre que je suis en train de lire ! ». Yep. Véridique. Je n'en suis pas fière.
La troisième pensée fut un peu plus appropriée : « Gérard Depardieu ne serait-il pas un peu vieux pour jouer le rôle de Germain. Même si j'apprécie énormément l'acteur, y aurait-il qu'un seul acteur français capable de faire le Mammuth ? ».
Par la suite, j'ai pas mal hésité. Oui, pourquoi pas. Finalement, j'attendrais la sortie DVD. Un film dont un des thèmes est la lecture me fait très envie. Ouais mais la bande-annonce suscite plutôt l'effet inverse. Bref, le film comme le livre m'a appelée et je ne le regrette pas.
Vous trouverez autant de critiques négatives que positives sur le film, sa thématique ou sa réalisation. Posons tout à plat dès le départ :
Gérard Depardieu est trop vieux pour incarner Germain, doux innocent de 45 ans, ce qui dessert en premier lieu le couple Germain-Annette. Le visage juvénile de Sophie Guillemin, qui est d'ailleurs excellente, accentue cette incohérence. Dans le livre, le lecteur est amené à comprendre ce qu'Annette cherche et aime en Germain. Dans le film, on se demande franchement ce qu'ils font ensemble.
Les flash-backs sont au cinéma ce que les icebergs sont au Titanic. Il suffit d'en rater un pour couler un film. Et malheureusement, Becker n'en a réussit aucun. Le personnage de cette mère maltraitante et irrémédiablement toxique est suffisamment pathétique sans en rajouter. Hélas, rien ne nous est épargné. Du maquillage dégoulinant à une bouche immense d'ogresse, la subtilité de l'écrit passe inaperçue devant le pathos de l'image.
Et pourtant cela fonctionne ! A l'instar de ces coiffures négligées qui semblent n'avoir pas évolué depuis la sortie du lit et qui représentent des heures de travail devant le miroir, la mise en scène paraît désuète et minimaliste alors qu'elle éclaire brillamment l'histoire qui se déroule devant nos yeux.
Il y a de la magie dans La tête en friche. Les dialogues de Dabadie (qui manque au cinéma !) rendent hommage à l'écriture de Marie-Sabine Roger et Gisèle Casadesus est tout simplement époustouflante de naturel. Une femme qui semble pouvoir s'envoler, tellement fragile me direz-vous, incroyablement gracieuse corrigerais-je. Il en faut de la force de vie pour insuffler un tel personnage. Et quel pied de pouvoir admirer la beauté d'une femme qui porte sur son visage les marques naturelles des années. Gisèle Casadesus est belle avec ses rides, ses taches brunes, sa vieillesse « encombrante ». C'est le genre de femme qui m'inspire l'envie de vieillir sans peur et dignement.
Oui, il y a de la magie dans La tête en friche et comme tout grand magicien vous le dira, il est inutile d'en décortiquer les secrets, il faut savoir apprécier le moment présent. Voilà ce que le film nous offre. Et comme nous ne sommes que des passeurs sur cette terre, je partage à mon tour ce beau moment de lecture et de cinéma.
Réalisateurs : Jean Becker
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