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Une autre jeunesse

Publié le 30 juin 2010 par Argoul

La saison des oraux d’admission en écoles permet des observations sur le vif. Trente ans d’écart entre les 21-25 ans qui postulent et les 50-55 ans qui les évaluent. Une génération seulement - et un gouffre qui se creuse.

La jeunesse est l’âge joyeux, l’enthousiasme motivé, l’allégresse à entrer dans la « vraie » vie – active, responsable, utile. Cela reste, heureusement, car on n’a pas changé encore la biologie. Mais l’école a clairement failli. Tout ce qui est scolaire, dogmatique, autorité en chaire, est rejeté sans appel. La jeunesse s’en fout, s’évade et se fait son idée autrement. Il faut dire que la déprimante profitude se complaît à la déploration et à la repentance, toutes choses « à la mode », mais qui dégoûtent la joie de vivre de la jeunesse profonde. N’y a-t-il rien de positif à exalter dans ce monde ? La société dans laquelle ces jeunes gens entrent est-elle donc comme hier malgré les grands mots et les grand hommes ? Si c’est vrai, alors autant zapper ; si c’est faux, autant laisser causer.

Ci-après le programme prof d’une journée de lycée : la débâcle de 40, l’exploitation des immigrés, ‘La Peste’ de Camus. Ne manque plus que la Shoah et l’esclavage…  Il y a une sourde opposition de l’âge tendre à ces a priori de nantis vieillis. La jeunesse vit dans le présent et l’avenir, pas dans la mémoire ni le devoir. Les jeunes sentent bien que le corporatisme syndical et le militantisme politicien des profs n’est pas à leur service ni pour leur avenir.

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De 19 à 25 ans, le jury reconnaît aisément les bébés des jeunes adultes. Question de famille.

Les bébés (souvent des filles) ont été cocoonés en leur enfance et adolescence : vacances exclusivement familiales, pas de vie associative, pas d’opinion citoyenne autre que celle de papa. On suit des études sans croire vraiment que cela puisse déboucher un jour sur un métier précis, l’avenir à 2 ou 3 ans reste flou. Côté garçon, en enfile les formations pour être sûr de soi, sans y parvenir vraiment, faute de stage concret ou d’emploi saisonnier motivant.

Les jeunes adultes peuvent l’être très tôt, à 19 ans parfois. La famille a soutenu mais a forcé les enfants aux responsabilités étant jeunes. Le scoutisme, l’engagement humanitaire ou associatif, un cursus sportif ou culturel (jouer d’uns instrument, monter des spectacles de danse), tout cet à côté hors institutions a donné du poids au jugement personnel, à l’écoute des autres et à la curiosité pour l’existence.

La jeunesse mûre déteste la fac, après une année ou deux d’expérience parfois. « On est livré à nous-mêmes », « pas de méthode », « chacun se débrouille, la loi de la jungle », aucune vie associative ou alors « la bureaucratie » ou « la politique ». La jeunesse préfère le pratique : après un bac S ou ES – qui n’oriente vers rien – un IUT, DUT ou BTS apparaît comme du concret formateur. Une année dans une université anglaise permet enfin de parler comme on n’a jamais plus l’apprendre en 7 ans de secondaire français ! Une école de commerce permet alors de devenir professionnel dans un environnement convivial et pratique. La jeunesse garde le bon sens – ce qui n’est pas à l’honneur des institutions fonctionnariales.

Autres échecs visibles de l’école : la lecture et l’information, plus généralement l’intérêt citoyen. Là, c’est nul ! La jeunesse actuelle se moque royalement de la politique. A 21 ans, ils n’ont parfois jamais voté (alors qu’il ya eu 3 élections). Commentaire d’une Ardéchoise revendiquée : « je crois que nous sentons ne rien pouvoir changer, que les promesses ne sont jamais remplies, alors ça nous intéresse pas. » L’école, évidemment, s’est contentée du minimum administratif pour inculquer la citoyenneté. Seules les associations bénévoles ou le sport ont permis d’aller vers les autres, surtout pas l’école !

D’où le désintérêt pour l’information, lorsqu’elle n’est pas pratique, locale ou proche. Aucun des 20 étudiants/étudiantes interrogés ne sait combien il y a en gros de Chinois dans le monde, ni d’habitants à Paris. A la question de savoir quel élément de l’actualité les a marqués, ce sont ou bien le global vu à la télé (la marée noire de BP) ou le très local du patelin (un jeune en boite tabassé). La menace nucléaire en Iran et en Corée du nord ? cékoiça ? La chute de l’euro ? bof… Obama ? Ah oui, le président américain ?

Nul ne veut plus travailler dans la finance, ni même dans la banque, parfois après y avoir effectué un stage. Mais le marketing ou le commerce international, voilà qui tente ! Aller à l’étranger, apprendre une autre langue, jouer avec l’image pour promouvoir un produit, voilà qui est tendance. Car si les jeunes ne lisent plus, ils aiment l’image et les technologies.

Pourquoi ne lisent-ils plus ? Parce que c’est scolaire et que la profitude les débecte. Parce que trop de mots ça prend la tête et qu’il faut être léger. Certains (surtout des filles) notent comme lecture « polars, comédie ». Nul ne parle de roman (trop connoté mamie ou intello-à-binocles ?) mais ils avouent lire du facile ou du larmoyant (Marc Lévy, Katerine Pancol).

Surtout, ils n’ont pas le temps : entre internet, fesses-boucs, le sport, les copains/copines, la famille, les teufs, les maths discriminantes au lycée qu’il faut bûcher  - où trouver le temps de lire ? L’emploi du temps des gamins ou des jeunes ados est parfois rempli par les parents de façon inconsidérée : tennis, cours de maths, violon, goûter ou soirées, week-ends culturels… Sans parler du tropisme syndical prof de charger les matières pour justifier les emplois ! A la fille qui vous assure « lire chaque jour Le Figaro et Le Monde », n’hésitez pas à traduire  qu’elle zappe un quart d’heure sur les titres dans la partie gratuite du site internet. Le plus souvent, elle se contente des actus gougueule ou yahou.

Il est intéressant d’observer la jeunesse telle qu’elle est.

  • A quoi bon écrire des livres ? Ils ne seront lus que par des vieux.

  • A quoi bon réfléchir sur le pays ou sur le monde ? Chacun vit sa petite vie tranquille et provinciale, ne s’intéressant à l’autre que lorsqu’il s’expatrie.

  • La politique et l’avenir du pays ? C’est réservé aux bobos ou aux encartés, pas à la grande masse qui s’en fout… et se vengera des histrions qui promettent plus qu’ils ne tiennent.

  • Inutile de bloguer au moment de la Coupe du monde ! La moitié de vos lecteurs habituels ont déserté…


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