L’homme est ainsi fait qu’il évolue en permanence entre le biologique - le besoin - qui est que nous sommes des animaux, et notre part d’humain qui nous oblige à nous soumettre à nos désirs, à ce qui n’est en aucune manière indispensable à notre vie. Georges Bataille a eu cette géniale expression : « de l’utilité de l’inutile ». Et oui, confondre allègrement sensation et sensibilité fait que ce livre est foutu, que les descriptions physiologiques, les points de vue purement factuels, au delà de leur aspect intrigant au début du livre, lassent très vite car justement, notre héros perd toute humanité et se confond avec une histoire policière facile où nous retrouvons les aspects classiques d’Antoine Chainas, mais sans le jus qui a fait la valeur de ses deux livres précédents.
Le style est toujours brillant, la prose toujours fulgurante, mais le fond est loupé ce qui me fait d’autant plus mal au cœur que s’il arrivait à allier cette connaissance de l’humain qui mixe, mélange, marie, communie, le besoin et le désir, cet opus pourrait prendre un dimension folle.
Ne rien sentir ne donne aucune clé dans ce livre à ce que le héros ressent. Est-on en vie juste parce que l’on sent les choses, ou est-on homme parce que nous les ressentons ? L’homme est ainsi fait qu’il acculture toute sa vie inventant ainsi des pans entiers de cette vie qui dépassent le simple besoin. Nous avons certes besoin de manger, mais pour autant, nous avons inventé le foie gras, le Côte du Rhône qui ne sont pas indispensables à notre besoin ; mais oh combien indispensable à notre humanité. Nous n’avons pas plus besoin de la littérature, de la poésie, de la musique, mais sans elles, que serions nous ? Dans le même ordre d’idée Chainsasienne, nous n’avons pas besoin du porte-jarretelles, du sex toy, pour nous reproduire, mais que serions nous sans ce passage entre génitalité et sexualité ? Décrire n’est pas comprendre, pas plus qu’expliquer n’est pas expliciter.
Pour l’anecdote, le livre suivant - 6 pieds sous les vivants - quand bien même il s’agit d’une commande, est lui aussi limite dans cette distinction entre physiologie et psychologie.
Vivement le prochain.