Comme c'est beau un corps... d'homme!

Par Araucaria
Il y a deux jours, je vous offrais un texte dans lequel Soeur Emmanuelle s'extasiait devant la beauté d'un corps humain, au travers de la vision de sa voisine faisant sa toilette. Puisque la femme était à l'honneur, il était juste de rendre aussi hommage au corps de l'homme...
J'ai choisi ce texte de Marie Cardinal, découvert il y a quelques années, et que je trouve superbe. Texte émouvant, d'une grande sensibilité, écrit sans vulgarité ni pudibonderie, une très belle page sensuelle. J'espère que vous l'apprécierez. Pour l'illustration, il m'est venue naturellement à l'esprit de choisir un phallus sculpté par une grande dame de l'Art disparue tout dernièrement.

Louise Bourgeois - Fillette - www.euroartmagazine.com/
"Quand j'ai vu le garçon nu qui bandait, quand j'ai senti dans ma main son membre doux comme un velours de soie, tiède comme un pain qui sort du four, j'ai éprouvé une joie formidable. J'étais fière et heureuse d'être là. J'ai trouvé beau à en pleurer son corps maigre de jeune homme, comme si tous ses muscles, toute sa peau, tous ses poils, étaient faits pour brandir son sexe en érection. Quand il a écarté mes jambes et que, agenouillé entre elles, il s'est mis doucement à me dépuceler, avec un air buté, un air qui me faisait comprendre que rien n'arrêterait son acte, que je devais me laisser faire, j'ai trouvé que ce qu'il faisait était utile, nécessaire, parfaitement en harmonie avec le fond de moi. Je m'en suis voulu un instant d'avoir gardé si longtemps prisonniers les profonds mouvements de mes reins qu'il suscitait, ces ondulations qui allaient de mes talons à ma nuque. Rien ne m'a choquée, rien ne m'a surprise. Même quand le rythme est devenu brutal et que j'ai senti céder en moi je ne sais quel barrage de satin. Ce qui m'a le plus étonné, c'était après, sa tendresse, sa faiblesse, sa fragilité, comme s'il m'avait donné toute sa force. J'ai éprouvé de la reconnaissance pour lui.
Je n'avais pas joui mais je n'avais pas été dégoûtée, au contraire. Quand je suis restée seule j'ai lavé mes draps salis de sang. Il faisait chaud, ils seraient vite secs. Je me suis allongée à même le matelas, dans l'obscurité. Impossible de trouver le sommeil. Ce garçon, je l'avais choisi pour son habileté, il avait la réputation d'être un tombeur, un amant. Je le savais amoureux d'une femme mariée plus âgée que moi. J'avais de la  sympathie pour lui, je sentais qu'il saurait y faire. Il avait accepté gravement de jouer son rôle d'initiateur. Il avait réussi sa tâche puisque j'étais là contente, certaine de refaire l'amour avec lui demain, en ayant envie."
Marie Cardinal (Les mots pour le dire) extrait de Paroles de Femmes, sous la direction de Jean-Pierre Guéno - Librio n° 848