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Privatiser le sport

Publié le 28 juin 2010 par Lecriducontribuable

Pour un économiste, il est clair qu’il faut privatiser le sport : il s’agit d’un ensemble d’activités qui devraient rester purement privées, que ce soit le sport amateur, ou le sport professionnel ou le spectacle du sport de haute compétition ; il n’y a aucune raison que, si l’Etat s’en occupe, il échappe à la médiocrité dont il fait preuve quand il intervient abusivement dans d’autres activités non régaliennes ainsi qu’aux aux formidables gaspillages dont il est coutumier, avec en plus très souvent des dérives malhonnêtes.

Ce n’est, certes, pas aujourd’hui que le pouvoir envisagerait cette privatisation malgré les incroyables problèmes qu’il s’est créé lui-même dans le cadre de la nationalisation du sport maintenue depuis des décennies.

Quand tout récemment la déroute de l’équipe de France en forme  de « Waterloo » est arrivée, nous avons vu avec stupéfaction le président s’activer à partir de l’étranger lointain en s’introduisant dans des querelles de vestiaire. Ensuite, de retour à la maison, le voici qui convoque  des réunions au sommet de l’Etat pour parler football comme si, alors que tout s’écroule en France, il s’agissait d’un problème national. Et, maintenant, nous sont annoncés des « Etats  généraux du football » pour l’automne. Le livre « Parlottes et fêtes », où je décris les divers malheurs de la France avec les parlottes coûteuses et inutiles censées les conjurer, n’a pas du pénétrer derrière les barrières bien fermées du palais présidentiel. Nous sommes en plus en pleine contradiction car les politiques, qui s’agitent ainsi autour de l’équipe de France pour ne pas avoir pu crier « cocorico », ne sont pas réputés généralement pour s’occuper  exclusivement de la  défense des intérêts de la France, bien au
contraire.

Assez curieusement les déboires anciens de la Fédération Française de Football (FFF) n’ont pas été évoqués par les médias à cette occasion. Or, il suffit pour les connaître de se faire guider par la main dans les rapports de la Cour des Comptes. Depuis longtemps cette dernière a épinglé des désordres incroyables.

Elle avait contrôlé sur les exercices 1984 à 1988 et avait relevé des « dysfonctionnements » graves  ; dans son  langage feutré, une telle expression veut dire que rien ne fonctionnait normalement. Elle a effectué en 2003 un nouveau contrôle et rien semble-t-il n’a bougé. Nous sommes ici devant la permanence dans le désordre étatique : le désordre peut durer des années et des générations avec en conséquence ce que je dénomme « l’effet de ruine ». Si la France se paupérise graduellement ce n’est pas sans raison.

Il est « amusant » de remarquer que dans ce dernier contrôle la Cour souligne que des succès sportifs et populaires sont venus néanmoins en grand nombre, semblant par là excuser les hauts responsables pour toutes les dérives : le « Waterloo » d’aujourd’hui  n’est venu que  plus tard en une conséquence logique ! Effet du désordre : « la situation financière de la Fédération n’est pas exempte de fragilité ». Cela veut dire que la faillite n’est pas loin. La Cour avait déjà remarqué que « les relations avec le Secrétariat d’Etat à la jeunesse et aux sports étaient ambiguës et que le contrôle de l’Etat était assez illusoire ». Dix ans après, elle récidive  « Le contrôle exercé par le ministère demeure très formel ».

« Certains salariés dont au moins un directeur de service n’ont pas de contrats écrits ». Dans une telle situation tous les dérapages sont possibles et probables, bien que la Cour ne s’y attarde pas ! « Les conditions dans lesquelles ont été réalisés les travaux de rénovation du siège de la Fédération ont manqué de transparence ». Mais voici plus grave toujours à propos de ces travaux : « La Cour n’a pu élucider la procédure qui a conduit à retenir comme architecte le gendre d’un dirigeant de la Fédération ». Dans la même ligne de pensée elle a noté que l’on a favorisé une société dont le gérant était aussi un dirigeant. Dès que l’on touche aux fonds publics on remarque ainsi des liaisons « étonnantes » et des circuits monétaires surprenants. Le manque de transparence cache toujours des « combines » éventuelles ; hélas,  la Cour n’en dit pas plus sur ce sujet.

En passant nous lisons cette énormité : « L’analyse des frais de transport a mis en évidence le recours fréquent et onéreux à la location d’avions privés, alors que la plupart des aéroports de destination sont desservis par des lignes régulières ». J’ai souvent remarqué que la profusion de l’argent dans les circuits publics ou quasi publics conduit au mépris de l’argent  ; il faut vraiment mépriser  l’argent pour mobiliser un avion privé alors que l’on a de multiples avions publics à disposition. « Les irrégularités spécifiques relatives à la situation de nombreux fonctionnaires mis à la disposition de la Fédération n’ont pas disparu ». En fait ces fonctionnaires reçoivent des indemnités qui les mettent en infraction avec la règle des cumuls ; on avait bien signalé cette anomalie lors du premier contrôle et personne ne s’en n’était ensuite soucié. A quoi peut bien servir la Cour des Comptes dans ces conditions ?

L’un des entraîneurs de l’équipe de France s’est particulièrement distingué ; sa majoration de traitement multipliait par dix son traitement initial : le « coup au but » est impressionnant ! Un groupe de communication avait obtenu l’exclusivité du sigle de la FFF et de l’image collective de l’équipe de France, ceci sans mise en concurrence ce qui laisse tout supposer ! Il ne semble pas que cette pratique ait changé à l’époque et le même groupe était toujours là en 2003.

Pour quelle raison, cette Fédération est–elle soumise au contrôle de la Cour ?  C’est sans doute parce que l’Etat intervient sous forme d’habilitations et de subventions. Si le sport était libéré en France, les privés y régnant en maîtres, il n’y aurait pas de risques pour l’Etat et pas de contrôle nécessaire pour la Cour. Les problèmes se résoudraient dans le cadre du marché, les propriétaires subissant et parfois rudement eux-mêmes les risques de leur impéritie éventuelles.

Ce voyage dans les méandres de la Cour  des Comptes offre de l’intérêt, bien qu’il soit impossible de savoir si le « Waterloo » est un  effet de ces lointains désordres et si ces  désordres continuent. La presse est étrangement muette ces jours-ci à ce sujet. Qu’en est-il des autres Fédérations sportives ? Nous savons que la Cour s’est intéressée à certaines d’entre elles mais n’avons pas retrouvé les éléments.

Une règle  connue par les économistes est que lorsque l’on privatise une activité abusivement exercée par l’État l’on économise au moins la moitié des charges avec une amélioration de la qualité des prestations.

Il serait intéressant pour mesurer l’intérêt d’une privatisation des activités sportives de connaître le coût supporté par les budgets publics aujourd’hui dans ces activités. Mais en fait c’est absolument impossible à connaître car se limiter au budget du ministère des sports serait ne voir qu’une toute partie du total. Il faut ajouter en effet d’innombrables dépenses au niveau des collectivités territoriales et au niveau des grandes mairies comme par exemple la construction de stades dans toute la France dont beaucoup sont partiellement inoccupés ; d’avance nous pouvons imaginer que le chiffre doit être  considérable ainsi que, par voie de conséquence les économies possibles.

En tout cas, si l’on privatise, cela épargnerait la posture où s’est mis le président de la république, sous les yeux du monde entier, en se transformant en gardien de but inattentif et maladroit !

Michel de Poncins, pour Tocqueville Magazine


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