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Eternal Sunshine of the Spotless Mind: Proust fait son cinéma

Publié le 28 juin 2010 par Mojorisin

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Eternal Sunshine of the Spotless mind, réalisé par Michel Gondry, reste l’un des films majeurs des années 2000, et un objet aussi intriguant que merveilleux. Son esthétisme surréaliste, son onirisme, sa BO, et son scénario alambiqué l’entourent d’un voile de mystère profondément envoûtant. Ce chef d’oeuvre nous place dans la mémoire de  Joel (Jim Carrey) qui tente d’effacer le souvenir de Clémentine (Kate Winslet), un amour perdu, grâce à une technologie novatrice dont le processus retrace la relation en sens inverse pour mieux en éliminer chaque partie.

Mais derrière l’enchaînement de ces souvenirs qui s’effacent se profile le spectre lointain d’un des plus grands écrivains du 20ème siècle dont la notion de mémoire constitua l’un des principaux thèmes: Marcel Proust. L’écrivain prodige posa une distinction entre la mémoire volontaire, composée de souvenirs inexacts, altérés par le temps, reconstruits artificiellement, et la mémoire involontaire nous transportant à un instant précis du passé grâce à un détail particulier de la perception. Vous connaissez probablement le concept de “Madeleine de Proust” qui recouvre une odeur, une saveur, une image, ou un son nous faisant revivre un moment du passé. Cette notion provient du premier tome de sa célèbre saga “A la Recherche du Temps Perdu” où le goût d’une madeleine trempée dans du thé ramène le narrateur au temps de son enfance, lorsqu’il logeait sa tante. Plus qu’un simple rappel, cette madeleine lui fait “revivre” la scène avec toutes les sensations et la nostalgie que cela comporte. Mais à peine ressentie, cette sensation disparaît aussitôt et le souvenir se retrouve à nouveau figé dans la chronologie neutre de la mémoire volontaire.

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Dans le film le héros doit, avant de commencer le processus d’effacement, rassembler tous les objets lui rappelant son ancienne fiancée afin de tracer “une carte des souvenirs” qui devront être détruits. Tous ces objets sont autant de madeleines de proust le reliant à des moments de son passé qu’il revivra pleinement le temps de l’effacement. Mais à peine les revivra-t-il que ces instants s’évanouiront aussitôt. Impossible de faire revivre le passé mais la mémoire involontaire peut nous renseigner sur la vérité de nos sentiments. Ainsi le héro se rendra compte de la réalité de son amour grâce à sa mémoire involontaire, alors que la mémoire volontaire enlaidissait sa relation passée sous le coup de la colère.

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Mais la théorie proustienne sur la mémoire se retrouve enrobée par l’esthétique “gondrienne”. Cette dernière, fortement imprégnée par les clips (Gondry en réalisa plusieurs dizaines), accorde une place très importante à la musique qui rythme la narration de façon très dynamique. De plus, la construction visuelle du film tisse avec perfection un environnement surréaliste, à l’onirisme omniprésent, traduisant merveilleusement bien les thématiques récurrentes du réalisateur (nostalgie, enfance, rêve, cauchemard…). Ses réalisations ressemblent à un rêve d’enfant: naïves dans leur visuel et cartoonesques dans leur enchaînement. Chez Michel Gondry, le style est le message, et le style est pop.

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Chaque rupture devrait se suivre d’un visionnage d’Eternal Sunshine. Car plus que l’exposé d’une relation tourmentée, ce film nous expose la meilleure méthode pour ne pas sombrer dans la colère et la rancoeur. Coeurs brisés rassemblez les madeleines de proust attachées à votre ancienne relation et revivez celle-ci en sens inverse, comme le fait Joel. Merci qui? Merci Gondry!

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