Mark Calabria – Le 28 juin 2010. Aux Etats-Unis la Chambre des représentants et le Sénat ont voté un projet de loi de réglementation financière qui a été principalement élaboré lors d'une conférence à huis-clos entre les deux chambres. Les législateurs avaient un choix simple : soutenir un projet de loi qui propose toujours davantage de réglementation bancaire malavisée, ou le rejeter dans l'espoir que les nouveaux dirigeants du Congrès l'an prochain se seraient penchés sur les causes réelles de la crise financière.
Sans doute ne faut-il pas être surpris que le sénateur Christopher Dodd et le représentant Barney Frank, les principaux auteurs du projet de loi, ne parviennent pas à mettre fin aux nombreuses distorsions politiques sur nos marchés financiers et hypothécaires, qui ont mené à la crise. Les deux compères ont été les architectes ou les partisans de ces distorsions. Autant demander au renard de construire le poulailler.
Nulle part dans la proposition de loi finale on ne trouve un semblant de recul des nombreuses incitations et autorisations fédérales d’étendre le crédit, notamment en matière hypothécaire, à ceux qui ne peuvent pas se permettre de rembourser leurs emprunts. Après tout, le récit populaire insiste sur le fait que les « gros félins » de Wall Street sont responsables de la crise du crédit. Alors qu’il est reconnu que les prêts hypothécaires ont été offerts à des personnes et familles qui ne respectaient pas les minima pour emprunter, les banques seront encore obligées, dans le cadre du projet de loi Dodd-Frank, de respecter … des quotas de prêt imposés par l’État.
Bien sûr les partisans d’une autorisation des prêts par l’État ont raison de souligner que l’essentiel des prêts les plus dangereux ont été émis par les prêteurs agréés au niveau des états fédérés, tels que Countrywide, et non pas par les banques agréés au niveau fédéral. Malheureusement, ils oublient, délibérément ou pas, le fait que ces prêteurs non bancaires vendaient à leur tour la plus grande partie de leurs prêts à Fannie Mae et Freddie Mac, ou la société d'État Ginnie Mae. Environ 90 pour cent des prêts émis par Countrywide, le plus grand prêteur subprime, ont été soit vendus à Fannie Mae ou garantis par Ginnie Mae. Les prêteurs « subprime » étaient si intimement liés à Fannie Mae et Freddie Mac que Countrywide seul représentait plus de 25 pour cent des achats de Fannie Mae.
Bien que l'on puisse débattre des motivations de Fannie et Freddie à soutenir le marché des subprimes, une chose doit être claire : si Fannie Mae et Freddie Mac n’avaient pas été là pour acheter ces prêts, la plupart d'entre eux n'auraient jamais été contractés. Et si le contribuable n’avait pas été derrière Fannie Mae et Freddie Mac, les deux géants auraient été incapables de financer ces achats importants de prêts hypothécaires à risque. Pourtant, plutôt que de réparer ce « renflouement sans fin » que Fannie Mae et Freddie Mac sont en réalité devenus, le Congrès estime qu'il est plus important d'étendre la réglementation fédérale et les litiges à des prêteurs qui n'avaient rien à voir avec la crise.
La pire erreur de cette législation est d'ignorer complètement le rôle de la politique monétaire expansionniste dans la genèse de la bulle immobilière. Une bulle d'importance historique comme celle que nous avons vécue ne peut se produire que dans un environnement de crédit très abondant et bon marché. Qui a fourni et fixé le prix de ce crédit de manière ultime ? La Réserve fédérale. Pouvait-on vraiment croire que plus de trois ans avec un taux réel négatif des fonds fédéraux – situation où l'on est payé pour emprunter - ne se terminent pas en chaos ?
Comme la politique monétaire de la Réserve fédérale cible essentiellement l’emprunt à court terme, la Fed a également mené l'écart de taux entre les emprunts à court et à long terme à des niveaux historiques. Cela a créé des incitations irrésistibles pour les ménages et les entreprises à emprunter à court terme - parfois aussi court terme que du jour au lendemain - et à prêter à long terme. Beaucoup de ménages ont choisi des crédits hypothécaires à taux variable qui allaient plus tard changer avec l’augmentation des taux d'intérêt, augmentant ainsi les paiements mensuels. Pour les banques, cet écart de taux a été l'occasion pour amasser de jolis profits simplement en spéculant sur la courbe des rendements.
Que la question de la politique monétaire expansionniste ait été évitée pourrait bien s’expliquer par le fait que le Congrès ne comprend pas grand’ chose à celle-ci. La première étape évidente vers une telle compréhension serait que le Government Audit Office audite la politique monétaire de la Fed. Pourtant, le Congrès continue d'interdire au GAO d'examiner la question. A croire que Congrès ne veut même pas comprendre les causes de la crise.
Il n'y a eu aucune discussion non plus au Congrès sur la suppression des « préférences fiscales » pour la dette. Washington subventionne l’endettement, décourage fiscalement le capital, et semble alors surpris que tout le monde devienne surendetté par les effets de levier.
Tant que Washington ne posera pas un regard attentif et profond sur son propre rôle dans la crise financière, il y a peu d'espoir d’éviter une autre crise. La législation Dodd-Frank, certaine d'être saluée comme un remède de cheval pour les financiers perfides, n’est en réalité pas même un pas modeste dans la bonne direction.
Mark calabria est analyste au Cato Institute, à Washington DC.