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Woerthgate: pourquoi Eric Woerth ne sera pas premier ministre

Publié le 28 juin 2010 par Juan

Woerthgate: pourquoi Eric Woerth ne sera pas premier ministreAvec les nouvelles révélations du weekend, on imagine mal Nicolas Sarkozy retenir Eric Woerth comme premier ministre potentiel. Comme Alain Juppé en 1995, Woerth risque de payer le prix fort d'une affaire négligée.
Nicolas Sarkozy a apporté son soutien à Eric Woerth, par conseiller interposé. le Monarque «n'a strictement rien à reprocher à Eric Woerth. On ne peut rien lui reprocher. C'est un excellent ministre» a indiqué l'Elysée samedi. Effectivement, Eric Woerth est devenu un fidèle, placide et efficace... jusqu'à cette affaire Bettencourt. En Suisse, le trésorier de l'UMP a constitué le plus gros bataillon de supporteurs hors de France de l'UMP pour l'élection présidentielle. Une situation cocasse quand on sait que son épouse y a trouvé un job quelques mois après l'élection.
Ce soutien présidentiel ne fut pas la seule nouvelle du weekend.
L'embauche de Mme Woerth par la société Clymène, cette holding gérant les actifs de Mme Bettencourt, avait soulevé plusieurs questions : était-elle au courant de l'évasion fiscale de son employeur ? Son embauche avait-elle été forcée ? Son mari de ministre a réfuté ces soupçons. Florence Woerth ne travaillait qu'au placement des dividendes, conséquents, de Mme Bettencourt, une compétence qu'elle pratique depuis des années et pour laquelle elle a été recrutée par Clymène, la société de gestion de la fortune de Mme Bettencourt. Or voici que Mediapart a livré de nouvelles révélations sur le sujet: Clymène affiche de gros déficits depuis des années : «Le plus intrigant est que Clymène, loin de contribuer à faire prospérer la fortune de Liliane Bettencourt, «créer de la valeur» comme le revendiquent les financiers, perd systématiquement de l'argent, détruit du capital. Sur les neuf exercices depuis sa création, elle a été cinq fois en pertes» écrit Martine Orange.
Woerthgate: pourquoi Eric Woerth ne sera pas premier ministre
Le 25 juin, on a aussi appris que François-Marie Banier avait subi un contrôle fiscal, quelques mois après que Florence Woerth ait été embauchée parle gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt. L'homme est au centre du procès qui doit se tenir dans quelques jours, et oppose Liliane Bettencourt à sa fille. Cette dernière accuse sa mère de n'avoir plus toutes ses facultés quand elle a légué sa fortune à M. Banier. «Eric Woerth (...) souligne que c'est sous son autorité qu'a été lancé un contrôle fiscal sur Monsieur Banier» a confirmé le ministère du Travail. A l'inverse, le directeur général des Finances publiques du ministère du Budget, Philippe Parini, a précisé dans un communiqué «qu'il n'a reçu aucune instruction de la part d'Eric Woerth, alors ministre du Budget, concernant le dossier fiscal de Mme Liliane Bettencourt». C'est bien le problème ! L'hebdomadaire Marianne a publié, dans son édition du 26 juin, des courriers adressés par M. Banier à Mme Bettencourt faisant état de l'acquisition d'une île aux Seychelles, jamais mentionné par Bettencourt dans son patrimoine et ses revenus déclarés au fisc. Or ces courriers sont entre les mains du Parquet depuis début 2008. Et le procureur en charge de l'affaire n'a jugé bon d'alerté ses collègues des Impôts...
Que dire de ce dernier ? Philippe Courroye est un proche de Nicolas Sarkozy, comme de nombre de membres de la Jet-set du Fouquet's, comme le rappelait l'hebdomadaire l'Express en novembre dernier : «C'était un dîner intime, comme on les aime entre amis. Sauf que, ce soir-là, les hôtes de Philippe et d'Ostiane Courroye sortaient quelque peu de l'ordinaire: Nicolas Sarkozy, président de la République, et Carla, son épouse, étaient à la table du procureur de Nanterre (Hauts-de-Seine). Etaient aussi présents le directeur général de la police nationale, Frédéric Péchenard, lui aussi un proche du chef de l'Etat, et sa femme. Selon la confidence d'un proche, Nicolas Sarkozy n'a que deux "amis" dans la magistrature: Yves Bot, ancien procureur à Paris, et Philippe Courroye, qui pourrait bientôt accéder à ce poste prestigieuxDès vendredi, Courroye a démenti avoir tardé à informer les services fiscaux des infractions dont il avait connaissance. Et pan ! Selon Philippe Courroye, Eric Woerth était donc bien informé, mais n'a rien fait.
On nage en plein mélange des genres. Un ministre lance un contrôle fiscal contre le protégé d'une milliardaire, mais pas contre cette dernière qui emploie par ailleurs l'épouse du ministre... Vous suivez ?
Dimanche, le successeur de Woerth au Budget, François Baroin, a annoncé qu'un contrôle fiscal venait d'être décidé à l'encontre de Liliane Bettencourt. Cette dernière avait de toutes façons affirmé lundi dernier qu'elle souhaitait rapatrier tous ces actifs en France. le même jour, Eric Woerth s'est défendu, en fin de journée, lors de l'émission du Grand Jury de RTL. Une défense inchangée, qui plaide la bonne foi et l'ignorance. A l'ouverture de l'émission, il répète : «ne sous-estimez pas ma capacité de résistance.» Puis : «je ne souffre pas du tout parce que je n'ai rien à me reprocher. (...) C'est une affaire très compliquée à laquelle je ne comprends rien, je ne sais pas ce qu'on me reproche». Mieux: «Je suis une totale cible politique». Eric Woerth, dimanche, fut habile mais peu convainquant. Il a clamé, sans preuve, que toutes les accusations sont fausses et archi-fausses. Sans gêne, comme d'autres, il n'a pas vu de problème d'éthique à sa situation. Et pour évacuer les questions gênantes, il a divergé sur ses propres efforts contre la fraude fiscale. Nous n'avons jamais lancé autant de contrôles fiscaux, justifie-t-il. La Cour des Comptes, justement, vient de rendre un rapport sur la lutte contre la fraude fiscale. Elle y dénonce «une couverture plus inégale des différentes catégories de contribuables et de dispositifs fiscaux par le contrôle fiscal.» Elle rappelle aussi que les droits rappelés et pénalités appliquées en 2008 se sont élevées à 15,6 milliards d'euros. Dix ans auparavant, en 1998, ils se chiffraient à ...  15,0 milliards. Où est la hausse ? «Le problème, c'est que les journalistes ne comprennent pas comment fonctionne le fisc» s'est-il exclamé. «Moi, j'ai peur de comprendre», rétorqua Jean-Michel Apathie.
Au final, Eric Woerth est affaibli. Il y a quelques mois à peine, on le présentait comme l'un des successeurs potentiels de François Fillon à la tête du gouvernement. Nicolas Sarkozy avait laissé entendre, en janvier dernier, qu'il procèderait à un remaniement gouvernemental à l'automne, une fois la réforme des retraites passées. Eric Woerth, placide et fidèle, était le candidat tout trouvé. Il a aussi très bien mené la fausse concertation sur les retraites, alternant confessions anonymes à la presse d'un côté, et grandes dénégations officielles de l'autre.
Aujourd'hui, on imagine mal Sarkozy décider de confier les rênes d'un gouvernement de combat à Eric Woerth.
Le Monarque, justement, est resté assez discret vis-à-vis de l'affaire. Il s'est senti obligé d'afficher un soutien à Woerth ce samedi. Mais il a lancé un autre contre-feu, sur le coût des G20. A Toronto, Nicolas Sarkozy a ainsi promis que les prochains G8-G20 que la France organisera en 2011 seront «dix fois» moins chers. Le Monarque est tout à la peine pour convaincre qu'il est rigoureux. On a peine à le croire. La présidence française de l'Union européenne avait atteint des sommets de dépenses inutiles, comme cette réunion de 4 heures au Grand Palais à Paris pour 16 millions d'euros, douches incluses. Une polémique s'est emparée des deux sommets organisés par le Canada, dont le coût est estimé à un milliard de dollars (environ 800 millions d'euros). «Nous prévoyons un montant d'environ 80 millions d'euros, pas plus, pour financer le G8 et le G20 » a confié un membre de la délégation française samedi dernier. Gaffeur, Sarkozy s'est rattrapé pour ne pas vexé ses hôtes: «Ici nous sommes accueillis dans un confort très raisonnable et qui n'a rien de somptueux ».
Le soutien de Sarkozy n'a Woerth n'a rien de somptueux non plus...
Crédit illustration: Patrick Mignard 


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