Intéressant article du New York Times qui relate l'expérience réalisée par l'entreprise Bell dans les années 1950. En synthèse, face à un monde de plus en plus complexe (déjà à l'époque) il est apparu aux dirigeants de Bell que le niveau de formation des employés étaient trop bas, tout du moins que les employés étaient trop opérationnels. Je ne prends pas la peine de traduire l'axiome qui a servi à développer un programme spécifique de formation sur 10 mois, fruit d'une collaboration entre l'entreprise Bell et l'université de Pennsylvanie : " “A well-trained man knows how to answer questions, they reasoned; an educated man knows what questions are worth asking.”
A donc été créé à l'époque (1952) l'"Institute of Humanistic Studies for Executives" qui plongeait les cadres dans un programme de 550 heures sur 10 mois, exclusivement tourné vers l'apprentissage de l'art et de la littérature.
Les enquêtes ont établi que ceux qui avaient suivi le cursus étaient plus responsables, plus ouverts sur le monde, mais quelque part... moins enclins également à se laisser dicter leur vie par la course aux affaires. Ceci explique peut-être, pour partie, l'arrêt de ce programme quelques années plus tard, en 1960.
Ce programme n'est pas sans me rappeler l'ambition visée par mes camarades de l'IGS avec l'Ecole des Hautes Etudes de la Décision. D'un autre côté, ce n'est pas sans rappeler non plus ces grands discours d'entreprise sur la formation au management et autres développements de la personne qui me semblent toujours un peu incantatoires ou réservés à quelques happy few parfois qualifiés de hauts potentiels... et force est de constater que la conclusion de cette expérience des années 50 ne peut empêcher de se dire que les gens qui ont trop de culture, d'ouverture d'esprit ou de capacités de jugements peuvent être rapidement classés comme ingérables ou moins impliqués pour l'entreprise que les exécutants classiques (...an educated man knows what questions are worth asking), et qu'à la première difficulté conjoncturelle le développement de la personne ne sera probablement pas la priorité.
Personnellement, je reste persuadé que ces programmes, par rapport aux enseignements traditionnels, sont plus intéressants pour permettre aux gens d'évoluer, voire tout simplement d'être capables de s'adapter. En l'occurrence, le fonctionnement global me semble s'être infiniment complexifié ces dernières années et que ceux qui ont une chance de s'en sortir sont ceux qui sont capables d'une vision globale et à décider d'un cap.
Il me semble malgré tout que le chemin restera long tant les modèles technico-processo-exécutants et l'irresponsabilité stratifiée sont confortables pour tout le monde.