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La France vue du Monde

Publié le 27 juin 2010 par Argoul

Intéressant, ce numéro du quotidien ‘Le Monde’ des dimanche et lundi 27 et 28 juin. Il offre une vue en réduction du monde entier depuis la très moyenne France. Un pays qui a eu de la grandeur (code Napoléon, Constitution de Gaulle, coupe du monde 1998) et ignore que la grandeur n’est pas un statut acquis - mais qu’elle s’entretient par vigilance, intelligence et tempérance. L’économie, l’Etat-providence, la société, le foot, ‘Le Monde’, tout apparaît usé, inadapté, archaïque. Rien ne va plus…

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L’organe de presse (p.13), pris dans le choix difficile d’une rigueur renouvelée en raison de faute de gestion et de « petites lâchetés depuis 30 ans » (mots de François Copé à propos du pays tout entier), semble choisir la liberté (le groupe Free) à la gauche moraliste tradi (le ‘Nouvel Observateur’). Faut-il y voir un choix sain d’avenir ? Enfin quitter la posture de dénonciation tous azimuts pour préférer l’analyse sans complaisance ? Souhaitons-le au journal – hier qualifié « d’officiel » parmi les élites.

Le foot, analyse justement Pierre-Antoine Delhommais (p.15), est « un symbole de quelque-uns des travers de l’économie française ». La France est une exceptionnelle société de défiance qui paralyse le jeu collectif et fait de la grève la méthode habituelle de résolution des conflits. Un rapport de force sans issue autre que « l’intervention d’un Etat incapable de ne pas se mêler de ce qui ne le regarde pas. » La France est aussi l’un des pays les plus arrogants au monde, persuadé que « son modèle de développement (…) est le meilleur, même si ses résultats sont mauvais ». La France est enfin le pays « de bénéficiaires du système s’accrochant à leurs avantages » et « du rapport torturé des Français à l’argent et le ressentiment vis-à-vis de ceux qui en gagnent beaucoup. »

La société, justement, étale ses balbutiements immatures par la voix de Jérôme Kerviel (p.10) et des Bleus (p.28). Les footeux avaient promis qu’on allait entendre ce qu’on allait entendre – et on l’a entendu : rien ! Ségolène Royal nous avait déjà habitués à ce genre de rodomontades instaurées par Saddam Hussein… La « mère de toutes les batailles » a accouché d’un flop. La meilleure équipe du monde a montré son égoïsme de sac à patates, surpayés (et exonérés fiscaux). Elle a été mal gérée au vu de tous et surtout pas motivée par un sélectionneur mal choisi par un président de Fédération accroché à ses avantages plus que par l’amour du jeu. La meilleure banque de France a montré ses carences d’organisation et de contrôle, laissant faire durant des années un trader immature assuré de l’impunité, même s’il a fraudé. Mais qui a contrôlé ? Il est bien beau dans les deux cas, après la catastrophe, de se draper dans la morale et de faire la leçon aux autres… La société française a ses subprimes : ils s’appellent Escalette et Bouton.

L’État-providence, dirigé par des énarques fonctionnaires irresponsables qui croient tout savoir sur la foi d’un concours passé vers 22 ans, a probablement encouragé l’infantilisation des citoyens, commencé par l’Eglise et poursuivi par le service militaire et l’école. Jean-François Copé (p.8) affirme que « pour préserver ce modèle, il faut changer de logique. Remplacer la dépense publique par le travail, aller chercher la croissance par l’investissement et l’exportation au lieu de tout faire reposer sur la consommation ». Mais n’accusez pas trop facilement une droite qu’il est à la mode de dire réactionnaire ! Le président du groupe UMP à l’Assemblée nationale est rejoint sans vergogne par l’ex-Secrétaire général du parti socialiste François Hollande. Contrairement à Martine Aubry qui fait la morale et des promesses (et verra après), « moi, je ne souhaite pas éluder la gravité dans laquelle se trouve le pays. »

Car l’économie va mal : pas de croissance, trop de dettes, des impôts et prélèvements obligatoires parmi les plus élevés de l’OCDE, tout comme le chômage (on peut ajouter le nombre de flics par habitants et le nombre d’enseignants hors des classes). Edmund Phelps, prix Nobel (je sais, je sais, halte aux cuistres, il s’agit du prix de la Banque de Suède – mais on l’appelle « prix Nobel » d’économie parce qu’il est dédié explicitement à Alfred Nobel !), Edmund Phelps donc (p.5), accuse le manque d’innovation. Surtout en Europe. Par parenthèse, surtout peut-être en France, qui sait inventer mais ne sait pas appliquer. Qui a d’excellents savants et ingénieurs mais peu de compétence en marketing et en commercialisation. On a inventé Concorde, mais c’est Boeing qui a gagné ; la carte à puce, mais elle a été développée aux Etats-Unis ; le minitel, mais Internet l’a supplanté… En cause, le système d’enseignement, voué à la seule théorie, avec mépris pour le concret et le vendable ; avec sa sélection exclusivement matheuse qui forme des logiciens, pas des adultes aptes aux relations humaines (n’est-ce pas France Télécom ou SNCF ?) – fin de la parenthèse. Plus concrètement, dit le Nobel, « la France vit avec un chômage structurel » et « ne prend pas les décisions appropriées pour le résorber. » Quant à la finance, « que les banques se remettent à financer l’innovation, les projets industriels de long terme porteurs de valeur ajoutée. »

Ramassés dans un seul numéro, tous les travers français… faut le faire !


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