La légalisation des drogues douces est bien évidemment encapsulée voire justifiée par cet homme-là ; et ce n'est même pas un fumeur qui vous parle ! Notre homme le Jason, Pierce ou Spaceman selon les avatars, depuis le légendaire
Spacemen 3, est le dépositaire incontesté d'un rock drogué et hallucinogène qui telle une vague, emporte tout sur son passage ! Exeunt donc, les Dandy Warhols,
Brian Jonestown Massacre ou autres Warlocks, pourtant auteurs de deux ou trois choses intéressantes, mais qui ne sauraient rivaliser sur la durée et en inventivité avec le quatuor (devenu protéiforme) de Rugby, Warwickshire.En 1997, sortait cette chose, en fait le grand oeuvre de la bande de Jason, peut-être vaguement titillé par le magnifique
Let It Come Down de 2001. Jusque là, le groupe évoluait dans des sphères stratosphériques, encore empreintes des influences garage fuzzées de
Spacemen 3. Là, on allait complètement passer à autre chose, entrer dans une autre dimension, à l'image du titre de la pochette. Tiens, la pochette, parlons-en ! Déclinée en armoire à pharmacie, avec quel que soit le support (vaste digipack ou double vinyl devenu collector pour une absurde histoire de pressage initial foiré) une posologie longue comme le bras, prescriptions et effets indésirable multiples -("écouter
Spiritualized de façon prolongée peut nuire à votre santé psychique, ou entraîner la somnolence au volant, ce genre..."), ce disque se veut une odyssée qui de sourde et mélancolique s'achève en chaos bruitiste totalement déprimé. Il faut dire qu'il y a de quoi : Jason déjà en proie à ses démons intérieurs et pharmaceutiques, se voit du jour au lendemain larguer par sa douce bassiste, la très photogénique Kate Radley, qui tenez-vous au pinceau, je retire l'échelle, s'en ira roucouler et jouer pour l'insoutenable Richard Ashcroft, chez les non moins vilains de The Verve, vous savez la voix de crécelle à tête de de Louis Bertignac.....(soupir)Ce disque ? Un chant du cygne, donc, mais qui donnera lieu, avec un nouveau groupe à de mémorables prestations live, l'une d'elle très tard lors d'une nuit étoilée d'un Benicassim, m'inspirera la réflexion initiale de cette chronique."Ladies....", déjà sur le fil du rasoir pour une histoire contractuelle de sample d'Elvis refusé par les ayant-droit sur le morceau-titre, et dont la version originelle se monnaye, est à la trance soul psychédélique , tout ce que les affreux Simple Minds avaient raté sur tel disque à prétention gospel de mes deux, dans les sordides années 80. La comparaison peut sembler inique, et elle l'est, mais je vous livre là le sentiment qui m'avait habité concernant le traitement très euh....différent que l'on peut faire des mêmes instruments : où comment une batterie pachidermique peut se transformer en
tempo gracile, comment des choeurs black féminins réfrigérés et convenus peuvent en arriver à faire fondre la banquise, comment de lourds et patauds cuivres (midi,
of course, tu parles
!) et claviers peuvent être frappés du sceau du groove, un groove lancinant et obsédant, il est vrai !"Ladies...." est une magnifique chanson en boucle, qui fonctionne autant de par sa mélodie apaisée que par ses contre-chants tourbillonants et en chorale . Mixé à "Come Together", sans doute l'un des titres les plus usités dans la pop moderne (les Fabs, Primal Scream, etc), et à son feedback vertical, les choeurs soul se déchaînent dans une gigantesque partouze cuivrée dans le final. "I Think I'm in Love" démarre en planerie liturgique avec son orgue en ré, sa basse fretless et sa guitare wah-wah, pour tout d'un coup, se mettre à dépoter dans une longue jam aux frontières du gospel, irrésistible ! Si "Electricity" renoue avec les antécédents garage survoltés précités, la délicate ballade "Stay With Me" et son amusant emprunt à l'horrible scie "Take My
Breath Away", est une poignante ode à Kate Radley. Au fur et à mesure que l'album se déroule , la durée des chansons s'allonge, et l'auditeur comprend qu'il est confronté de façon inévitable à la psyché tourmentée de son auteur. Tantôt
free et cacophoniques, (les instrumentaux "The Individual", "No God Only Religion"), les plus belles pièces de l'album, toutes plus déchirantes les unes que les autres, défilent sous nos esgourdes transies d'émotion, car cet album est vivant, a un feeling, un vrai, pas de ceux qui obéissent aux cahiers des charges des maisons de disques ni aux parts de marché !C'est ainsi l'incommensurable tristesse de "Broken Hearts", ses cordes déchirantes, sa mélodie de cor à pleurer, l'infinie quiétude où affleure un tant soi peu la rédemption de l'artiste maudit (le gospel "Cool Waves", et ses envolées de flûte enchanteresses). Jusqu'au morceau qui résume à lui seul l'humeur de l'oeuve, cet abyssal et sans concession "Cop Shoot Cop!..." et sa tirade définitive "There's a hole in my veins where all the money goes...."Quelques notes de piano, des éruptions de guitare et de sax, des choeurs qui s'évanouissent dans un songe ; cette odyssée de 70' laisse son auditeur pantelant sur une ultime profession de foi.
En bref : le disque ultime d'un genre très souvent décliné, l'odyssée cosmique planante, empreinte de soul psychédélique. Rarement cependant, telle oeuvre aura dans son achèvment, incarné pareil songwriting et émotion conjugués.le site off, le
Myspace "I Think I'm in Love"