Vincent Moon est un globe trotteur musical toujours en quête d’images et de (bons) sons. Révélé à un certain public par ses réalisations de Concerts à Emporter (Take Away Shows) au sein du blog musical La Blogothèque, Vincent Moon tente dans tout ce qu’il entreprend d’innover, d’évoluer vers de l’inattendu aussi bien dans la technique que dans les thèmes et sujets abordés. Dans ses toutes premières réalisations plus personnelles, comme Tourner en rond et se laisser consumer, transparaît déjà une forme de poésie moderne. Une approche se situant souvent dans l’urgence avec une sensibilité derrière chaque image. Parmi toutes les sessions réalisées pour La Blogothèque les plus impressionnantes, à mon goût, restent l’incroyable moment des Liars dans l’ascenseur et l’interprétation toute en puissance du groupe R.E.M. dans leur silo (avec le morceau Sing For The Submarine). Vincent Moon n’est pas seulement un réalisateur de talent, il est d’abord un grand fan, un passionné. Cela se devinait déjà avec son travail vidéo réalisé il y a quelques années autour de The National. Pour avoir croisé le garçon lors de soirées de La Blogothèque ou au détour de concerts de Shellac, de Sage Francis ou encore de Mogwai justement, ce qui frappe avant tout c’est son incroyable capacité à s’enthousiasmer comme un gosse. On le voit avec un sourire béat devant ses idoles, trépigner de joie caméra à la main, se mettre au milieu du public pour filmer frénétiquement quelques instants et réapparaître dans un autre coin des étincelles dans le regard. Loin d’être blasé, l’homme est toujours en action et semble avoir cent idées qui fusent à la minute. A une époque où tout le monde propose des sessions filmées acoustiques « à la manière de… », lui est déjà parti depuis des mois sur d’autres envies et idées. Il n’a pas fini de nous étonner sur de toutes nouvelles formes de travail vidéo lié à la musique. J’avais eu le privilège, il y a quelques mois, de pouvoir jeter un œil sur une réalisation originale, plus longue dans la forme que les sessions acoustiques autour d’artistes nordiques. Moments magiques et une forme d’approche de la session qui change de ce que l’on a l’habitude de voir. Cela montre à quel point il y a chez Vincent Moon une réelle capacité à rebondir et anticiper sans avoir à suivre les courants ou s’enliser dans les modes. Dans le travail de ce talentueux monsieur, ce que certains peuvent prendre pour de la prétention, se situe à mon avis plutôt du côté de l’ambition. On ne peut décemment pas écrire comme je l’ai lu que ses réalisations manquent de contenu. Il y a du moins bon et du meilleur comme partout. Néanmoins on décèle toujours un fourmillement d’idées, un petit plus artistique et une grande sensibilité dans l’approche des sujets filmés. Vincent Moon n’est pas à cataloguer du côté des imposteurs mais plutôt des précurseurs.
Ce petit film documentaire au titre déjà fort romantique, Adelia, I Want to Love, se trouve sous format DVD avec l’album The Hawk Is Howling du groupe écossais référence en matière de post-rock : Mogwai. Il est visible sur le net dans son intégralité pour quelques temps (cf ci-dessous). Ces images datent de 2008, moment où le groupe écossais vient de sortir un remarquable album et tourne dans toute l’Europe. Mois d’Août, le groupe arrive en Italie pour participer à un festival, Vincent Moon est là et les suit. A la lecture de cette présentation, on imagine déjà un road movie musical comme on en a déjà tant vu et tant filmé : un groupe que l’on suit et qui intervient de temps à autre avec des séquences musicales intercalées. Là ce n’est pas du tout le cas : on visionne un véritable petit film, avec un scénario des plus touchants. Se superpose à la trame du groupe en tournée, une petite histoire : celle d’Adelia. Adelia est une adorable grand-mère de presque 90 ans. Elle n’a jamais assisté à un concert de sa vie. Son petit-fils est justement l’organisateur du festival où se produira Mogwai. Et voilà comment, avec comme fil conducteur l’arrivée du groupe en Italie et les préparatifs avant-concert, on découvre en parallèle Adelia. On la suit jusqu’à ce moment où elle assiste à la prestation des musiciens écossais. Sur fond de musiques extraites de The Hawk Is Howling, d’images urbaines, de paysages montagneux et marins, on écoute les témoignages de Stuart Braithwaite qui évoque un peu l’histoire du groupe, ses débuts et leur manière de travailler. On évolue ainsi durant 25 minutes au gré des accents écossais et italiens. Les deux histoires s’imbriquent tout naturellement. Un parti pris original est de ne quasiment jamais voir les membres de Mogwai de face, du moins de le voir nettement et d’avoir très souvent des cadrages sans visages. Les paroles se superposent à des images presque touristiques, des gros plans ou des vues lointaines du groupe. Cette construction favorise une attention toute particulière pour l’esthétique visuel du film. Il y a de moments magnifiques dans le choix des tons ou dans les cadrages. A la sortie de l’aéroport (me semble-t-il) on devine quelques situations savamment réfléchies (les effets des portes coulissantes) ainsi que des jeux de cadrages géométriques fort intéressants (panneau, barrière, voiture qui passe). Contrairement à certaines de ses vidéos très agitées, il y a dans cette réalisation de V. Moon une certaine quiétude qui sied parfaitement aux morceaux du groupe écossais. Que ce soit dans le scénario du documentaire ou la manière dont Vincent Moon a filmé cette (ces) histoire(s) on y retrouve toute la poésie et la sensibilité du réalisateur. Des scènes, notamment avec Adelia lors de la prestation scénique, sont particulièrement touchantes.
Adelia, I Want to Love ne ravira pas seulement les fans de Mogwai, il charmera tout autant ceux qui ne connaissent pas le groupe et apprécient le sensible et le beau.
Quelques photos captures d’images vidéos.
En intégralité ci-dessous:
Fiume Nights