Un an déjà !
Faut-il mourir pour que l’on vous connaisse vraiment ?
Dans le cas des personnages publics, planétaires, des méga-stars de l’envergure de Michael, la question vaut, ce me semble, particulièrement d’être posée.
Comme tout un chacun (plus ou moins), je me suis très longtemps demandée quelle était la nature exacte du « problème » susceptible d’expliquer l’étrangeté, voire la dangerosité, du comportement d’un homme qu’en 1983 j’adulais littéralement (la star de ma génération).
Michael Jackson : good or bad ?
Génie de la musique, de la mise en scène et de la chorégraphie, symbole du peuple Noir enfin hissé au sommet de la réussite (avant Obama), bienfaiteur débordant de générosité des enfants malades et champion de l’engagement (discret) dans les causes humanitaires ?
Excentrique portant plus souvent qu’à son tour l’agacement à son comble, monstre mégalomane égaré aux limites de la folie et à jamais suspect (en dépit des deux poursuites judiciaires soldées, l’une, par un retrait de plainte, l’autre, par un acquittement) d’un trop grand intérêt pour les préadolescents, être délirant (et dérangeant) qui reniait tout en bloc, son origine ethnique, son âge, son sexe et prenait sans cesse avec acharnement le contrepied des diktats de la nature ?
Je pense que ces deux longs films (le premier retraçant, avec force témoignages d’intimes et de collaborateurs, la carrière et le destin hors du commun du « King of Pop », le second intitulé, ce qui se passe de commentaire, « Michael Jackson intime ») permettent enfin de prendre du recul, de faire la part des choses.
« Bambi » y apparaît comme un être certes exceptionnel, mais d’une innocence, si ce n’est d’une naïveté, qui défient proprement l’entendement.
De toute évidence, il ne sait pas ce que c’est que la réalité.
Admirable professionnel rempli d’énergie, d’assurance et de créativité à la scène, c’est, en privé, un être craintif, facilement aux abois et plus fragile qu’une statuette de porcelaine, qui se réfugie (sans doute pour faire taire son angoisse) dans des plaisirs inadaptés mais complètement inoffensifs.
Ce que nous n’avons pas su comprendre, c’est qu’il est resté, dans le plein sens du terme, bloqué à l’âge mental de douze ans.
Nous le découvrons incroyablement facétieux et proche des enfants, tandis que les trois mots qui reviennent constamment dans sa bouche de « clown triste » sont « amusement », « gentil »(comme si tout le monde l’était) et « love » (en tant que verbe).
Eclats de rires, plaisanteries, jeux de trampoline, de pistolets ou de bombes à eau parmi toute une marmaille (il semble vraiment s’éclater !).
Délicatesse et hyper-sensibilité préadolescente ou « féminine » (sans doute liée à son génie).
Effondrement physique et psychologique après le second procès, en 2005.
Affolement paranoïde devant la persécution des médias et réaction de fuite, de négation totale du monde réel et adulte.
Michael Jackson, à tout prendre, n’était qu’un enfant apeuré que sa vie de méga-star poussait, de surcroît, vers la démesure.
Bambi, il l’était réellement.
Déroutant de simplicité et de naturel, quoique sensiblement fâché avec lui-même.
Se fuyant dans la même mesure qu’il cherchait à fuir le monde adulte, dans une sorte de réflexe panique.
Pathologie ? Certainement. Mais pas celle qu’on imaginait.
Un « blocage » peut-être lié à une forme de stress post-traumatique ?
On dit que la folie est, en premier lieu, un divorce d’avec le réel.
En ce sens, M.J souffrait probablement d’une espèce de « folie douce ».
Nous entendons son père, Joe, qui nous apparait presque humain mais qui, pourtant, « ne regrette rien » de ce qu’il a infligé à son fils. « C’est moi qui l’ai fait », qui l’ai propulsé au sommet, clame-t-il d’un air de défi, et, ça, on peut le comprendre : le désir de revanche d’un Noir, qui empoigne le rêve américain, à la manière de James Brown, mais par son fils prodige interposé. Là, le cas de M.J fait penser à un précédent, celui de Mozart.
Nous écoutons ensuite, d’une oreille attentive La Toya, l’une de ses sœurs qui, elle, est convaincue qu’en fait, Michael fut assassiné, au terme d’une « conspiration », et qui veut en convaincre le monde.
Puis nous assistons aux émerveillements de bambin du Michael intime, extrêmement doux, rieur et grave. Désarmant. Pur. Immensément seul et incompris, comme tout vrai génie.
Une sacrée perte !
P.Laranco.