Un dîner presque parfait.
Recette pour un livre réussi : 4 kilos de moules, 3 personnages, de l’humour noir, une écriture originale qui veut tout dire (et y arrive) dans une phrase ; laissez mijoter 4 heures.
Le premier livre de Birgit Vanderbeke est un délice. Il raconte le dîner, ou plutôt le non-dîner de famille de la narratrice. Ils attendent, autour d’un plat de moules de plus en plus desséchées et répugnantes, le pater familias qui doit rentrer pour célébrer un succès professionnel. Mais, il tarde à venir, et au fur et à mesure, la famille qui s’est efforcée si dur d’en être une pour lui, véritable despote en son foyer, se décompose, flirte avec le vin blanc et le lâcher-prise… un avant-goût de liberté ?
On rit beaucoup lors de la lecture où il est question de conditions nécessaires mais non suffisantes à la satisfaction d’un seul homme, d’opposition entre le beau et l’utile, des efforts de trois personnes pour coller à la vision étroite de la vie d’un seul homme. On rit, mais pas que. Ça grince. Quels dégâts quand on se nie soi-même à ce point ? Quand on incube la honte de soi dès le plus jeune âge ?
Un livre brillant et une critique acerbe de l’Allemagne de l’Est, et en creux, un plaidoyer pour la liberté individuelle.
Peinture : L’arbre de la famille, Frida Kahlo.