Ponctualité élastique

Publié le 25 juin 2010 par Badiejf
Pour les vacances, je fais comme les chaînes de télé, je 'repasse' les vieilles émissions. Voici donc des billets écrits dans la première année de cette aventure, avant que bagay la se fasse connaître. De retour pour vrai à la Fête du Canada, le premier juillet.
Billet publié le 19 avril 2009.

Je suis en province pour trois jours de réunion, de mercredi à vendredi. Le site est enchanteur, un vieil hôtel bien rénové sur le bord d‘une eau de mer plus bleu que les yeux de Gilles Duceppe. Dans la foulée de la vie professionnelle haïtienne, cette réunion de trois jours d’un comité national, a été annoncée … mercredi dernier. Des gens des dix départements et de quelques organismes internationaux (on est une vingtaine autour de la table) ont donc reçu entre mercredi le 8 et mardi le 14, une invitation pour trois jours de réunion qui se tenaient du 15 au 17. Je parle toujours du même mois ! Pour faciliter la vie de tous, jeudi et vendredi dernier personne ne travaillait, les fêtes de la Pâques. Comme si ce n’était pas assez, en Ayiti les invitations doivent vous être remises en main propre. C’est la culture ou le manque de moyen, je ne sais pas trop. Le pays n’a pas de 'Postes Canada' (à part quelques messagers privés) et les chauffeurs des organismes ou des organisations gouvernementales font la distribution des invitations. Le chauffeur du comité national est passé mardi pour me remettre la lettre d’invitation d’une réunion de trois jours qui débutait le lendemain. En Haïti, l’agenda est un objet complètement difforme. Quelque chose qui doit pouvoir se modeler dans tous les sens, à n’importe quel moment. Ça va avec le rapport à l’heure. La réunion qui devait débuter à 8h00 n’a pas commencé avant 9h10. Autre fait vécu cette semaine, je prends rendez-vous avec la cie Vidéotron locale :

  • - Un technicien ira chez vous bientôt monsieur.
  • - Quand bientôt ?
  • - Dans les prochains jours.
  • - Demain, après-demain ?
  • - C’est ça, demain ou après-demain.
  • - Non non, je n’ai pas été clair (faut quand même être poli !), je veux savoir s’il va venir demain ou après-demain ?
  • - C’est ce que je vous disais, il passera bientôt, peut-être demain ou peut-être après-demain.
  • - Je fais comment pour savoir quand il passera ?
  • - On va vous appelé juste avant …
  • - Juste avant, c’est combien de temps avant son arrivée à la maison ? Faut s'assurer qu'il y ait une personne à la maison.
  • - …

Vous devinez la suite. Dernier exemple tout aussi récent. Ce dimanche le 19, il y aura des élections sénatoriales dont tout le monde discute depuis novembre au moins (nous sommes arrivés en novembre). Même la PNH et la MINUSTAH s’y préparent. Aujourd’hui, jeudi 16 novembre, nous apprenons du Conseil électoral provisoire que nos locaux de la Faculté de médecine seront réquisitionnés pour les élections de dimanche. Trois jours avant l’élection. Nous devons donc déplacer dès ce matin les activités de formation prévues pour ce jeudi après-midi et celles de demain. Pa gen pwoblèm. Est toujours comme ça. Impossible de prendre rendez-vous avec quelqu’un. « On se voit vendredi, à quelle heure ? Passe à mon bureau dans la matinée, on trouvera le temps de se parler. » Le plus fascinant, c’est qu’on s’habitue. Notre ponctualité est en fait pas mal plus élastique qu’on l’imagine. On prend donc facilement cette attitude de ne pas s’énerver avec l’heure ou la date. Ça fait du bien.