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Paracétamol Teva : 1 comprimé si douleur
Faire de l’exercice.
Il doit faire quelque chose comme 40°. Avec un t-shirt, un corset par dessus, et un autre T-shirt pour masquer cette carapace, c’est un temps idéal pour dégouliner de sueur. Mes 2 à 3 heures de balade quotidienne dans les rues de Paris sont désormais prescrits par la faculté. Une vague idée en tête, je prends le chemin des écoliers. Saturé par les gaz d’échappement sous le soleil brûlant, l’air du boulevard Pasteur empeste déjà l’ozone et le goudron fondu. Je m’échappe par la rue de l’Armorique. J’évite le trottoir de gauche, d’un blanc brûlant sous le soleil vertical. Je longe lentement les murs du trottoir de droite, où la chaleur est juste moins cuisante. Je souffle un peu sous un porche frais. Tiens, on dirait des merles…
Des merles ? Non ? A Paris ? Mais oui, c’est bien ça, un « Chuck-chuck-chuck » reconnaissable entre mille. L’été, quand j’étais enfant, on les entendait jacasser (1) dans les cerisiers. Il fallait se battre avec eux pour qu’ils nous laissent un peu de bigarreaux et de cerises aigres. Les coups de becs de ces petits voleurs gourmands découpaient des triangles pointus dans la pulpe jaune des fruits, laissant les noyaux à découvert. Parfois, ils ne laissaient que la queue des cerises. Ils avaient tout gobés. Ils s’en iraient plus tard fienter et planter un cerisier par la même occasion.
En short et torse nu, on passait des journées entières à cueillir les cerises, à califourchon sur les branches, le ventre collant de gomme résineuse et noirci par l’écorce. En attendant de les manger crues ou en clafoutis, leurs noyaux pressés au bout des doigts se muaient en projectiles pour nous agacer entre frères ou dégommer les merles qui patientaient à distance, en nous surveillant, l’œil sur le côté, la tête penchée. On avait beau suspendre aux branches des masques de chat aux pupilles étincelantes, accrocher des bouts de papier brillant, fabriquer des épouvantails ressemblants, ils s’abattaient sur les cerisiers dès qu’on avait le dos tourné. Pour nous, l’orgie quotidienne des diverses variétés englouties, s’ajoutant à la chaleur caniculaire, se terminait en nuits tourmentées par des diarrhées et des vomissements.
Ce cerisier de la rue de l’Armorique donne des cerises aigres. Pas moyen d’en cueillir, elles sont pourtant mûres à point. Tant pis pour le clafoutis. Mes deux merles me narguent. Il me faudrait un chat pour leur apprendre à se moquer. Mais pas le moindre greffier dans ce petit coin de paradis, à deux pas de la gare Montparnasse. J’en connais un qui en a. Enfin, qui en avait, qui les adorait, de son vivant. C’est vers chez lui que j’allais. Je reprends ma balade sous le cagnard. Rue de la Procession, rue de Gergovie, rue de l’Ouest, rue de Villemain… Puis à droite dans la rue d’Alesia. C’est là, vers le 154.
Derrière une station d’essence BP, elle est bien cachée, l’impasse Florimont, où vécut Georges Brassens, de 1944 à 1966. Au 7, exactement. Il est devenu le 9. Sur le toit de cette petite masure, il y a trois chats. Ils ne chasseront pas les merles, ceux-là. Ils sont en terre cuite, sculptés en hommage au chanteur qui les aimait tant, et à Jeanne Planche, sa logeuse, qui en recueillait des dizaines dans le quartier. Du temps de Brassens (ci-dessous), sa maison n’avait ni électricité, ni eau courante. Les maisons de la ruelle sont aujourd’hui peintes de couleur coquette. Derrière, la rue d’Alésia et sa circulation infernale. De tout côté, des barres d’immeubles. Il faut les mériter, maintenant, les coins de paradis.
C'est une sorte de manantUn amoureux du tout venant
Qui pourra chanter la chanson
Du temps des cerises en toute saison
(Bécassine - Georges Brassens)
(1) : Le merle appelle, babille, flûte ou siffle. C'est la pie qui jacasse. Mais ce verbe me parait plus approprié.
La maison de l'impasse Florimont du temps de Brassens (Photo M. Jarnoux) et aujourd'hui (à gauche, avec le toit en pente)