Nicolas Mahut, le héros malheureux du match le plus long de l'histoire, perdu 70-68 au cinquième set face à John Isner, a estimé que les deux joueurs ont "repoussé les limites" cette année à Wimbledon. Après avoir joué un nouveau match en double, le Français avait encore du mal à s'exprimer.
NICOLAS MAHUT, avez-vous conscience d'être entré dans l'histoire?
N.M. : Je le sais car les chiffres parlent d'eux-mêmes. Après, je pense qu'il me faut un peu de recul. Je ne voulais pas me présenter devant vous (la presse) trop tôt, car je n'arrive pas encore à exprimer ce que je ressens. C'était tellement fantastique, il y a tellement de sentiments à partager dans ce match. Je sais qu'on est entrés tous les deux dans l'histoire et que lui est sorti du court en vainqueur.
Avez-vous conscience d'avoir gagné l'estime de tous les grands?
N.M. : Pas vraiment, car je n'ai pas lu la presse, pas regardé la télé. Ce matin, j'ai acheté un journal français, mais je n'ai regardé que la partie football.
Comment avez-vous vécu ce match incroyable?
N.M. : Je me sentais de plus en plus fort, j'avais l'impression de jouer le meilleur tennis de ma carrière. Mentalement, j'étais vraiment fort, je prenais l'énergie de tout le monde. J'avais l'impression de ne jamais m'arrêter, de contrôler mes jeux de service. Je gardais toujours en tête qu'un moment ça allait passer. J'attendais ce moment-là. Mais il n'est pas venu.
Vous étiez sur une autre planète?
N.M. : Je pense que j'ai réussi à dépasser certaines limites. On est tous pareil, on a parfois le sentiment d'être arrivé au bout. Finalement, je me suis aperçu qu'on pouvait aller encore beaucoup plus loin. J'aurais pu aller encore beaucoup plus loin. Le mental a pris le dessus. Je me suis rendu compte qu'on pouvait aller au-delà des douleurs, de la fatigue. Ce matin, j'avais très mal aux abdos, j'avais déjà mal en qualif'. Mais j'ai pris le parti de ne pas le montrer, ça allait servir à quoi?
Qu'avez vous pensé de la petite cérémonie sur le court?
N.M. : Je ne me souviens plus très bien. Je me rappelle que Tim Henman était là, j'ai dû dire des conneries en anglais. Depuis la balle de match, je n'étais plus vraiment là. Ils voulaient marquer le coup. Pour moi, c'est le plus grand tournoi du monde, j'ai envie d'y faire un jour quelque chose de grand... en termes de résultats. Faire ce record ici est un signe particulier.
John Isner disait que vous étiez désormais liés par ce match...
N.M. : Il a raison. On ne se connaissait pas bien, on a appris à se connaître pendant trois jours. C'est difficile pour moi, car on parlera de ce match jusqu'après la fin de ma carrière et ça me rappellera sans cesse que je l'ai perdu. Mes coaches m'ont dit que ça dépassait le cadre victoire/défaite. J'espère qu'avec le recul, j'aurai la force pour penser la même chose.
Fabrice Santoro, précédent détenteur du record du match le plus long avec Clément, a déclaré que ce match ne méritait pas qu'il y ait un perdant...
N.M. : Oui, mais c'est la règle du jeu, c'est le tennis. On a repoussé les limites, on est allé très très loin, mais il fallait que ça se termine.
Et vous avez enchaîné sur un double...
N.M. : Arnaud (Clément, son partenaire) ne voulait pas jouer. C'est vrai que je ne me sentais pas très bien après mon match. Arnaud ne voulait pas prendre de risque. Mais moi, je voulais y aller, car renoncer aurait signifié une deuxième défaite. Je savais que c'était sur le même court. Je voulais y retourner pour gagner cette fois.
AFP – 24 juin 2010 23h30
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