Mercredi soir, Nicolas Sarkozy s'est rendu en banlieue parisienne, sans médias et sans prévenir. Le président français ne voulait pas laisser l'impression qu'il est indésirable dans certains territoires du pays. Jeudi matin, Nicolas Sarkozy recevait Thierry Henri, ex-footballeur de l'Equipe de France, tandis que 2 millions de personnes manifestaient contre la réforme des retraites.
Visiter la banlieue
Mercredi 23 juin, Sarkozy a donc passé trois heures en Seine-Saint-Denis, accompagné du ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, du préfet de police, Michel Gaudin, du directeur général de la police nationale, Frédéric Péchenard, et du préfet de Seine-Saint-Denis, Christian Lambert. Au programme, une visite de la Courneuve et sa fameuse cité des 4000, Tremblay-en-France, et de la gare SNCF de Saint-Denis. Le déplacement était anonyme, sans journaliste. Il avait été organisé en début de semaine. Le choix du lieu et du moment n'est pas anodin. La Seine-Saint-Denis concentre la plupart des faits divers d'insécurité depuis le début de l'année, comme des attaques de bus, l'augmentation des trafics de drogue ou des violences en milieu scolaire. En juin 2005, le ministre de l'intérieur était joué les provocateurs contre les «racailles» qu'il avait promis de débarrasser au «Karchër.» Sarkozy voulait pouvoir dire qu'il va où il veut, quand il veut. Quitte à se cacher ! Cette visite, la veille d'une manifestation nationale contre la réforme des retraites proposée par son gouvernement, été également bien calée. Il s'agissait aussi de faire diversion.
Que le président soit obligé de se cacher pour visiter les banlieues, même les plus difficiles, illustre combien l'échec de sa politique sécuritaire est grand. Sur place, Nicolas Sarkozy n'a pas évité les incidents. Un jeune a été interpellé à la Courneuve, vers 23H, pour avoir insulté le président. Son arrestation a été violente... d'après la police. Même caché, Sarkozy réussit à provoquer des incidents ! Un comble !
Masquer les manifestations
Jeudi, Nicolas Sarkozy a reçu le footballeur Thierry Henry. La veille, les conseillers du président expliquait que le joueur en avait fait la demande. Il semblerait que l'initiative vient plutôt du Monarque. Cette politisation du fiasco sportif de l'équipe de France est incongrue voire inacceptable. Sarkozy a annulé un rendez-vous prévu de longue date avec des ONG de solidarité internationale. Le foot d'abord ! Ces dernières n'ont pas apprécié : «Pour le président de la République, recevoir un footballeur est plus important que la situation des trois milliards de pauvres des pays en développement. C'est un très mauvais signal pour la politique de coopération de la France», s'est indigné Jean-Louis Vielajus, président de Coordination Sud. Mercredi, l'Elysée communiquait sur l'attention présidentielle à l'encontre des piètres performances de l'équipe nationale en Afrique du Sufd : «Le chef de l'Etat a demandé aux ministres de faire en sorte que les responsables tirent rapidement les conséquences de ce désastre. » Quelle attention !
Tandis que le président français recevait un footballeur, deux millions de manifestants sillonnaient les rues de France. Provocateur, Eric Woerth a jugé la mobilisation plus faible qu'en 2003: «C'est une mobilisation assez forte, mais c'est une réforme ambitieuse. (...) Je note que la mobilisation est légèrement plus faible qu'en 2003, au moment de la réforme des retraites qui ne touchait pas à l'âge légal, portée par François Fillon.» Environ 200 cortèges se sont rassemblés partout en France. La performance est rare, car l'impact de la réforme des retraites ne se fera réellement sentir que dans quelques années. Certains slogans étaient gentiment humoristique, comme «La Rolex à 50 ans, la retraite à 60 ans», repéré au Mans, «Pour vos retraites, faites comme moi: planquez vos milliards aux Seychelles ou en Suisse, c'est net d'impôts» à Paris. Les futurs retraités ont raison de s'inquiéter. Les nouvelles du front du chômage sont à nouveau mauvaises. Travailler plus longtemps ... ou chômer plus longtemps ? En mai, la France vient d'enregistrer la plus forte hausse du chômage depuis 7 mois. « La baisse du chômage des jeunes est bel et bien grippée» note le Figaro. «Même constat sombre enfin pour les seniors qui retrouvent en mai une progression élevée de leur nombre d'inscrits (oscillant entre 1,3% et 1,4%, selon les catégories) non atteinte depuis plusieurs mois.»
Oublier les affaires
La presse étrangère ne comprend pas la complaisance française sur les différentes affaires de privilèges indus qui ont frappé le gouvernement depuis des semaines. On le sait, aucun des ministres et secrétaires d'Etat concernés par ces cigares, ses doubles appartements, ses permis de construire douteux ne seraient encore en poste s'ils étaient membres des gouvernements britannique ou allemand. Au Royaume Uni, le secrétaire au Trésor, l'équivalent anglais de notre ministre des finances, n'a pas tenu 3 semaines en poste quand il fut révélé qu'il se faisait rembourser une partie de son logement sur notes de frais. En Allemagne, un ministre a démissionné parce qu'il avait utilisé son véhicule de fonction à des fins privées. L'affaire Woerth suscite le trouble. On pouvait ainsi lire dans le Temps, quotidien suisse (sic !) : «Il ne suffit pas à la France d'être la risée de l'univers footballistique. Son équipe gouvernementale en rajoute.» Ou encore : «Bien plus que la déculottée de footballeurs, le fossé entre les surintendants du Fouquet's et le peuple appelé aux sacrifices pourrait provoquer, lui, un véritable "désastre moral".» Qui écrit aussi bien en Sarkofrance ?
Et que dire du Karachigate ? «Au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis, Nicolas Sarkozy serait mort !» expliquait Charles Bremner, correspondant du Times.En France, Nicolas Sarkozy est politiquement bien vivant.
Crédit illustration FlickR CC
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