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Pas facile pour le français Jean-Paul Salomé (Belphégor, Arsène Lupin) de rebondir côté américain lorsque l’on est écrasé, comme lui, par la pression. Echecs critiques de ses autres films, tentative toute nouvelle d’imposer un style indé (surfait, au passage), gros challenge au vu d’un sujet complexe et immensément demandeur en subtilité, choix de poser sa caméra dans les bayous de Louisiane (après les belles et récentes visions des deux cinéastes majeurs que sont Tavernier et Herzog) : les obstacles se multiplient, à l’écran comme sur le papier. Salomé parvient-il à les dépasser ? Pas vraiment. Si l’histoire de ce Frédéric Bourdin (Fortin, dans le film) captive dans un premier temps par les mille questions qu’elle fait naître (comment, en actes et organisations, peut-on tromper toute une famille sur l’identité d’un garçon disparu? Pourquoi le faire?), elle s’enlise rapidement, dans un second temps, lorsque Salomé préfère entretenir, durant une éternité, le suspense sur les raisons du silence de la famille. Le drame psychologique en jeu se mue alors en film policier lambda avec enquête, indices et rebondissements. Ne faisant pas toujours dans la dentelle, surtout au niveau de la direction d’acteurs (grosses œillades machiavéliques de Grondin pour signaler la confusion du personnage, ou numéro zombiesque d’une Ellen Barkin en roue libre), Salomé sape toute l’ambigüité du récit, et en oublie même son atout le plus précieux : Famke Janssen, actrice formidable qui dispose au final du rôle le plus intéressant, celui de la femme flic solide et fragile, intuitive et solitaire.