Dans le célèbre Vertigo (maladroitement traduit en Sueurs froides) de Hitchcock, Scottie, un ancien policier, est sujet au vertige, d'où le titre du film, et à cause de ce problème il est victime d'une machination aux accents mélodramatiques. Seulement, il y a dans ce film une confusion voulue et remarquable entre, le vertige "vrai" que cherche a nous faire ressentir le réalisateur dans plusieurs scènes, et le problème psychologique de Scottie lié a son expérience personnelle, et c'est là le talent de Hitchcock. En espérant que cet article ne vous donne pas le tournis voyons ce qu'est le vertige.
Un problème de perception
Notre tête en plus de son cerveau remarquable est équipée de série de capteurs propositionnels, que sont les yeux en particulier la vision périphérique, et l'appareil vestibulaire situé dans l'oreille interne. Ces deux systèmes entre autres informent en permanence le corps de sa position dans l'espace : c'est la proprioception, en quelque sorte la perception de soi. Lorsque votre corps se trouve sur un point haut, sur une corde tendue, un piton rocheux, ou avant un saut à l'élastique, on éprouve facilement une sensation rotatoire désagréable parfois accompagnée d'autres signes (nausées, tachycardie, sueur froides...). C'est le vertige vrai à ne pas confondre avec l'évanouissement.
Il est lié à une contradiction entre les informations en provenance des yeux et les récepteurs vestibulaires (macules et canaux semi-circulaires) qui informent de la position de la tête ainsi que de ses déplacements (accélération linéaire et gyroscopique). En effet si vous regardez en bas, vos yeux vous informent que le vide vous entoure, et donc que la sensation de chute est une conséquence attendue de cette situation. Mais votre oreille interne elle, vous informe que la position de votre tête est stable, et non soumise à une quelconque accélération liée à l'absence de support.
Gérer la contradiction...
Le cerveau face a un tel désaccord présume d'une situation dangereuse et anormale (ce qui est le cas) et va donc déclencher un ensemble de réponses visant à corriger cette situation (l'accélération du rythme cardiaque par exemple, l'activité musculaire tonique à l'origine de la crispation et des suées, ou encore les nausées en vue de vomir un éventuel poison ingéré par erreur), on retrouve ici les symptômes du vertige. On notera que la sensation de vertige disparait dès lors que les informations sont à nouveau concordantes, par exemple dès que le sauteur à l'élastique a sauté le vertige disparait, même principe pour les parachutistes. Ces sensations de vertiges sont donc partagées par tous, mais peuvent être domptées car le cerveau est plastique (cela signifie que le fonctionnement du cerveau peut-être modifié durablement facilement). Ainsi les alpinistes, les funambules et autres acrobates ne sont pas soumis au vertige car leur cerveau est habitué a cette contradiction qui existe entre les signaux. D'autres cas de contradictions entre récepteurs de la proprioception sont bien connus : le mal des transports, ou encore le tournis après un passage sur le tourniquet... L'acrophobie ce n'est pas pour les acrobates !
Du grec ancien ἄκρος, acros , « élevé, extrême » et φόβος phóbos « effroi, peur », l'acrophobie est un trouble psychologique désignant la peur d'une situation au cours de laquelle la personne devrait ou se tenir près du vide ou en hauteur. Comme toutes les phobies elle est liée à l'expérience de l'individu et s'acquiert, tandis que le vertige est inné. Ainsi si Scottie a peur du vide c'est parce qu'il a vu son collègue policier tomber dans le vide alors que ce dernier tentait de le sauver (voir la vidéo ci-dessous), il redoute donc ce type de situation du fait de son sentiment de culpabilité, mais il ne s'agit pas ici du vertige au sens physiologique du terme, puisque l'individu angoisse à l'idée de se retrouver dans cette situation et a peur avant même d'être en position élevée (Scottie ne peut pas monter pour aider "madeleine"...) Tout comme la plupart des troubles psychologiques on peut "guérir" de ce type de problème, ainsi à la fin du film, Scottie se tient à un pas du vide, les cheveux au vent, et reste immobile.
La scène d'ouverture du film Vertigo - Alfred Hitchcock - 1958.[Noter l'utilisation du travelling compensé lorsque Scottie regarde dans le vide, donnant l'impression que l'image s'allonge, et illustrant la sensation de vertige. Il s'agit en fait d'un déplacement de caméra vers le bas, exactement compensé par un zoom arrière]
Pour conclure, Hitchcock tente dans Vertigo de nous faire vivre l'acrophobie pathologique de Scottie, en nous infligeant par divers procédés de réalisation dont le travelling compensé (travelling avant, compensé par un zoom arrière, voir video) des vertiges physiologiques que nous pouvons tous ressentir et qui sont liés à des problèmes de perception... Bien joué Mr Hitchcock, maître du suspens, et de psycho/physiologie ??