Chanter du Bel canto dans une basilique ne manque pas de sel. C’est pourtant le défi que s’est lancé le festival de Saint Denis qui présentait cette année un récital hors norme de Patrizia Ciofi et Laura Polverelli, consacré aux reines du Bel canto. S’il semble séduisant de choisir un thème royal dans le sépulcre des souverains de France, le Bel canto semble lui moins à sa place dans une église. Sous les grandes orgues de la basilique, les royaux crêpages de chignon de Marie Stuart et d’Elisabeth ou les cas de conscience d’Anne Boleyn paraissent bien peu à leur place.
Sans parler de l’acoustique, qui n’a rien à voir avec celle d’un théâtre d’opéra : il faut habituer ses oreilles à ces sonorités étouffées, à ces résonnances parasites, comme on habitue ses yeux à la pénombre. Le premier extrait passe comme un mauvais rêve, les écrans de télévision qui jalonnent les piliers de la cathédrale contribuant à cette impression d’une mauvaise captation télévisuelle. La mezzo-soprano italienne a certainement des moyens vocaux respectables, mais ils sont comme avalés par ces murs de pierres.
On attend donc avec d’autant plus d’impatience le phénomène vocal le plus étonnant de sa génération, celle qui mieux que personne sait dompter le mur d’Hadrien aux chorégies d’Orange : Patrizia Ciofi. Et le miracle se produit à nouveau ; cette technique de projection sans pareille fait une nouvelle fois ses preuves : Patrizia Ciofi est en harmonie avec son propre écho. L’aigu est certes parfois un peu poussif, et pas toujours parfaitement maîtrisé, mais quelle élégance de la ligne de chant !
Quelques mois après l’avoir vue dans Tancredi à Turin, je retrouvais donc Patrizia Ciofi dans Rossini. Un compositeur qui lui permet à merveille de mettre en valeur sa technique, mais ce n’est pas dans la virtuosité que la cantatrice montre son plus beau visage. Donizetti est sans doute le compositeur qui trouve le plus de résonnances dans les talents vocaux et dramatiques de la soprano dramatique. Le duo d’Elisabeth et de Marie Stuart, extrait du Maria Stuarda de Donizetti, qui m’avait largement déçu à Palerme, prend ici un relief supplémentaire, notamment du fait de la dissymétrie qui se fait jour entre les voix
Les reines du Bel canto, au festival de Saint-Denis, basilique de Saint-Denis, le 22 juin 2010