Marc Mangin, spécialiste de l'extrême-Orient, sillonne l'Asie et la Chine depuis plus de vingt ans. Dans son excellent essai "Chine, l'Empire pollueur" (publié chez Arthaud en 2008), il évoque la problématique du développement économique chinois avec une étonnante acuité, son analyse permettant de mieux comprendre certains des déréglements du monde auxquels nous assistons.
(Photo : Didier Pruvot/Flammarion)
Marc Mangin, votre essai « La Chine, l’empire pollueur » constitue une réponse de choix à ceux qui disent que la Chine, c’est loin, et que ce qui s’y passe nous importe peu… Vous montrez à quel point notre avenir est lié, qu’on le veuille ou non, à celui de la Chine…
Mon objectif était de remettre les choses en place. D’une part, la planète, c’est la même pour tout le monde. On ne peut pas parler seulement de la pollution des Chinois. Ce qui me paraissait intéressant, c’était de montrer que la dégradation de l’environnement en Chine n’était pas purement un problème écologique et un problème chinois. La Chine a troqué son environnement pour son développement, mais c’est un mécanisme économique qui dépasse complètement la Chine. Au-delà de ça, les pays occidentaux qui, eux, ont exporté ou délocalisé leurs unités de production, c’était à la fois pour des raisons économiques et aussi écologiques parce qu’il est plus intéressant d’exploiter les ressources naturelles d’un pays tiers plutôt que d’exploiter ses propres ressources. C’est la partie que j’ai développée dans le bouquin, sur le commerce de l’eau virtuelle. Dans un espace X, il est parfois plus intéressant de stopper la production qui demande énormément d’eau et de la faire produire ailleurs. Ça n’est pas seulement une question de main d’œuvre. Les délocalisations vers la Chine n’étaient pas seulement motivées par les coûts de main d’œuvre. C’était une stratégie à beaucoup plus long terme.
La Chine est au cœur de nos vies, là même où on ne le soupçonne pas. Vous rapportez l’expérience d’une journaliste américaine, Sara Bongiorni, qui a essayé, en vain, de se passer pendant un an des produits « made in China ». L’occident aurait-il dû se méfier ?
Je ne pense pas qu’il faille se méfier. De toute façon, la collaboration internationale me paraît naturelle et nécessaire… Reste à savoir ce que l’on met dans cette relation. On voudrait faire supporter le coût de productions, qu’ils soient financiers, écologiques ou autres, à des tiers et on ne veut pas le partager. Tant qu’on n’est pas dans une coopération, mais qu’on est dans un système déséquilibré, on va forcément se heurter à des réactions où il faut se méfier car on ne joue pas franc jeu ! A partir de ce moment-là, on a toutes les raisons de se méfier. Quand on a délocalisé et non pas cherché à coopérer et à produire ensemble, forcément, les Chinois vont nous renvoyer le bébé, mais le bébé il aura pris un peu d’oxyde de CO² dans l’aile.
Vous n’êtes pas vraiment tendre avec les Chinois, accusés de ne poursuivre qu’un seul but, au fond, créer un environnement propice au développement de leurs affaires et, par-delà, à leur survie. Avez-vous le sentiment que l’occident fait fausse route dans sa manière de traiter avec la Chine ?
Je ne dirais pas qu’elle fait fausse route. Ce qui me semble se dégager de tout ça, c’est qu’on n’a pas les mêmes objectifs et on ne travaille pas dans la même perspective. Donc, on n’emprunte pas la même route. Les occidentaux sont plutôt dans une vision à court terme. Les Chinois sont davantage dans une vision à long terme. Il y a une petite blague qui circule : les occidentaux appréhendent le commerce selon la règle « grosses marges, petits chiffres » et les Chinois, c’est « petites marges, mais gros chiffres ». On n’a pas du tout le même état d’esprit par rapport au développement et à la relation à l’autre dans le cadre d’une politique de développement. De ce point de vue, la mondialisation, tôt ou tard, va se heurter à cette différence de conception.
Et d’ailleurs, tout l’ouvrage est parsemé de citations de Lao Tseu ou d’autres. On voit que des différences philosophiques sont à la base de ces divergences…
Absolument. Je n’ai pas la prétention de connaître les occidentaux dans leur globalité, mais, plutôt du côté français, je pense qu’on a une approche des relations internationales qui est encore très marquée par un passé colonial et paternaliste, où l’on s’est très longtemps peu soucié de la culture de l’autre, considérant que c’étaient des bouseux, des gueux, etc. Or, les Chinois sont quand même un peuple avec une très longue Histoire et une philosophie très présente dans la vie quotidienne. On a complètement sous-estimé l’imprégnation de cette philosophie taoïste, confucéenne dans la culture quotidienne des Chinois. Et les Chinois avec lesquels nous traitons aujourd’hui sont quand même des lettrés, c'est-à-dire ceux qui ont le plus baigné dans cette culture et dans ces textes. Il y a un phénomène intéressant en Chine, qui est le système d’apprentissage. Si on prend l’exemple de la calligraphie, quand on apprend à écrire, on apprend à recopier, et on recopie toujours les textes anciens. Et on les recopie véritablement parce qu’on doit travailler dans tellement de contraintes qu’il n’y a pas tellement de possibilités de s’exprimer individuellement. Donc, on recopie dès le plus jeune âge les textes anciens… Pareil pour la peinture. La peinture chinoise, c’est énormément de la copie d’anciennes peintures, etc. Il y a un tronc commun en Chine qui n’existe pas du tout chez nous, par exemple, où on va valoriser l’initiative individuelle, la créativité personnelle. En Chine, cette créativité s’exprime après un très long apprentissage d’un tronc commun. Et forcément, quand on a, pendant quinze ans, travaillé, répété autour des mêmes textes, des mêmes tableaux, des mêmes mouvements - c’est le cas du taï chi ou des arts martiaux - c’est rentré en nous et ça fait partie de nous. C’est une grande différence pour moi entre les Chinois et les Occidentaux. On a beaucoup sous-estimé cette culture.
Le casse-tête chinois aurait pu faire un autre titre pour ce livre. Vous montrez, et l’ouvrage fourmille d’arguments, les difficultés qui se posent aux Chinois, d’un point de vue alimentaire par exemple. La Chine doit en effet de plus en plus chercher à l’étranger de quoi nourrir les siens. Comment l’expliquez-vous ?
Je vais partir d’une information très récente. Il y a eu un rapport de l’Onu, il y a quelques semaines, sur le reboisement de la planète. Dans ce rapport, l’Onu ne donnait pas de satisfecit aux pays occidentaux, mais des pays comme la Chine étaient salués pour ce qu’ils font. Quand on regarde la configuration de la Chine, et la surface de terre arable dont les Chinois disposent pour produire leur nourriture, on sait que tout ce qu’ils peuvent exploiter en terres cultivables est exploité. Si on reboise la Chine, on ne peut pas reboiser dans les déserts, donc forcément, le reboisement empiète déjà un peu sur les surfaces qui étaient jusque là dédiées à l’agriculture. Ça, c’est une première chose. La désertification, qui est un phénomène dramatique pour la Chine, contribue à accélérer l’urbanisation qui, elle aussi, croque sur les terres vivables dans lesquelles ont été construites les villes. Donc, on a une réduction continue des surfaces cultivables qui pousse la Chine à chercher ailleurs une alimentation qu’elle sait aujourd’hui qu’elle est incapable de produire pour nourrir sa population.
Pourtant, et vous le dites très bien, la Chine a longtemps cru qu’elle serait capable, un jour, de parvenir à l’autosuffisance alimentaire. Ce projet n’est-il plus d’actualité ?
Non. Depuis son entrée à l’Organisation mondiale du commerce, la Chine a réintégré l’économie mondiale et, de ce fait-là, elle appréhende son économie de façon planétaire. Elle a compris que la production céréalière, par exemple, est tellement consommatrice d’eau qu’il vaudrait mieux qu’elle importe des céréales et qu’elle utilise son eau à autre chose. Donc, la Chine est déjà rentrée dans une politique écologique qui va l’amener à faire un peu plus attention à ses ressources hydriques. Elle est déjà entrée dans cette perspective-là. Il y a toute sa politique africaine qui s’appuie sur l’alimentation. Elle ne cherche plus à être autosuffisante alimentaire par une production nationale. Elle cherche l’autosuffisance par une production internationale. C'est-à-dire qu’elle se sert sur le marché mondial, mais par les accords et les programmes de développement qu’elle a mis en place, notamment en Afrique, elle cherche à s’auto suffire alimentairement, dans le cadre de ces accords.
Vous donnez en effet plusieurs exemples d’investissements chinois dans le domaine alimentaire, notamment en Afrique ou en Amérique latine. Les promesses d’investissement effectuées par les Chinois n’ont pas toujours été suivies d’effets. Au sujet de l’Amérique latine, vous parlez même du baiser du dragon, les Sud-Américains ayant dû rapidement déchanter…
Si les Chinois ont fait un petit pas en arrière, ils n’ont pas toutefois quitté l’Amérique latine. Ils ont réajusté leur stratégie vis-à-vis des Latino-Américains. J’ai quand même l’impression qu’ils ont une politique d’investissement au niveau international qui corrige leurs erreurs des premiers pas, mais surtout, ce dont on s’aperçoit, c’est que depuis quelques années, le développement des investissements dans les structures financières est fait par des prises de participation et la pénétration dans le capital de ces pays-là que la Chine progresse davantage. Ce n’est pas tant par des aides directes comme elle peut le faire en Afrique. Et encore, là-bas, elle a aussi une stratégie qui est, là, beaucoup plus de financer ses entreprises en Afrique. C’est une aide qui est d’une certaine manière liée. On finance la construction des routes mais ce sont les entreprises chinoises qui construisent les routes. Et même si ce n’est pas officiellement lié, les entreprises de travaux publics chinoises soumissionnent sur des appels d’offres internationaux mais elles ont des prix tellement bas qu’elles remportent tous les marchés.
Faut-il s’en inquiéter ?
Ce qui me paraît important de dire, c’est que les Chinois travaillent avec nos règles, des règles qui, à une époque pas si lointaine, nous convenaient parfaitement. L’histoire de l’OMC est très révélatrice. On a, pendant 18 ans, négocié avec la Chine un accord pour l’intégration de l’économie chinoise dans l’économie mondiale. Cela ne s’est pas fait dans le cadre des accords du Gatt, ça s’est fait avec l’OMC. Et l’objectif était de permettre une coopération économique beaucoup plus grande. Les Chinois ont signé l’accord ; aujourd’hui, ils en profitent. On a pensé qu’avec cette négociation, la Chine allait s’ouvrir à nos exportations, et on n’a jamais mesuré à quel point la Chine pouvait utiliser cet accord pour nous inonder de ses exportations. On pourrait trouver de nombreux exemples, où on a une conception des choses à court terme et les Chinois une perspective à long terme. Et donc, notre inquiétude, elle se nourrit de cette tendance à appréhender le monde à court terme.
Outre les besoins alimentaires de la Chine, il y a aussi ses besoins énergétiques, qui sont déjà énormes et ne cessent de grandir. La surface urbaine bâtie a été multipliée par 5 en 25 ans et les chantiers ne s’arrêtent jamais. Cela donne un peu le vertige, non ?
Oui, mais d’un autre côté, quand on voit dans quelles conditions la majorité des Chinois vit, on ne voit pas comment on pourrait échapper à ça. Si les familles qui vivaient jusqu’ici dans 10 m² ont la possibilité de vivre aujourd’hui dans 30 m², elles ne vont pas hésiter. Sauf qu’il n’y a pas 30 m² ; il faut construire. Il y a un énorme problème de logement, qui n’est pas qu’un problème urbain. La construction, c’est un chantier auquel la Chine ne peut pas échapper, et c’est un chantier qui s’est accéléré par le fait que le flux d’investissements étrangers en Chine a généré une activité colossale, a nourri un cycle d’augmentation de revenus, a entraîné la machine économique. Au début, c’étaient quelques millions, puis quelques dizaines de millions. Aujourd’hui, on a quelques centaines de millions de Chinois qui, entrevoient le bout du tunnel. Donc, ils veulent un logement, ils veulent se déplacer, éclairer leur maison. Tout cela consomme de l’énergie. Il y a une consommation des ménages naturelle. Les Chinois partent de tellement bas que le petit feu qui a été allumé il y a 30 ans, aujourd’hui, n’a cessé de croître.
Qui dit besoins énergétiques croissants dit, hélas, pollution croissante. Les exemples pullulent : les cimenteries, les décharges à ciel ouvert, le fait aussi que l’essentiel de l’énergie soit aujourd’hui produit à partir du charbon… Malgré tout, vous affirmez que la Chine, tout en étant le plus gros pollueur de la planète, investit plus que la plupart dans la recherche sur les énergies propres (1 milliard de dollars par an). Est-ce de la poudre aux yeux ?
C’est le premier producteur d’énergies propres, mais il ne faut jamais perdre de vue que la Chine, à elle seule, c’est plus de deux fois l’Union européenne des 27. Est-ce que l’on peut comparer la Chine à la France ou la Chine à l’Europe. En termes de population, la Chine, c’est quasiment quatre ou cinq fois la population des Etats-Unis. Donc, dès que la Chine fait quelque chose, c’est à la mesure de sa taille, de son obésité, de son embonpoint. C’est tout de suite colossal. Mais si on ramène ça à la taille de sa population, ça devient des investissements qui sont presque ridicules. Ça, c’est la première chose. Ensuite, est-ce que c’est vraiment une politique de production de l’énergie propre ou est-ce que cela s’inscrit dans un programme de recherche ? Je ne dis pas ça pour charger les Chinois, c’est simplement parce que les procédés de production d’énergies propres s’appliquent généralement, pour l’instant, à des petites unités de production. Et les petites unités de production ne correspondent pas à la configuration de la Chine. Même si ces techniques étaient relativement au point, elles seraient difficilement applicables à la Chine à moins de multiplier les investissements.
Bien que la Chine réunisse, je vous cite, tous les signes avant-coureurs d’une catastrophe, c’est actuellement un pays jalousé pour sa croissance à deux chiffres alors que le reste du monde patauge. Pourtant, la situation est loin de se résumer à ces chiffres et d’être idyllique… Quels sont d’après vous les problèmes les plus criants ?
Les zones rurales ne permettent plus à la population rurale de vivre de leur production agricole et autres, et n’offrent plus d’activité pour la main d’œuvre rurale. De ce fait, des dizaines de millions de Chinois sont aujourd’hui obligés de migrer, et ça me semble être une des principales préoccupations des dirigeants chinois. Comment va-t-on gérer ce mouvement de population pour éviter un clash intérieur. Car toute cette population qui va arriver dans la ville, démunie, désargentée, sans logement, posera inévitablement des problèmes de cohabitation avec la population déjà installée.
Vous parlez de manifestations récurrentes aussi…
Oui, il y a énormément, et surtout dans les zones rurales, de populations qui en ont marre de se faire taxer. En 2006, l’Etat a supprimé toutes les taxes d’Etat sur les produits agricoles. Parce qu’ils étaient tellement oppressés par ce système de taxes auquel s’ajoutent toutes les taxes locales. L’Etat, pour se protéger d’une révolte contre l’Etat, a supprimé les taxes qu’il imposait jusque-là, en se disant que si maintenant ça continuait à gronder dans les campagnes, ça se retournerait contre les pouvoirs locaux mais pas contre le système d’Etat. Il y a vraiment une fracture au sein de la population. Il y a un risque social, qui n’est pas nouveau en Chine. Comment est-ce que les responsables chinois vont gérer la reconversion du monde agricole qui aujourd’hui représente toujours près de 45 % de la population chinoise, et qui produit environ 15 % du PIB. Il y a un problème. Il faudrait réduire au moins de moitié la population rurale, mais on ne peut pas la réduire en disant simplement : j’en prends la moitié et je la mets dans les villes. C’est une question de place. Ça c’est le grand défi. Alors, il y a cette politique d’encouragement à l’émigration, notamment pour amener les paysans à s’installer en Afrique. Les Chinois se sont aperçus que, finalement, l’Afrique disposait de beaucoup plus de surfaces cultivables par habitant que la Chine, et que donc, il y avait de la terre à exploiter. Mais, si l’on regarde les chiffres officiels qui sont, en gros, de 150 millions de paysans qui vont être chassés de leurs terres par la désertification, cela ne représente pas la moitié de la population rurale. Ce qui veut dire que ce chiffre de 150 millions est une hypothèse basse. Que sur ces 150 millions, les villes vont peut-être pouvoir en absorber peut-être 30 millions, soit 20 %. Il reste 120 millions. Les pays africains ne pourront pas accueillir autant de monde. Aujourd’hui, il y a plus d’un million de Chinois en Afrique, et on voit déjà les problèmes que ça peut poser, que ce soit au Cameroun, au Gabon, en Algérie. Donc, où vont aller ces Chinois ? Il y a deux ans déjà, au moment où j’ai écrit ce livre, le Pentagone estimait que les deux sources de conflit majeures du XXIe siècle seraient l’eau et les réfugiés environnementaux. La contribution de la Chine aux réfugiés environnementaux sera donc, en gros, de 120 millions de personnes. Je pense que les Chinois ont conscience que leur économie est très liée à l’économie mondiale, et que tout raidissement, toute aggravation des relations sociales chez leurs partenaires ne peut que se répercuter sur leur propre économie. Donc, je ne pense pas qu’ils voient les risques de déstabilisation d’un bon œil. C’est là que nous sommes, en tant qu’Occidentaux, un peu légers. Ça devrait être une des préoccupations majeures d’aujourd’hui, parce que si on attend que ces populations commencent à débarquer, ça va pas bien se passer. Il y a nécessité absolue de coopérer et de remettre en cause notre système de production, c’est la leçon de la dégradation de l’environnement chinois. On a bien vu à Copenhague qu’on est loin d’être arrivés à simplement s’asseoir pour discuter de ça.
Comment avez-vous été amené, en tant que journaliste, à vous intéresser à l’Asie ?
Au tout début de ma carrière, j’étais très attiré par l’Afrique, et notamment l’Afrique du Sud. J’ai pas mal travaillé autour des questions de l’apartheid dans les années 80, et j’ai eu beaucoup de difficultés à publier des papiers sur l’Afrique. Je me suis aperçu que l’Afrique n’était pas que le pré carré des gaullistes. Par les hasards de mon évolution professionnelle, je me suis trouvé dans une ONG, « Frères des hommes », comme directeur adjoint de la communication. J’espérais que cela me conduirait en Afrique, mais c’est aux Philippines que j’ai abouti en 1987, pour préparer la venue d’une équipe de France 3 Picardie pour faire une série de films sur le sucre. Aux Philippines, ce qui m’a frappé, c’est la facilité avec laquelle nous pouvions travailler, en comparaison à l’Afrique. J’ai publié un papier dans le Monde Diplo, qui a été remarqué. Je suis retourné aux Philippines, là en tant que réalisateur d’une série produite par « Frères des hommes », en coproduction avec Gamma Télé. J’y suis resté deux mois et très vite, j’ai été piqué par la mouche philippine et j’ai été m’installer aux Philippines comme correspondant de presse pour Les Echos, La Croix et l’ancêtre du Temps à Genève. Quand je suis rentré à Paris, j’ai monté une petite « business newsletter » dans une petite boîte spécialisée dans les newsletters, mais les Philippines et l’Asie du sud-est, c’était trop étroit pour lui, ce qui fait qu’on a monté une petite lettre sur les relations économiques entre l’Europe et l’Extrême-Orient. Quand j’étais à Manille, je tournais un peu dans l’ensemble malais : Indonésie, Malaisie et Philippines. Là, du coup, j’ai commencé à rayonner sur toute l’Asie et quelques années plus tard, Le Monde m’a demandé si j’acceptais de faire des chroniques économiques sur l’Asie du sud-est. Ensuite, Le Monde a racheté Nord-Sud Export, une business newsletter, et m’a demandé si je voulais bien prendre la rubrique Asie, ce que j’ai fait.
Et cette passion pour la Chine ?
C’est aussi un peu le fruit du hasard. Quand je dirigeais la rubrique Asie de Nord-Sud Export, les gars du Monde m’ont poussé à monter une collection de petits bouquins d’analyses sur l’Asie. Je leur ai proposé de faire quelque chose sur la Corée. Mon choix se serait probablement plus porté sur la Corée car j’avais des liens assez forts avec celle-ci. C’était en 1998. C’était la fin des négociations entre la Chine et les Etats-Unis pour l’entrée à l’OMC et les collègues du Monde m’ont demandé un livre sur la Chine. J’avais déjà pas mal de billes sur la Chine. J’y allais déjà assez régulièrement à partir de 1991. Parallèlement, j’ai monté ma propre business newsletter sur l’économie chinoise, ce qui m’a vraiment fait découvrir la Chine. Je suis resté très attaché à la Chine. Les philosophes chinois, c’est un monde assez passionnant. De 1991 à 2006, j’ai été en Chine une fois par an.
Votre nouveau livre est sur le point d’être publié. De quoi traite-t-il ?
Ce sont des chroniques de voyage sur un voyage que j’ai fait en Iran l’année dernière, pendant la présidentielle. J’étais parti avec un visa touriste et puis, une fois que tous les journalistes ont été expulsés, en fait, j’ai repris un peu de service. Ce qui m’a permis de me faire arrêter, d’être assigné à résidence, de me retrouver à Téhéran au moment où Clotilde Reiss a été arrêtée, d’avoir des relations avec l’ambassade, particulièrement houleuses, pour ne pas dire tendues, et puis d’être viré le 14 juillet. Et puis après, j’ai continué ma route. Pendant tout le voyage, j’alimentais un blog, deux fois par semaine, de petites chroniques. Enfin, des petites chroniques qui faisaient quand même 6.000 signes. Et donc j’ai regroupé tout ça dans un bouquin. C’est le même ton que « L’Empire pollueur ». J’ai rajouté une partie que je n’avais pas publiée quand j’étais en Iran, pour des raisons de sécurité.
Pour en savoir plus :
Marc Mangin est aussi très bon photographe : découvrez ses photos sur son site dédié.
Il est aussi à l'origine du lancement de la plateforme d'éditions Sipayat.
L'écrivain publiait, dans la foulée de son essai sur la Chine, un roman intitulé "Instants damnés".