Saint-Ange raconte l'histoire d'Anna (impeccable Virginie Ledoyen), jeune femme enceinte débarquant dans un immense pensionnat pour en assurer le nettoyage à la fin de l'année scolaire 1958. Elle y découvrira un terrible secret enfoui depuis 15 ans, mue par un élan incontrôlable qui la mènera à sa perte et vers sa délivrance.
Parmi la nouvelle génération de réalisateurs français oeuvrant dans le cinéma de genre, Laugier est vraisemblablement celui qui prend le médium le plus au sérieux (on peut bien entendu également citer Fabrice du Welz, belge quant à lui). En effet, il suffit d'écouter les passionnantes interviews du metteur en scène pour se rendre compte de la juste place qu'il accorde au cinéma fantastique et d'horreur, loin du cynisme ou de la condescendance avec lesquels est bien souvent traité ce type de films.
Avec Saint-Ange, Laugier adopte une démarche en accord total avec son point de vue sur le genre et utilise le fantastique pour délivrer une oeuvre bouleversante, développant un propos extrêmement touchant sur le besoin d'amour. Ainsi, le personnage d'Anna porte un enfant qu'elle ne veut pas, a été victime dans son passé de sévices corporels, et reste extrêmement discrète et introvertie dans son rapport aux autres. Isolée, triste, victime, elle cherche à combler un énorme besoin d'amour. Elle pressent que sa quête de la vérité qui se cache derrière les portes du pensionnat pourrait lui permettre de combler ce manque abyssal et de panser ses plaies, quitte à mettre sa vie en péril.
L'irrésistibe et irrépressible attrait des personnages pour l'abysse est une constante dans le cinéma de Pascal Laugier. Ainsi, Anna ne peut s'empêcher de descendre de plus en plus loin dans les profondeurs du mystère que renferme la demeure, jusqu'à s'abandonner totalement en elle dans une formidable scène rappelant la séquence finale de Angel heart. L'abandon de soi au profit d'instincts dirigés par le besoin d'amour, tel est le pivot autour duquel tourne Saint-Ange (et Martyrs).
Par ailleurs, Laugier propose une mise en scène de toute beauté, usant de somptueux travellings latéraux et créant une atmosphère gothique véritablement splendide. A ce titre, la scène de l'enterrement des chats dans la forêt est un pur délice visuel et émotionnel. La dernière partie du film sera quant à elle glaciale, les couleurs d'une blancheur aveuglante, signifiant le passage d'Anna dans un autre monde (dont la nature ne sera pas dévoilée ici). La couleur blanche des vêtements portés par le personnage interprété par la trop maniérée Lou Doillon prendra ainsi tout son sens en fin de métrage.
Saint-Ange constitue donc une oeuvre extrêmement travaillée, d'une beauté plastique indéniable et dont l'atmosphère est véritablement hypnotisante. Par ailleurs, la thématique développée par Pascal Laugier permet au film d'instiller une réelle émotion chez le spectateur en usant des codes du genre pour signifier les sentiments des personnages. Pour un coup d'essai, c'est une belle réussite.