Deux textes de Patricia Laranco.

Par Ananda

ABSENCE DE PRESENT.

 

Le sentiment de vide qui se colle aux murs

et les murs qui font mal

rien qu’à les regarder

 

je suis une silhouette à peine un souvenir

je suis une silhouette bue par le présent

 

à peine si j’ai conscience que je suis

je ne suis qu’un frisson qui vrille le présent

un présent évidé et quasiment dissous

 

je sais chaque moment flasque affaissé fuyant

tel un mollusque sans colonne vertébrale

je le vois s’avachir il n’est pas soutenu

par un axe épine dorsale

                                     qu’il faudrait

 

je doute de ma présence de mon présent

de ma présence dans ce présent si absent

l’absentéisme du présent et le mien

s’imbriquent participant de la même buée

 

je ne suis qu’une série d’hésitations

j’hésite mais qui hésite en moi est-ce je ?

 

à la frontière entre je et l’effacement

la sensation de vide s’est collée au mur

je ne sais même pas d’ailleurs si je suis

je me dissous dans cette absence de présent

que traverserait comme du beurre une épée













JE, L’AUTRE, ON.

 

Je est un autre. Mais quel autre ?

Car ce n’est pas tout de dire que je est un autre, encore faut-il préciser aussi qui est l’autre en question, de qui exactement s’agit-il.

Or, ça, on ne le dit jamais.

Alors, comment peut-on savoir ?

Je veux dire…comment peut-on savoir quel autre, quelle sorte d’autre est je ?

Car les autres, on est bien d’accord sur ce point, ce n’est pas ça qui manque.

Un autre hors je…ou bien en je ?

Non, je ne vous ai pas dit « hors-jeu », pas plus qu’ « orge », ni « en jeu », ni « ange » !

Comment peut-on affirmer que je est un autre alors même qu’on ignore tout de la nature de cet autre, de son identité ?

Comment peut-on comparer un je avec un autre dont on ne sait rien ?

Enfin, cela n’a pas de sens !

Si je est un autre, alors, automatiquement, je s’annule. Il s’annule dans l’impression (sur laquelle on bute automatiquement) de ne pas savoir qui est, ce qu’est l’autre !

Ce qui revient à dire que je ne peut savoir qui il est, ce qu’il est.

Même en se regardant dans un miroir, c’est un autre qu’il verra…et…que dis-je ? non…même pas un autre, puisque l’autre, on ne sait pas qui c’est, ce qui prouve qu’on ne l’a jamais vu et que, par conséquent, non content d’être bien en peine de le reconnaître, on ne peut qu’être fondé à douter de son existence.

Bref. Mais tant qu’on ne m’aura pas dit quel autre est je, je ne pourrai jamais dire que je suis un autre.

Et imaginez…si jamais je était un autre moi-même ?

Que penserait moi-même de tout ça ?

Rimbaud y a-t-il réfléchi ?

C’est déjà assez dur, je trouve, pour je d’être également moi-même…et c’est non moins dur pour moi-même d’être par la même occasion  je.

Si l’on vient y ajouter un autre, c’est le clou, le chien dans un jeu de quilles. C’est l’éléphant qu’on a lâché dans le magasin de porcelets de laine.

Comment voulez-vous vous y retrouver, dans un tel bric-à-brac, dans un pareil méli-mélo (digne du mélo) de brocs  et de  briques ?

Dire « je est un autre » est devenu à la mode, alors, on le dit.

Mais, au fait, je n’avais pas pensé à ça non plus, qui est On ?

Et pourquoi On dirait-il je tout en affirmant dans le même temps qu’on dirait bien que ce dernier n’est autre, en dernier ressort, qu’un autre ?

Je n’arrive pas à comprendre comment On tire son épingle du je…ni, du reste, comment je laisse dire si facilement On.

Au fond, On joue et ce qu’On pense, sincèrement, c’est que la vie n’est qu’un je.

Dans ces conditions, qui, de On, de je, de l’autre est le plus crédible ?

P.Laranco.