Confession d'auteurs, paroles d'adolescences

Par Emmyne

L'autobiographie en partage.

Dans la collection Confessions des éditions De La Martinière des auteurs de littérature jeunesse racontent leur adolescence, revenant avec sincérité sur les difficultés auxquelles ils ont fait face, abordant chacun un sujet particulier, une souffance personnelle, tous différents et pourtant ... les complexes et questions sur l'avenir, l'histoire familiale, les relations aux autres, le sentiment de solitude...

Des livres au format poche, une centaine de pages dynamiques qui se lisent comme un journal intime. Pas de chapitre mais des paragraphes rythmés par des phrases en rouge qui interpellent, des listes, des citations, parfois même un dessin, un poème. Extrême franchise du ton sans concession, émotions et autodérision, qualité d'écriture, l'auteur se livre avec un regard d'adulte, une volonté de raconter mais aussi de comprendre, mêlant la reflexion aux souvenirs. A la fois confidence et dialogue, réaliste, concrète, sans lyrisme ni apitoiement, la parole est vraie et la volonté de témoigner remarquable.

Une collection indispensable à découvrir aux adolescents dès 13 ans.

Quelques titres :

- Une adolescence douce-amère d'Anne Castries

J'ai treize ans. Je m'appelle Anne, Anne Castries. Je déteste la couleur rose. Ce rose qui envahit ma chambre et qui m'étouffe comme ma famille. Cette famille où tout est faux, où personne ne me connaît. Nous sommes des étrangers les uns pour les autres. Oui, c'est ça, des étrangers.

- Confession d'une grosse patate de Susie Morgenstern

Je me parle. Je me gronde. Je me dis souvent ceci "Cesse d'être une monstresse d'ogresse de grosse patate dans des misères de sacs de patates. Finis-en avec ce problème une fois pour toutes." Et patati et patata !

- Un autre que moi de Bernard Friot et Un dernier été ( solitude )

Tous les dimanches après-midi, ce même rituel : faire sa valise et prendre le bus, direction l'internat pour garçons. Pendant le trajet, la peur grandit, irrépressible : retrouver les autres, ils sont là, ils attendent. Entre les heures froides de la salle d'étude et la routine des cours une seule issue fuir dans la solitude et laisser cet autre que moi jouer son rôle, pour me mettre à couvert le temps qu'il faudra..

- Un jour ma vie s'est arrêtée de Catherine Leblanc

Je flotte dans les airs. Comment se fait-il moi qui me posais tant, qu'aujourd'hui, je me sente si légère ? Si à l'aise dans ce corps que je détestais ? Et tous ces gens qui m'entourent ? Mes parents, mes profs, même mon petit frère, je ne cesse de leur parler et ils ne me répondent pas. C'est comme si je n'existais plus. Et la maison qui est vide. Seule une photo de moi trône sur le meuble d'entrée du salon. J'ai disparu, c'est bien ça, mais que s'est-il passé exactement ? Je ne me souviens plus. Est-ce quelqu'un m'a tué ? Suis-je encore vivante ?

- Hé, petite de Yaël Hassan

" Hé, petite ! ", c'est mon surnom depuis toujours. Il a suffi d'une visite médicale à l'école pour que le médecin s'inquiète de ma petite taille et me le certifie, je ne dépasserai pas le mètre quarante-sept. Entre les " minus ", les " microbes " et les " pilules ", pas facile de trouver ma place. Ras-le-bol que tout le monde ne voit qu'une ado minuscule ! C'est décidé, il va falloir se battre..

- Tu seras la risée du monde de J.P Nozière

Pour guérir (...), j'ai avalé des pharmacies entières. J'ai subi des rayons dans le cabinet du docteur, nu devant une drôle de lampe (...).. On m'a engueulé des milliers de fois, encouragé des milliers de fois. Je ne dois plus boire après six heures de l'après-midi, même en été, même si je dois mourir de soif. (...) " J'en perds mon latin, grogne le docteur Lebron, (...) la plupart du temps, il y a des explications, donc des remèdes à l'énurésie des enfants, mais j'avoue que Fanfan me pose problème ". Gus m'a lu le dico. Énurésie : émission involontaire et inconsciente d'urine.

- Mais qu'est-ce qu'on va bien faire de toi ?

Fellouze, notre pion, est en haut de l'escalier. " Alors, Camille, qu'est-ce qui t'est donc arrivé ?
Ton échec au concours stupéfie tout le monde. "
L'éclat de ses yeux m'annonce à quel point il biche de me tenir entre ses pattes afin de m'humilier sans courir le moindre risque. Je traduis sa phrase de faux-cul : " Tu as fini de faire le malin, Camille. Tu t'en es pris une bonne. Rendez-vous à la rentrée. " Son sourire ressemble de plus en plus à un chewing-gum craché sur un trottoir. Sa main palpe son crâne de rouquin chauve. " Alors, à la rentrée, que devient notre Camille ? ", demande-t-il à ma mère. La tension monte encore d'un cran. Tout s'immobilise. On dirait le musée Grévin.

- On s'était dit pour la vie de Claire Mazard ( amitié )

Rentrée de seconde. Pour moi, la vie continue, ou plutôt je continue malgré la vie. C'est alors que j'aperçois tes yeux rieurs, Isabelle, et ton amitié va bousculer mon existence. Nos fous rires, nos rêves, je m'en souviens encore, ce pull-marin, nos cours de théâtre, notre escapade au Pérou... La vie n'est pas dans les romans, il faut la vivre, m'avait-on dit. C'est ce que tu mas appris à faire. Alors pourquoi, Isabelle, pourquoi ? Un jour, le téléphone sonne et tu m'annonces la nouvelle. Je suis anéantie. Pourquoi as-tu fait ce choix-là ? Aujourd'hui encore, je cherche la réponse...

- Ce soir-là, Dieu est mort de Christian Grenier ( vocation de prêtrise - suicide )

La nuit tombe. Nous sommes partis avec Aubin chercher des mirabelles au verger. Soudain, il me saisit le bras et désigne un point clair dans le ciel.
" Tu vois, l'étoile du berger ? " Le regard dans le vide, il récite : " Les bergers furent effrayés, mais l'ange leur dit je vous apporte une nouvelle qui vous remplira de joie. Quand les rois mages ont aperçu cette étoile, ils ont compris que c'était là le signe qu'ils attendaient. Eh bien moi, je crois que m'a été adressé un signe. " Quand nous revenons à la grange, une immense nappe a été étalée dans le jardin. Ce pique-nique nocturne est l'un des moments les plus beaux de ma vie. Assis un peu à l'écart, Aubin ne se mêle aux jeux que de loin. De temps en temps, il me sourit et lève les yeux vers le ciel qui se garnit d'étoiles. Cet échange muet suffit à sceller une nouvelle complicité entre nous.

- Un secret derrière la porte de Claude Gutman

J'ai ouvert la porte. Un malaise soudain devant cet inconnu qui me regardait avec attention. " Ton père est là ? " J'ai fait quelques pas vers ma chambre puis je suis resté en arrêt, au coin du couloir et du salon, invisible. Mon père lui a demandé brutalement : " Qu'est-ce que tu fais là ? Comment tu m'as trouvé ? Notre père est mort, l'enterrement aura lieu dans deux jours. Voilà. " N'importe quoi ! Grand-père ne pouvait pas être mort. Je l'avais vu deux heures plus tôt. C'était quoi, cette histoire ? Seul, tout seul, écoutant d'une oreille, je ruminais l'incompréhensible sans plus d'appui. Tout, absolument tout ce qu'on m'avait raconté jusqu'ici n'aurait été que du vent ? Un monde entier s'ouvrait, que mon père m'avait caché. Pourquoi ?

- Les anges n'ont pas de sexe de Dominique Sampiero ( refus de grandir )

C'est dans un jardin en ruine que je retrouve Riri, chaque soir, même l'hiver, après le collège, à dix-huit heures tapantes. Nous marchons à la rencontre l'un de l'autre comme deux voleurs puis nous déguerpissons à gauche dans une ruelle herbeuse, un coupe-gorge bordé de plaques de ciment, un sentier qui donne sur le plus grand et le plus sauvage des jardins de la ville : les remparts. C'est notre salon d'été ou d'hiver, notre cabane de trappeur, notre igloo, notre hutte, notre grotte ou notre caverne secrète. On s'invente des histoires à partir du craquement d'une branche ou du cri d'un oiseau. On se raconte des trucs qu'on n'ose dire à personne et puis on rentre chez soi en se serrant très fort la main : à demain matin huit heures pour partir à l'école. Dors bien, sinon, rendez-vous à la fenêtre avec la lampe !

- Tempête dans la tête de François David

" Tu es un écorché vif. " Je reçois la phrase en pleins poumons. Sans comprendre, sans m'y être attendu. Elle reste. Elle est toujours là. Elle tourne. Ça n'a pas d'importance. Vraiment pas d'importance. Je ne vais quand même pas y accorder de l'importance. Plus je me dis cela, plus je m'aperçois de l'effet exactement inverse. La phrase s'incruste. Elle s'insinue. De plus en plus. Je devine qu'elle va rester. Que je ne vais pas pouvoir m'en débarrasser. Pour aujourd'hui, c'est certain. Mais pour beaucoup plus longtemps peut-être. Pourquoi ? Qu'est-ce qu'elle a ? Qu'est-ce qu'ils ont, ces mots ?... Est-ce que je suis un écorché vif ? Je ne sais pas. Mais si tu le penses, papa... Mais si tu le dis... De toute façon, pour moi, ça n'a pas d'importance... Pas d'importance... Vraiment aucune importance...

- Mauvais coup de Pierre Mezinski ( abus sexuel )

En fait, j'ai un tracas. Mais alors là très gros - énorme ! Ecrivons-le : Tracs. Je trimballe ce tracas dans mes bagages comme une bombe à désamorcer avant qu'elle ne m'éclate à la figure. Et tu parles comme ça m'enthousiasme ! Je devrais déjà être au boulot, mais je lambine. Je recule le moment d'affronter le problème. Pourtant, comme dit mon voisin à Monet, le père Petiot, quand il sort le matériel pour vidanger sa fosse d'aisance : " Une fois qu' c'est fait, c'est plus à faire ! Faut s'fout'e l'cul' dans un harnais !... " Alors Mezinski, colle-toi-z'y ! Ton harnais, c'est ce carnet que tu viens de sortir sur tes genoux... Ton " carnet de pensées ".

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