Mercredi 23 juin.
Retour de mission de pêche expérimentale dans le Sine-Saloum. Mauvaise idée de pêcher en vives-eaux : les poissons se sont planqués. Enfin, après annulation de la mission, désannulation, réannulation et redésannulation, on pouvait difficilement espérer mieux.
Temps oscillant entre agréable, très agréable, et ce qu'on connaît dans le monde scientifique comme « une putain de grosse saucée ». Se battre sous la pluie pour fermer la bâche du bateau, se battre avec pour la remonter afin que le pilote puisse voir où il va, on finit aussi mouillé que sans bâche.
Pêche anecdotique, donc, mais vu des flamants roses en vol, et des aigles pêcheurs, des sternes et des martins-pêcheurs en pêche, ces derniers chassant le poisson juvénile en crise d'adolescence, qui sautille en rond à la surface de l'eau, criant de tout son être « vazy vazy, attrape-moi si tu peux », et « haha tu m'as pas eu », jusqu'à ce qu'après deux ou trois tentatives, juste le temps de penser « gloups », il disparaisse dans un éclair argenté (c'est très joli).
Ai un peu pêché à la ligne, aussi. Carnage de Brachydeuteurus auritus, plus mon premier thiof, le roi des poissons sénégalais, relâché (parfaitement vif et fringant, il m'a esquinté un doigt) dans un élan de générosité teinté de restes de conscience écologiste auxquels n'ont pas eu droit ces couillons de Brachydeuterus fichus de se piquer à un hameçon sans appât.
Ai aussi pu constater que le plaisir de pisser dans l'eau la nuit restait intact. La tête dans les étoiles, le zgueg à la main, la musique glougloutante d'un pissou puissant pour seul son audible dans un paysage fantômatique dominé par les ombres projetées par la lune, on se sent le roi du monde (si on arrive à faire abstraction des ronflements des collègues). Je pourrais rester des heures immobile à contempler la mousse de mon urine dériver vers le lointain, si une obscure pudibonderie ne me poussait pas à ranger à l'abri mon petit matériel, brisant dans ce geste la magie du moment.
Ai également pu goûter aux charmes de la sieste après le labeur. Une fois le pont lavé et à peu près sec, me glisser par de savants mouvements de reptation du fessier sous la table, jusqu'à ce que mes pieds soient à l'abri du soleil. Laisser une brise volage s'insinuer amoureusement sous mon t-shirt et me caresser le torse de ses doigts frais.
Quel pied.
Même la réalisation que la réalité photographique (ie : un gros tas qui pionce sous une table en plastique, un Courrier International en guise d'oreiller) est moins romantique n'ôte rien au plaisir.
(je profite de cette occasion pour faire la promotion du planning familial : certes, quand vous avez un enfant, c'est tout beau et tout mignon comme ça :
mais ça finit par se transformer en ça :
Signalons au passage que d'abord, j'ai rien bu d'autre que de l'eau à bord, parce que je suis arrivé avec les boyaux un peu retournés, et que décidément, les collègues ont beau être proches de la retraite, ils sont restés très jeunes dans leurs têtes.)