Magazine Conso

Super Charlot Galaxy

Publié le 12 décembre 2007 par Eric Viennot

- Wouahou cool p’pa ! T’as acheté Mario Galaxy ! J’voulais justement le rajouter sur la liste de Candice pour Noël. (Candice c’est sa sœur. Sa liste à lui est déjà archi pleine). C’est super, tous mes copains l’ont commandé pour Noël et moi je vais pouvoir y jouer avant eux !
- Eh mais j’ai pas dit que c’était pour toi. Je l’ai acheté pour mon travail !
- Tu parles, tu travailles pas là ! Tu joues !
- Non, fiston, malgré les apparences… Dzing… raté…Dzang…là je bosse. Ça se voit peut-être pas mais… Bang… Dzing… Schtong…  je décortique ce qui se fait de mieux au monde niveau gameplay aux petits oignons.
- N’importe quoi !

Sur ces entrefaits mon portable sonne. Le temps que je réponde et mon fils s’est déjà emparé de la Wiimote.

Une heure plus tard je réponds à mes mails, pendant que  les Dzing… Dling… Wouah… Bang… continuent de plus belle dans la pièce à côté. Agaçant !
Un peu plus tard, aux bruitages endiablés, se superposent quelques éclats de rire : c’est la petite qui l’a rejoint. Elle peut rester des heures rien qu’à regarder jouer son frère. J’entends ses commentaires et ses conseils. Lui c’est le bras armé. Elle, c’est la Princesse Harmonie qui donne les ordres. De temps en temps, c’est plus fort qu’elle, elle sort pour venir me raconter ce qui se passe.
- Y’a un monstre avec une coquille d’œuf sur la tête ; il a une grande bouche avec plein de dents pointues et une longue queue et patati et patata…
Les Dzing… Dling… Wouah…Bang… Dzzz….Ya… continuent.
Un long moment plus tard, la revoilà qui revient toute excitée, l’autre Wiimote dans la main. Elliot a dû se résigner à sous-traiter la congélation de boules gluantes ou de petits monstres sauteurs.
- Papa, viens voir, c’est trop rigolo : Mario il s’est transformé en abeille et il vole et patati et patata…
Dling… Watch… Outch… Ye…Wouah…Bang… Paf…

- Une ENORME araignée avec trois yeux, avec des bulles dessous son corps qui lancent des trucs dangereux…
Dling… Wouah…Bang… Dzzz …Wouah…Bang… Paf… Bang… Dzing… Schtong !
Quelle épopée ! Et dire qu’on critique souvent Super Mario pour la pauvreté de son scénario ! Tous ces trucs qu’elle me raconte ce ne serait pas le Graal de beaucoup de créateurs de jeux ? Ce qu’on appelle savamment le gameplay narratif. Ici, la légende est générée par le gameplay, elle se confond totalement avec lui.
En tous cas, belle réussite que ce Mario Galaxy ! Alors que la plupart des gros hits du moment lorgnent du côté du cinéma, lancés à 300 à l’heure sur leurs consoles V12 turbo ou sur leur PC aux anabolisants, lui sur sa Wii décapotable de collection, il s’en va musarder vers le manga, le dessin animé, les arts plastiques. Tout ça pour le bonheur d’un  public familial trop souvent délaissé, au profit des blockbusters next gen qui affichent fièrement leur 18+ comme des gages de qualité adulte.
On a souvent comparé à tort Miyamoto, créateur de Mario, à Spielberg. S’ils partagent tous deux la même attirance pour l’enfance et la puissance de l’imaginaire, il me semble qu’à l'étape historique où sont parvenus les jeux vidéo, il serait plus juste de comparer Miyamoto à Charlie Chaplin. Outre la ressemblance entre leurs deux héros moustachus, tous les deux sont d’immenses défricheurs de leur art.
Quand est arrivé le cinéma parlant, Chaplin, maître du cinéma muet, a été l’un des ses plus farouches opposants. Il sera d’ailleurs, l’un des derniers à réaliser des films muets.
De son côté, fidèle à ses principes fondateurs, notamment à ses sous-titres d’un autre âge, Miyamoto s’attarde encore, grâce à mille trouvailles, à repousser les limites d’un art dont il a été le principal créateur.  Wikipedia nous donne cette explication à propos de Chaplin : « La révolution du cinéma parlant laisse Charlie Chaplin perplexe, non pas parce qu'il est devenu une icône du cinéma muet, cette considération ne vaut pas encore, mais parce que les fondements de son jeu humoristique du personnage de vagabond Charlot proviennent de gags visuels suivis de situations poétiques ».
Remplacez mots pour mots cinéma parlant par consoles HDCharlie Chaplin par Miyamoto, cinéma muet par jeux vidéo, Charlot par Mario, gags par gameplay. Vous verrez que la citation peut s’adapter parfaitement à la situation actuelle du créateur japonais.
Une question désormais se pose : combien d’années encore Miyamoto parviendra-t-il à conjuguer son art classique avec la maestria qu’on lui connaît ? Finira-t-il à son tour par suivre la voie du réalisme visuel dans laquelle la plupart de ses confrères se sont désormais engouffrés et vers laquelle le jeu vidéo marche inéluctablement depuis sa naissance ?

PS : une interview de Miyamoto concernant Super Mario Galaxy illustre la problématique abordée dans ce billet.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Eric Viennot 545 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte