Boukhara 1

Publié le 24 juin 2010 par Argoul

La traversée du désert Kizyl Koum (sables rouges) me permet de poursuivre mon rêve. Je suis installée sur le dos d’un vaisseau du désert qui me mène à Boukhara, la caravane est chargée de tissus, d’ambre… Le caravansérail est en vue, un repos bien mérité pour la caravane et moi-même. Aïe, la route est pavée d’ornières, ouïe mon dos !

Une nuit de repos m’a rendu des forces. Boukhara au milieu des sables a conservé un grand charme. On pense qu’elle a abrité un monastère bouddhique car son nom sanscrit « vihara » signifie monastère, à moins que cela ne vienne du mot persan « boukhar » source de connaissance, ou encore du sogdien « buxarak » lieu heureux. Au VIIIe siècle elle était composée de deux cités : l’Ark ou citadelle, située sur une butte s’appelait Bumjikal ; de l’autre côté d’un canal, sur le site de la mosquée Kalian se dressait le chakhrestan (ville haute), elle aussi entourée d’une enceinte.

Une promenade à pied est un excellent moyen pour prendre contact avec la ville. Avicenne dit Abou Ali ibn-Sina (980-1037) philosophe, astrologue, poète, médecin ; Roudaki Farid ad Din né vers 954, premier grand poète persan de l’époque des Samanides, Al-Berouni (973-1048) mathématicien, astronome, historien, auteur de plus d’une centaine d’ouvrages diffusaient leurs savoirs dans les medersas. On peut imaginer cette cité prospère, peuplée de 300 000 habitants avec de nombreuses et belles constructions, ayant bénéficié d’importants travaux d’urbanisation et d’irrigation, foyer de culture arabe et perse. Mais, comme les autres villes de la route de la soie Buxoro eut à subir maints outrages et destructions. Boukhara est appelée aussi Buxoro, ou le Pilier de L’islam. Au XIe siècle les Karakhanides, au XIIIe siècle Gengis Khan, en 1370 les troupes de Tamerlan déferlent sur la ville. Sous les Chelbanides au XVIe siècle naît un nouvel âge d’or. En 1500 apparaît le khanat de Boukhara qui durera jusqu’à l’invasion russe à la fin du XIXe siècle.

L’Ark est la citadelle de l’Emir. Sur la colline artificielle de vingt mètres de hauteur, constituée d’empilements des ruines des palais et citadelles détruits et reconstruits au même emplacement, au gré des conquêtes et des pillages de la cité, le palais s’élève. De puissantes murailles crénelées entourent le palais. L’Ark est une ville dans la ville, un lieu de refuge pour le pouvoir, un lieu de contrôle du commerce environnant.

Po-i-Kalan (mosquée et minaret Kalian) est une magnifique place vue dans de nombreux films. Le minaret haut de 49 m, (Kalian signifie grand en tadjik) est de forme légèrement conique, décoré d’anneaux de briques cuites dont les motifs géométriques sont tous différents. Il repose sur 10 m de fondations. Il se termine par une série de fenêtres dans des arcs en carène, surmontés par une corniche de mukarnas. Cette magnifique construction fut épargnée par Gengis Khan en personne qui, tandis que ses troupes ravageaient la ville, donna l’ordre de ne pas la toucher. Surnommé le « minaret de la mort », il fut construit en 1127, et ne servait alors qu’à appeler les fidèles à la prière. Mais, au XVIIIe siècle, depuis son sommet élevé on jetait les condamnés. Point d’observation le jour, la nuit le voyait devenir phare car on allumait une bassine remplie d’huile au centre de la rotonde aidant ainsi les caravanes à cheminer jusqu’aux portes de la ville. L’ensemble comprend également la Mosquée Kalan et la medersa Mir-i-Arab.

L’ensemble Liab-i-Khaouz (le bord du bassin) est un vaste réservoir de 45 m de long sur 36 m de large, entouré de mûriers centenaires. Des vieux à tioubetek (calotte brodée portée par les hommes Ouzbeks) jouent aux dominos en sirotant du thé vert dans les tchaikhana (maison de thé). Ils sont installés sur un takhta ou karava (sorte de lit de bois surélevé) sur des kourpatcha (tapis de couleurs vives molletonnés) ! Trois édifices entourent le bassin : la medersa Koukeldash, la plus importante medersa-mosquée de Boukhara, et le khanaka  Nadir-Divan-Begi. Sur le portail de la medersa Nadir-Divan-Beg, deux immenses oiseaux fantastiques au plumage bleu et vert tiennent une biche dans leurs serres et semblent s’envoler vers un dieu-soleil à visage humain. Cette décoration rappelle celle du portail de Chir Dor à Samarkand. Les cellules de la medersa sont transformées en boutiques de souvenirs et ateliers d’artisans. Dans l’une d’elle, des marionnettes en costume national sont fabriquées, marionnettes très expressives.

La medersa d’Ulug Beg, datant de 1417, fut construite par Ulug Beg, le prince-astronome de Samarcande. Sur la porte d’entrée, il a fait graver : « Aspirer à la connaissance est le devoir de chaque musulman et de chaque musulmane ». A méditer, surtout de nos jours où l’ignorance littérale règne. Surtout obéir aux spécialistes du Livre, ne pas lire par soi-même, ne pas oser penser.

Sabine