Laconiquement parlant

Publié le 23 juin 2010 par Tudry

Sokourov, réalisateur russe, a créé une oeuvre qu'il a intitulée Mère et fils. Pour la sortie en DVD de cette oeuvre, on ne sait trop pourquoi, elle a été affublée d'une parlote filmée de Mme Anne-Marie Garat... Non que celle-là soir désagréable, ou bien même qu'elle raconte vraiment n'importe quoi, non pas mais, outre, que ceci n'apporte rien à l'oeuvre elle-même, il me semble bien que Mme Garat se trompe...

En effet, elle attribue au réalisateur et à son oeuvre une trop unilatérale référence littéraire. Je sais bien, oh, trop bien même, qu'il est un lieu commun très répandu et apparemment « justifié », faisant un lourd parallèle entre littérature et cinéma, ce dernier se trouvant, très souvent, relégué au second plan, comme « faire valoir » de la première. Or, en dehors du fait que le cinématographe devrait vraiment, décidément, s'émanciper de cette pesante tutelle littéraire, il serait grand temps d'oser, enfin, affirmer qu'il a bien plus de rapport avec la peinture. Et, concernant le cinéma russe bien plus encore avec l'icône. Fort heureusement quelques brillants spécialistes sont actuellement en train de creuser cette question. Toutefois, dans le même temps, nous pouvons le déplorer car lorsqu'un sujet comme celui-ci se trouve encadré par toute une ribambelle de thèses et autres écrits doctoraux, la poésie intuitive et « voyante » est bien proche de l'agonie.

Restons en, précisément, à ce qui ressort de la poésie intuitive et voyante, car c'est avec cela aussi que doit s'unir et se réunir le cinématographe. C'est là le lien, d'ailleurs, de cette oeuvre de Sokourov. Rappelons-nous, tout d'abord, que dans le langage technique de l'iconographie on dit qu'une icône s'écrit non qu'elle se peint. A moi il me semble bien, en effet, que les images de Sokourov ont été écrites, elles le semblent bien plus en tout cas que les « dialogues ». Les mots, rares, de la mère et du fils n'ont rien de l'écrit, ils apparaissent comme des souffles, ils se posent d'une manière impressionniste sur les images essentielles. Les dialogues sont ceux d'une agonie que les images composées de la nature semblent pouvoir apaiser. Les dialogues apparaissent comme une déchirure, une souffrance, une exhalaison de la mort qui vient... les images restent ! Dans cette oeuvre, ce qui ressort de la littérature, ce langage qui est moins capable d'apaisement que le corps ou la nature, est du domaine de la mort, de la fin...

Mme Garat se trompe. Ce film n'est pas « littéraire », s'il est bel et bien écrit c'est qu'il est iconique.

Dans cette oeuvre, comme dans toute icône vraie, la nature prend tout son sens dans et par la présence humaine, dans la présence de l'homme et de la femme. Ils la complètent, ils l'amènent à sa parfaite complétude par leur simple « être-là », même sans parole, surtout sans parole, ils verbifient l'écrin végétal qui, sans cela, ne serait qu'un tombeau de matière, un tombeau comme pourrait l'être le corps épuisé et meurtri de la mère malade. Le fils portant sa mère porte l'humanité toute entière, il la porte vers la fin, comme elle le porta vers la vie...

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