Si footballistiquement la France est au plus bas, l'Express nous remet du baume au cœur, en revenant aujourd’hui sur la conception 100% française, du premier coeur totalement artificiel. C'est le chirurgien Alain Carpentier, avec le soutien de Jean-Luc Lagardère, fondateur de Matra, qui est à l'origine de cette innovation. L'industriel a permis au projet de bénéficier des technologies les plus avancées de l'ingénierie aéronautique, en modélisation numérique, mécanique des fluides ou systèmes embarqués. Cette prothèse pourrait permettre de traiter 100 000 patients dans le monde, quand seulement 4000 ont aujourd'hui la chance de bénéficier d'une transplantation.
La filiale d’EADS et de Truffle Capital veut lever 15 millions en Bourse et proposer le premier cœur artificiel en 2013.
Fin 2011, Carmat réalisera ses premières implantations de cœur artificiel chez l’homme. Si les essais sont positifs et qu’ils permettent de survivre 180 jours, ces cœurs capables de remplacer les greffons pourraient être commercialisés dès 2013. Il s’agirait d’une véritable prouesse technologique. Aujourd’hui, c’est en tout cas un pari. Celui du professeur Alain Carpentier et de Jean-Luc Lagardère.
Décédé en 2003, le patron de Matra (aujourd’hui EADS) avait adhéré dix ans plus tôt au projet du chirurgien de renommée mondiale: créer un cœur artificiel imitant le cœur naturel. Et le mettre au point en France, non aux États-Unis comme le professeur Carpentier avait dû s’y résoudre pour son invention précédente (des valves cardiaques très innovantes) faute d’avoir trouvé un investisseur en France. Jean-Luc Lagardère a mis à sa disposition les scientifiques d’EADS. «Un cœur enfermé dans un thorax, c’est comme du matériel embarqué dans une fusée. Il faut réduire le poids, le volume, la dépense énergétique. On retrouve là les problématiques de l’aéronautique», selon Patrick Coulombier, directeur général adjoint de Carmat.
Jean-Luc Lagardère a également apporté une partie des 32 millions d’euros déjà dépensés par la société de haute technologie médicale -qui n’a aucun revenu- depuis sa création en 1993. EADS détient aujourd’hui 34,9% du capital de Carmat (Carpentier-Matra) au côté du fonds Truffle Capital (41,3%) et de la fondation d’Alain Carpentier. Le géant de l’aéronautique apportera jusqu’à 5 millions lors de la levée de fonds de plus de 15 millions d’euros prévue à l’occasion de l’entrée en Bourse le 13 juillet. Carmat a reçu aussi 33 millions d’euros d’Oseo.
Cinq ans de vie en plus
L’implantation de la petite coque ovoïde de moins d’un kilo à la place du cœur des patients coûtera environ 260 000 euros, soit le prix d’une greffe de cœur humain. Le coût de la prothèse elle-même sera de 140.000 à 160.000 euros. Le marché potentiel est vaste: 100.000 patients par an, affirment les dirigeants de Carmat. Ce cœur artificiel, qui sera doté d’une batterie autonome de six heures et d’un boîtier de télédiagnostic, pourrait offrir un bon confort de vie et une durée de service de plusieurs années. «Dans ce cas, il visera un marché de 3 milliards de dollars, explique Philippe Pouletty, directeur général de Truffle Capital. En revanche, s’il est seulement réservé aux malades en attente de transplantation, alors son marché potentiel est de l’ordre de 500 millions de dollars par an.»
Les concurrents de Carmat, essentiellement américains, sont beaucoup moins avancés. La pompe commercialisée par l’américain Cardiowest, installée dans l’attente d’une greffe, est la seule alternative comparable, explique-t-on chez Carmat. Des chirurgiens cardiaques soulignent toutefois les bons résultats des systèmes d’assistance ventriculaire, qui peuvent tenir des années alors qu’ils sont prévus pour un usage temporaire.
Le cœur de Carmat a d’autres avantages. Il est en particulier hémocompatible, ce qui permet d’éviter le recours aux anticoagulants nécessaires dans les autres cœurs artificiels à l’étude, assure Alain Carpentier. Le professeur espère que son futur cœur permettra à des patients de vivre au moins cinq ans de plus. Il réalisera ainsi son rêve : disposer de cœurs prêts à secourir des patients sans qu’il soit nécessaire d’attendre le décès d’une autre personne.
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