Pour autant, le constat factuel reste sombre : le taux d’emploi des femmes est plus faible, les femmes sont encore largement sous-représentées dans les sphères décisionnelles, et sont structurellement moins payées que les hommes. A tel point qu’en 2006 l’Insee s’interrogeait sur la possibilité même que l’écart de salaires entre les femmes et les hommes puisse encore baisser.
En septembre dernier, l’Eurobaromètre se penchait sur le sujet, l’occasion pour nous de confronter cette réalité à l’opinion qu’en ont les Français et leurs voisins. Premier constat : une large majorité d’Européens (62%) considèrent que les inégalités entre les hommes et les femmes sont répandues. On notera sans chauvinisme excessif que les Français s’en émeuvent davantage : 77% d’entre eux tiennent en effet ce constat. Mais quid des domaines dans lesquels elles s’expriment et sur lesquels il faut intervenir ?
Des Européens demandeurs d’action contre les violences faites aux femmes
Les Européens considèrent qu’il faut avant tout agir sur les actes de violence envers les femmes (62%). Il s’agit de la priorité numéro un dans la plupart des pays, culminant à 75% en France. C’est donc logiquement que 64% des Européens et 78% des Français jugent qu’il est très urgent que l’on prenne des mesures contre les violences subies par les femmes.
La légitimité du travail des femmes n’est pas remise en question
Plus de 8 Européens sur 10 considèrent qu’il est indispensable pour une femme d’avoir son propre salaire (81%, dont 41% tout à fait d’accord et 40% plutôt d’accord). La question n’est donc plus celle de la légitimité du travail des femmes, mais celle de leurs conditions de leur travail.
Pour preuve, la situation des femmes dans le monde du travail est le deuxième domaine d’action prioritaire cité : la moitié des Européens (50%) dénonce les inégalités salariales, estimant par ailleurs que c’est dans le monde du travail que l’on retrouve le plus souvent des préjugés sexistes (54%). En Suède et au Portugal, cette préoccupation supplante même celle de la violence faite aux femmes. Les Français se démarquent là encore : 61% font des inégalités de salaires un domaine d’action prioritaire (+11 points par rapport à la moyenne européenne) et 69% estiment que c’est dans le monde du travail que l’on retrouve le plus souvent des préjugés sexistes (+15 points).
Au global, ce sont plus de 8 Européens sur 10 qui considèrent que l’Union Européenne devrait traiter la question de l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes de manière urgente (82%, dont 38% de manière très urgente).
Interrogée sur la marche à suivre pour augmenter le taux d’activité des femmes, une majorité relative d’Européens (et une majorité absolue de Français) affirme à nouveau qu’il est nécessaire d’égaliser des salaires (44% en moyenne, pour 60% en France) mais propose aussi d’autres pistes : augmenter le nombre de gardes d’enfants et de personnes dépendantes (41%, pour 45% en France), introduire des horaires de travail plus flexibles (40%, pour 34% en France) notamment.
Des inégalités reconnues… mais jusqu’à quel point ?
D’une part, si la reconnaissance de l’existence des inégalités est répandue, elle est peu intensive (en d’autres termes, il s’agit d’une opinion dite molle, car elle ne se concentre pas sur les modalités de réponses les plus polarisées : en moyenne, 47% les trouvent plutôt répandues, pour 15% qui les trouvent très répandues).
D’autre part, elle varie fortement selon les pays étudiés : si la France, l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, l’Autriche et la Suède tiennent le haut du tableau, une majorité de Slovènes, Estoniens, Polonais, Irlandais, Bulgares et Lettons considèrent que les inégalités de sexe sont rares dans leur pays (voire très rares, pour un cinquième des Bulgares et Lettons).
Par ailleurs, confrontés au fait que les femmes occupent moins souvent des postes à hautes responsabilités et invités à expliquer ce phénomène, les Européens nous montrent que certains modes de représentation ont la vie dure : un tiers considèrent par exemple que les femmes sont moins prêtes que les hommes à se battre pour leur carrière (33%) ou qu’elles sont moins intéressées par les postes à haute responsabilité (30%). Last but not least, un quart (26%) considère que les femmes n’ont pas toujours les qualités et les compétences requises pour occuper des postes à haute responsabilité…
Enfin, le sexe des répondants constitue une variable fondamentale du jugement sur le sujet : les femmes se montrent systématiquement beaucoup plus sensibles aux inégalités que les hommes, preuve de l’appréciation différenciée de ces derniers de l’ampleur des difficultés et des contraintes auxquelles elles font face.