Quelques semaines après l’entrée en fonction du nouveau Commissaire européen au commerce, Karel Van de Gucht, la Commission européenne lance une consultation, ouverte aux entreprises et à toutes les parties intéressées, sur l’avenir de la politique commerciale européenne. Il y a, en effet, urgence à redéfinir la politique de la première puissance commerciale au monde – on l’oublie souvent – qu’est l’Europe. Il y va, en effet, de la posture de l’UE qui réalise une part croissante de des échanges avec les pays tiers. Il y va aussi de la croissance de l’économie européenne qui, en raison de l’atonie de celle-ci en Europe même, va devoir trouver d’autres relais de croissance via la libéralisation des échanges ; faute d’accord au plan multilatéral dans le cadre de l’OMC, les avancées vont devoir être recherchées dans des accords avec d’autres régions ou partenaires stratégiques. Enfin, il y va de la compétitivité des entreprises européennes qui souffrent, en effet, de plus en plus de concurrence déloyale de la part des pays émergents et qui ont donc tout intérêt à ce que la Commission européenne impose un certain nombre de règles claires à ses partenaires commerciaux et leur facilite l’accès aux marchés émergents par l’abaissement des barrières aux échanges.
Le contexte de cette redéfinition s’y prête, de surcroît, complètement. La Commission vient de publier un rapport dans lequel elle souligne – au contraire d’un rapport tripartite de l’OCDE, l’OMC et la CNUCED paru ces derniers jours qui estime que les pays du G20 ont largement résisté à la pression protectionniste – l’accroissement des barrières aux échanges internationaux chez la plupart de ses partenaires commerciaux durant ces derniers mois alors même que ces derniers sont supposés être en situation de sortie de crise. Dès lors, les capacités de l’Union européenne à relancer par les exportations se trouvent, de nouveau, compromises.
La consultation interroge justement les parties intéressées sur la manière dont la politique commerciale peut aider à la création d’emplois en Europe et à la croissance verte, en quoi elle peut être cohérente avec les objectifs définis dans la nouvelle stratégie EU2020, comment l’UE peut, au mieux, défendre ses intérêts dans le cadre de l’OMC ou encore quelles devraient être les priorités géographiques de l’Europe dans ses négociations bilatérales avec des pays tiers, etc. Elle questionne aussi les entreprises et la société civile sur les voies et moyens de surmonter la concurrence déloyale des pays partenaires ou encore les différences normatives ou réglementaires… Toutes les vraies questions sont ainsi posées sauf une peut-être : l’Union européenne est-elle encore en mesure d’imposer une vision du monde, d’imposer ses règles du jeu dans les échanges internationaux et à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) alors qu’elle n’arrive pas à s’imposer comme modèle quand bien même elle reste pour l’heure un leader commercial. Comme le soulignait Dominique Moïsi dans un éditorial, “on ne peut avoir l’ambition d’être un modèle si l’on n’est plus perçu comme un acteur” ! (Les Échos, 8 févr. 2010).
C’est dire toute l’importance, pour l’UE, de mieux assumer un rôle de pouvoir, de s’inscrire dans une posture de puissance à long terme. La Chambre de commerce et d’industrie de Paris ne dit pas autre chose quand elle écrit, dans un rapport intitulé “Quelle politique commerciale pour l’UE après la crise ?” que l’UE doit se comporter avec les acteurs stratégiques du commerce international comme un “partenaire solide, responsable et utile tout en développant sa propre stratégie”, ou encore que l’UE doit “recentrer” sa politique commerciale bilatérale en redéfinissant les zones prioritaires et en visant plus particulièrement les économies qui sont de véritables relais de croissance et qui représentent un potentiel commercial significatif.
Reste que l’on peut se montrer dubitatif sur la volonté de l’UE de modifier véritablement les principes et les axes qui gouvernent sa politique commerciale extérieure ou encore sur les chances de mettre en œuvre de nouvelles orientations ; d’une part, si la Commission européenne a à cœur de finaliser des accords de libre-échange avec les pays émergents d’Asie, elle s’emploie aussi coûte que coûte à finaliser un accord d’association avec l’Amérique centrale dont on peut se demander quel intérêt commercial réel il représente pour les entreprises européennes ; d’autre part, sous prétexte qu’il n’existe pas de politique industrielle ou de politique extérieure commune, certains États membres de l’UE n’hésitent pas à entretenir des dialogues bilatéraux directs avec des partenaires extérieurs majeurs comme la Chine quand un dialogue ferme et unifié permettrait de plus amples dividendes…Dont acte.