À partir du moment où l’on prétend garantir un certain niveau de pension, quelles que soient les évolutions démographiques – ce qui veut dire que le niveau de ces pensions de retraites n’est plus fonction du montant des cotisations – on cesse d’être dans un régime par répartition, pour entrer dans un régime hybride d’assurance vieillesse, financé par différentes sortes de prélèvements, y compris des cotisations sociales venant en déduction ders salaires bruts.
C’est la réalité du financement actuel des retraites en France, au moins pour les régimes obligatoires.
Dans ces conditions, s’agissant des propositions de réformes, on peut les classer en différentes catégories.
1) Les propositions de « niveau 0 », qui consistent à ne rien réformer concernant les conditions d’ouverture des droits à pension, voire à les améliorer, et à chercher le financement de ce généreux système dans de nouveaux prélèvements à la charge exclusive des ménages les plus riches, soit en surtaxant leurs revenus, soit en alourdissant la fiscalité de leurs patrimoines. C’est en gros la position commune du parti socialiste et de la CGT.
2) Les propositions de « niveau 1 » consistent à réduire un peu les déficits, à l’horizon des années 2018/2020, en déplaçant soit le curseur de l’age légal de départ à la retraite, soit celui de la durée des cotisations. C’est la position du gouvernement d’un côté, cela CFDT et des socialistes réformistes de l’autre.
3) Les propositions de « niveau 2 » restent dans la logique de la répartition, et même, prennent au mot cette logique. Elles demandent qu’on établisse une égalité de conditions entre le secteur public (y compris les régimes « spéciaux ») et privé. Ce qui passe par la création d’une caisse autonome pour les fonctionnaires et personnels à statut. Comme les personnels du public touchent en moyenne des pensions 2 fois plus élevées que ceux du privé, et qu’en plus ils partent 3 ans plus tôt, on conçoit qu’une telle entreprise d’égalisation, même étalée sur 10 ans, serait de nature d’une part à rétablir l’équilibre des comptes de la répartition, mais aussi de faire accepter ultérieurement les nécessaires ajustements d’un système redevenu « juste », c’est-à-dire égalitaire, et donc conforme à un certain esprit français… Les propositions de calculs par points, ou notionnels (comme en Suède) vont dans ce sens.
4) Même équilibré, tout système par répartition présente des tares irréductibles. Essentiellement 2 : il est destructeur d’épargne ; il pousse à l’irresponsabilité individuelle. Il faut donc profiter de la crise actuelle pour passer à un système obligatoire par capitalisation. Les professeurs Garello et Lasne ont montré qu’il était parfaitement possible de passer de l’un à l’autre sur une période de transition d’une trentaine d’année.
5) Mais, dans un pays développé, où 95% des ménages épargnent ou seraient en mesure de le faire, a-t-on encore besoin d’un système obligatoire de financement des retraites ? Les libéraux ne peuvent que répondre non. Car l’organisation de sa retraite, de cette période de fin de vie, est, doit être, un projet personnel plutôt que relever de normes collectives. Or il suffit d’épargner 10% de tous ses revenus pour se constituer, au bout de 35 ans, une épargne transmissible d’un montant permettant de générer un revenu de remplacement égal à son revenu d’activité. À comparer aux 25% de cotisations que payent actuellement, en moyenne, les salariés (part patronnale comprise), pour maintenir en survie précaire un système moribond et mortifère… Ce qui n’empécherait evidemment pas de maintenir un filet de sécurité, sous forme de minimum-vieillesse, conformément à l’esprit d’un Etat-providence minimum.