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Vos questions à Max Gallo

Par Grandlivredumois
Vous avez eu l'occasion de poser vos questions à Max Gallo au sujet de ses ouvrages sur Louis XIV. Voici ses réponses :

1. Un grand merci pour votre ouvrage : si l'histoire m'avait été racontée à votre façon, aujourd'hui je serais incollable. Comment procédez-vous pour écrire une biographie romancée tout en restant fidèle à la réalité historique ?

Il faut d’abord lire tous les grands contemporains de cette époque : Saint-Simon, Vauban, Madame de Sévigné, s’il s’agit de Louis XIV. Et surtout les lettres « privées » (celles de la princesse Palatine) et les textes du « héros » choisi. On s’enfonce ainsi dans le passé, dans les « psychologies ». Puis on établit une chronologie stricte des événements, on lit les historiens et quand on est entré en communion complète – en obsession –, on commence à écrire. Ma règle : respecter les faits. Mettre en scène le réel pour mieux le dévoiler.

2. Vos deux volumes m'ont rendu nostalgique d'une époque où la France était la première puissance mondiale et où Versailles était la référence absolue. Êtes-vous également nostalgique de cette époque ?

Je ne suis pas nostalgique mais fasciné et admiratif. Visiter Versailles, c’est mesurer l’ambition, la créativité, le génie d’une nation et d’un roi sûrs d’eux-mêmes. Mais il y a tout un « envers » du décor, et j’ai aussi essayé de le montrer.

3. J'ai lu votre Louis XIV après De Gaulle. Vous qui avez étudié leurs vies en détail, pouvez-vous dire lequel a eu pour vous le rôle le plus important dans l’Histoire de France ?

Louis XIV a, par son long règne, donné à son royaume une armature, des manières de gouverner. On parle encore de colbertisme. Les premiers « régimes spéciaux » de retraite – pour les marins et les danseurs de l’Opéra – datent du règne de Louis XIV. De Gaulle a arraché la France à l’abîme. Et lui a rendu sa place.

4. J’ai lu que la mort de Louis XIV avait été saluée par des cris de joie dans toute la France. Qu'en pensez-vous? Cela signifie-t-il que le bilan de ce roi (d’abord le soleil puis l’hiver) reste celui d’un monarque absolu, peu soucieux de son peuple ?

Je cite dans mon livre des vers, des pamphlets hostiles à Louis XIV et très virulents au moment de sa mort. Louis XIV était un souverain de « droit divin ». Les sujets devaient lui être soumis. Il était d’une essence supérieure, pensait-il. Et il pensait en même temps que sa gloire était un don qu’il faisait à ses sujets. Il avait également le souci de la grandeur du royaume. Évitons la maladie contemporaine, l’« anachronisme ».

5. Merci, monsieur Gallo, pour ces livres pleins de vie. Comment vous y prenez-vous pour écrire les dialogues de vos personnages historiques ? Est-ce que vous vous inspirez de documents de l’époque ?

Tout à fait. Des lettres, des mémoires, des témoignages. Il faut de cette manière retrouver le « ton » d’une époque.

6. Est-ce que tout le règne de Louis XIV s'explique par la Fronde, par l'intrusion de la populace déchaînée dans sa chambre lorsqu'il était enfant ?

Les premières années de Louis XIV sont décisives pour sa conception du pouvoir, son rapport aux Grands.

7. Au fond, quel est l'héritage du Roi-Soleil? Pour vous, ce sont plutôt les trésors architecturaux, comme Versailles ? Corneille, Racine et La Fontaine (qui est mon préféré) ? Ou un testament politique sur la souveraineté nationale ?

On ne peut « sectionner » en tranches l’héritage de Louis XIV. Il y aussi bien la révocation de l’édit de Nantes, les répressions sévères contre les paysans, que Versailles, Molière, et une conception du pouvoir de la part d’un souverain qui s’applique à exercer son métier de roi avec obstination et conscience de ses devoirs.

8. Cher Max Gallo, vos deux livres sur Louis XIV sont superbes. Et je voudrais vous interroger sur un petit détail, c'est-à-dire sur le succès incroyable des pièces de Molière. Le grand roi hautain et orgueilleux comme un pharaon avait-il le sens de l'humour ?

Un humour particulier, me semble-t-il : glacé. Et sa place – roi de droit divin – le situait si haut, à part, qu’il « glaçait ». Mais la lecture de son Mémoires pour l’instruction d’un dauphin montre sa grande intelligence et sa lucidité. Posture et apparence de Pharaon, si vous voulez, mais finesse et habileté politiques, homme amoureux des lettres, des arts, de la beauté. Sensible à l’art de Molière, parce que jamais on n’y attaquait le souverain.

9. Quand on pense à Versailles, on pense toujours au luxe inimaginable, à l'étiquette, aux belles marquises et aux duchesses, aux grandes eaux, etc. Mais vous nous rappelez qu’il y avait aussi des deuils sans arrêt, des maladies, des souffrances terribles. Si vous pouviez remonter dans le temps, auriez-vous aimé vivre sous Louis XIV ?

J’ai du mal à répondre à cette question. Je vis dans mon époque. Elle est ce qu’elle est mais c’est la mienne. La nôtre. J’écris cependant des « romans-histoire » parce que nous sommes tous de toutes les époques ; puisque nous sommes tous des héritiers. Et je veux visiter les époques antérieures.


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