Un MDCA : Moment de Cinéma Absolu.
Je me souviens quand j’ai découvert Jim Jarmush. Ma joie, mon bonheur, mon émotion. J’étais dans une petite salle miteuse d’Art et Essai de Toulouse, il y a quoi, genre presque vingt ans maintenant, et ils repassaient Down By Law. Il y avait ce long travelling sur les rue de cette ville du sud des États-Unis, avec la musique de Tom Waits, Jockey Full Of Bourbon, et instantanément, comme si on avait appuyé sur un interrupteur interne, mes poils se sont hérissés. La beauté du noir et blanc, cette musique qui vous prend par le coeur et qui vous colle une nostalgie de ce que vous n’avez pas connu. Poisseuse. (Faut dire, que de découvertes en même temps ! Jim Jarmush, Tom Waits, la beauté et la bizarrerie de John Lurie…!)
Ensuite, mon émotion jarmushienne n’a jamais été égalée, sauf peut-être avec ces séquences de Stranger Than Paradise où Eszter Balint arpente (à pied ! On voit bien qu’elle est étrangère pour marcher dans ces rues de New-York !) l’Amérique à la recherche de son cousin, avec ses sacs en papiers et son hymne en bandoulière I Put A Spell On You de Screamin’ Jay Hawkins. La similitude des deux scènes (et des deux films) que j’évoque est évidente. La caméra suit l’errance obstinée et un peu dérisoire d’êtres en marge de la société, accrochés à leurs rêves.
Ici, c’est Eva qui incarne cet espoir immense et têtu, dans son manteau-armure. Et qui encaisse, courageusement l’inhospitalité du Nouveau Monde et de ses rues désertiques.
Caméra d’Or au Festival de Cannes en 1984.