Surtout ne pas faire long. Ce texte est la chronique d'une lecture d'à peine quarante pages, celle de La vie de personne, de Giovanni Papini publiée en France par l'indispensable éditeur Allia, à la réputation impeccable.
La vie de personne est une autobiographie sans sujet, un exercice brillant de nihilisme cultivé : les mémoires d'un bébé qui à peine né refuse d'être et décrète qu'il n'existera pas. Voilà, « je » brandi en grands moulinets, la démonstration qu'il n'est pas besoin d'une contemporaine théorie de la disparition du sujet pour néantiser toute volonté d'être au monde. Le héros/narrateur de Papini, en s'énonçant se néantise. C'est le geste nihiliste par excellence où le sujet lui-même décide de se supprimer. Il n'est donc pas question ici de suicide, mais de refus. Personne n'est pas Bartleby, il n'est pas question d'inertie ou de « je préfèrerais ne pas », il est question de la proclamation d'un refus obstiné, et politique.
Papini se serait-il tenu à l'écart du monde à l'image de son héros que son livre serait considéré comme un grand et beau geste alliant théorie nihiliste et mise en oeuvre. Malheureusement pour sa postérité, littéraire du moins, il a fait des choix qui pour mauvais qu'ils aient été n'en furent pas moins logiques, glissant du refus à la défiance, de la défiance à la croyance en un être providentiel - Duce, Christ, n'importe quoi ; de la croyance à la dévotion. Le pessimisme et le nihilisme ont, entre autres points communs, celui d'être mauvais conseillers. Mais pas la littérature.