Hier, j’ai posté ma déclaration en ligne. Tous les ans, cela me fait un choc mais hier, le choc a été violent.
Un gentil bouton m’a indiqué qu’il pouvait calculer « l’estimation de mon impôt ».
J’ai cliqué sur le bouton.
La somme sortie par la machine à calculer de Bercy m’a fait frémir. Plus d’un mois et demi de salaire brut, soit presque deux mois de salaire net, qui partent en fumée, absorbés par la grande machine étatique.
Au bout de quinze secondes, je rationalise. Evidemment, nous travaillons plus de la moitié de l’année pour l’Etat. Evidemment, nous sommes un des pays les plus taxés au monde. Evidemment, l’Etat nous spolie…
Mais tout de même, à quoi sert notre argent ? Avant même de me pencher sur la jolie lettre signée Eric Woerth, je rejoue le film de ma journée, rythmée par l’intervention volontaire ou non des pouvoirs publics financés par ma pomme.
Quand je suis sortie du bureau, j’ai pris une rame de métro dans laquelle j’ai failli ne pas pouvoir rentrer tellement elle était remplie de petits contribuables. Evidemment, la fréquence de cette ligne était d’une rame toutes les quinze minutes. Un incident technique, probablement.
Quand je suis rentrée chez moi, j’ai allumé la radio et j’ai entendu une voix ministérielle, rémunérée par mon impôt. C’était le ministre de la Jeunesse, qui expliquait qu’elle allait réunir un certain nombre de commissions, de comités et de réunions en tous sens pour tenter de reconstruire une équipe nationale de foot. Mes deux mois de salaires passant dans la réhabilitation du foot national…
Et puis, plus tard dans la soirée, j’ai laissé une amie m’expliquer qu’il était hors de question pour elle de mettre ses enfants dans l’école publique de son quartier, qui apprenait encore à lire à l’aide de la méthode globale. Du coup, l’école privée était un peu chère, mais restait la seule solution pour ne pas avoir de petits analphabètes chez elle.
A mon échelle microscopique de petite contribuable lambda confrontée de façon réelle à l’incurie des services publics, j’ai ressorti la lettre de Woerth, restée froissée dans ma poche.
Il m’informe d’abord que le budget 2010 est voté en déséquilibre. Des dépenses publiques de 419,7 milliards d’euros, des recettes (qui comprennent mes deux mois de salaire) égales à 270,5 milliards d’euros.
Soit. Quid des dépenses ? 87 milliards pour les collectivités territoriales. Autant pour les transports bondés de tout à l’heure.
85,4 milliards d’euros pour l’enseignement et la recherche. Va pour l’école de ma copine qui n’enseigne que la méthode globale.
Continuons. Troisième poste de dépense, la charge de la dette. 43 milliards d’euros. Soit autant que les recettes de l’impôt sur le revenu.
Mes deux mois de salaires partent pour payer les intérêts de la dette publique que des irresponsables alimentent tous les jours et tous les ans depuis trente ans.
J’en suis tellement écœurée que je passe sans mot dire devant le grand emprunt budgété à 35 millions d’euros et sur le plan de relance de l’économie à 5 millions.
Merci Monsieur Woerth pour votre transparence, cela me permet de me rendre compte que mes révoltes quotidiennes de petite contribuable lambda sont finalement cohérentes avec les grandes orientations décidées par le gouvernement.
Marie Dufour