Ce billet, pour une fois, ne parlera pas du tout de politique, ni, d’ailleurs de libéralimse, de fachimse, de cyclimse ou de bisounours zombies partouzeurs. Pour changer, il parlera un peu de singularité technologique, de Raymond Kurzweil, d’IBM et de robotique…
En substance, et pour vous épargner la lecture attentive des liens déjà fournis – que je vous recommande tout de même, si le sujet vous intéresse – l’idée de Raymond Kurzweil, un informaticien américain de génie spécialisé dans l’intelligence artificielle et l’OCR, est que, compte-tenu de l’évolution des techniques de traitement de l’information, on va bientôt arriver à un moment clef de basculement pour l’humanité, moment qui verra émerger une véritable « intelligence » de la part des machines.
Au-delà de ce point, l’évolution de l’Humanité n’aura plus grand-chose à voir avec sa partie strictement biologique ou sociale qu’on observe actuellement.
On peut, au choix, voir cette singularité comme une catastrophe ou une chance : il s’agira bien pour l’humanité de la disparition d’un monde simple et connu, ancestral et encore pas trop compliqué à comprendre pour le quidam moyen, et l’apparition parallèle d’un univers riche de possibilités mettant à portée de la main des opportunités bouleversantes. Mais que cette singularité soit une chance ou une calamité, ici, peu importe puisque, dans les suppositions de Kurzweil (et d’autres qui partagent son opinion), elle arrivera de toute façon, quoiqu’on fasse.
Et c’est donc dans cette perspective que je voudrai livrer quelques éléments de réflexion qui permettent d’apprécier un peu mieux à quel point la singularité est proche.
Il faut bien comprendre qu’en réalité, la singularité sera très rapide à l’échelle des temps historiques, mais ne correspondra probablement pas à une journée ou une année précise : des centaines d’éléments avant-coureurs vont s’amonceler pour que le basculement d’une ère sans intelligence artificielle à une ère où celle-ci est présente partout se fasse presque sans qu’on s’en rende compte.
Or, c’est ce que nous vivons, pratiquement, depuis le milieu du XXème siècle.
Ainsi, au cours des 20 dernières années, la quantité d’information disponible pour un humain n’a pas arrêté d’augmenter ; le saut est d’autant plus important qu’on regarde des populations pauvres : s’il a fallu une centaine d’années pour faire un maillage décent du téléphone en Europe, il n’aura fallu qu’une dizaine d’années pour obtenir le même maillage en Chine ou en Afrique via l’utilisation de techniques adaptées au milieu (cellulaire). De la même façon, l’accès à la télévision, à la radio est devenu de plus en plus banal, même dans les endroits les plus reculés du monde.
Les esprits chagrins auront bien évidemment beau jeu de montrer les places où ces technologies sont encore rare, mais si l’on compare avec la situation d’il y a seulement 50 ans, le constat est sans appel : la production et la consommation d’information n’a pas cessé d’augmenter sur toute la planète, de plus en plus vite.
Or, l’information est l’élément essentiel pour que l’individu s’émancipe de ses conditions matérielles. Cette information peut recouvrir l’instruction, mais aussi, de façon plus générale, tous les savoirs utiles, voire indispensables, que l’humanité a acquis et acquiert encore dans sa lutte permanente pour survivre. Dans bien des cas, disposer d’une information aussi simple qu’un bon diagnostic, un traitement idoine ou comportement adapté est littéralement une matière de vie ou de mort ; en réalité, l’information passe très souvent bien avant toute autre forme de richesse.
On comprend dès lors pourquoi, de façon certes désordonnée mais constante, l’humanité a progressé tant sur la voie de la production raisonnée d’informations toujours plus pointues et précises dans tous les domaines, que sur la voie de la consommation de ces informations par le plus grand nombre. Le succès des téléphones portables – dont le coeur de calcul est plus puissant que les Pentium de 1993 – s’explique très bien dans ce contexte.
En pratique, un occidental moyen ne passe plus guère une seule journée sans avoir eu, près de lui, à au moins un moment donné, un ou deux processeur de calcul dont la puissance augmente très régulièrement. L’intelligence, très basique, des outils qui nous entourent, devient en réalité de moins en moins basique, et ce, sans que personne ni ne s’émeuve, ni même ne le remarque (et je ne citerai que quelques exemple comme Google Translate, les GPS, la reconnaissance ou dictée vocale, le guidage aérien, les outils de diagnostics et d’imageries médicaux, les procédés divers de tracking, toutes les couches d’internet, etc…)
Et partant de cette constatation, les recherches incessantes en matière de robotique donnent une bonne idée de ce qu’on est capable de réaliser à présent, choses qui étaient rigoureusement impensable il y a une petite vingtaine d’années :
Evidemment, voir un petit robot autonome trottiner péniblement sur un tas de caillou, ce n’est pas forcément ce qu’on imagine comme étant une avancée majeure. On prendra la mesure de cet achèvement en notant qu’il y a vingt ans, ceci était considéré comme de la science-fiction irréalisable avant un demi-siècle.
Mais là où les avancées sont les plus spectaculaires sont dans le traitement parallèle et statistique de l’information. Google a fait fortune sur le changement monumental de paradigme qui s’est opéré ces dix dernières années, mais il n’est pas le seul à avoir effectué des recherches dans ce domaine.
IBM présente ainsi sa dernière réalisation en matière de super-ordinateur, qui, cette fois, ne se contente pas de déplacer intelligemment quelques pièces sur un échiquier, mais est capable de répondre à des questions posées en langage humain et d’y répondre de façon suffisamment satisfaisante pour être honorablement comparé à un humain.
Nous sommes à l’orée d’une nouvelle ère.
Les changements profonds que ces technologies vont introduire dans la société seront inévitables : comme le remarque Kurzweil, ni la crise de 1873, ni la Grande Dépression de 1929, ni celle des années 70 ou 1980, ni celle que nous subissons actuellement n’ont ralenti le rythme auquel les traitements de l’information ont évolué, dans une jolie courbe exponentielle.
Pour le meilleur ou pour le pire, soyez préparés
!—-
Et je m’en voudrai de ne pas linker le blog d’Aymeric Pontier qui me lit régulièrement et qui est un aficionado du sujet.