On peut certes reprocher au film une vision folklorisée des communautés composant la Russie et la projection sur notre pays de cette vision "ethnique". Les tziganes sont des spécialistes du faux passeport et du trafic. On se croirait parfois dans un remake de "Manitas de Plata chez les soviets". Les juifs font du commerce et ont leur fait facilement gober qu'en france, il y a plus de synagogues que d'églises. D'une manière générale, les russes sont des ivrognes et des trafiquants. La fameuse âme slave dispense en partie les musiciens de répéter pour jouer une symphonie qu'ils n'ont plus pratiquée depuis trente ans. Les communistes français y sont dépeints d'une manière que même moi, qui me définit parfois comme un anti communiste primaire et fier de l'être, j'ai envie de dire que nos cocos à nous ne sont quand même pas aussi ringards et décalés que ça. A côté du Momo du film, qui organise pour sont ami russe un meeting bidon du PCUS au siège du comité central, à Colonel Fabien, avec des militants rameutés là pour faire de la figuration, notre petite mère des peuples à visage humain à nous, Marie Georges Buffet, passerait facilement pour un avatar gaulois et féminin de Barak Obama.
Mais on ne peut que pardonner ces quelques entorses au politiquement correct, car les clins d'oeil du réalisateur nous rappellent sans cesse qu'il joue sur les clichés et les références cinématographiques variées, qu'il se situe, dans sa vision des communautés, au vingtième degré. Mihaileanu connait bien son histoire du cinéma et son De Palma en particulier. C'est, par exemple, la scène où les mafiosos russes s'exterminent à la mitrailleuse pendant un mariage. On y voit, entre autre,une créature divine, sorte de James Bond girl version prestroïkienne, sortir une kalachnikov de nulle part, de sa pourtant très petite et dénudée tenue (de son porte-jarettelle ou de sa petite culotte sans doute, allez donc savoir..), avant de dégainer et de faire voler en éclat les victuailles et les bouteilles de vodka ornant les tables des convives. Il y a aussi cette scène où un bouiboui tenu par un maghrébin (Ramzi en l'occurence dans le rôle du patron), a été tranformé en resto typiquement français, pour satisfaire les exigences d'un ancien apparatchik communiste russe ayant mangé au "trou normand" avec des "camarades" français lors de son passage à Paris au bon vieux temps du communisme. En guise de coq au vin et de Java bleue, il a droit à un couscous Garbit et à une danse du ventre administrée sans conviction par une serveuse déguisée en danseuse orientale pour la circonstance.......
On ne peut raconter le film, et la fin surtout, qui constitue l'un des attraits de la narration, même si l'histoire, comme on l'a dit plus haut, est très rocambolesque et peu crédible. On retiendra surtout la parabole de cet homme brisé par la vie, qui retrouve une dignité et prend une revanche bon enfant, par son art, sur un système qui l'a anéanti.
Enfin et surtout, il y a la musique de Tchaïkovski, omniprésente, somptueuse, qui baigne le film de sa splendeur, un peu comme celle de Mozart sublime Amedeus, le film de Milos Foman. J'ai redécouvert (découvert presque en fait !) le concerto pour violon et orchestre et cela m'a fortement donné envie de l'écouter à nouveau. J'ai l'impression que si je le fais maintenant, je découvrirais des choses que je n'y avais pas vues, que j'y trouverais des résonnances insoupçonnées, moi qui ne connais pas grand chose à la musique classique.
Rien que pour ça, le film mérite d'être vu.... Et, cerise sur le gâteau, les acteurs, les russes surtout, sont excellents...
Précisons que le réalisateur est le même que celui qui a commis, préalablement, l''excellent "Va, vis et deviens, contant l'histoire de la difficile intégration d'un enfant censé être un Fallasha (un noir éthiopien de religion juive) dans la société israélienne.