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France : blanchir les Bleus

Publié le 22 juin 2010 par Atango

Mon lecteur m'excusera, mais la situation actuelle de l'Equipe de France est tellement inédite que je ne peux pas m'empêcher d'y revenir. Depuis quelques jours et les paroles prononcées par Nicolas Anelka, le pays tout entier est en ébullition, et les politiques s'en sont mêlés. A tel point qu'on commence à se demander si cette montée en mayonnaise ne cache pas des intentions peu louables.

En lisant dans l'Equipe les paroles adressées par Nico-le-Terrible à son sélectionneur, j'ai été immédiatement indigné. A vrai dire, j'ai été aussi indigné qu'en entendant, le 22 avril 2008, un autre Nicolas lancer à son vis-à-vis "Casse-toi, pov'con." Seulement, Anelka a été exclu de l'Equipe de France (décision légitime et que j'approuve), tandis que Sarkozy est demeuré Président de la France. Au pays de l'Egalité, tous les Nicolas ne se valent pas.

La France fait semblant de découvrir aujourd'hui que son équipe nationale est composée en grande majorité de jeunes de banlieue. A vrai dire, cette équipe, emblème de toute une nation, est aussi une quasi anomalie dans le paysage français. Quel autre secteur que le football permet la promotion jusqu'au sommet de 90 % de personnes issues de l'immigration et des quartiers défavorisés ?

Pour les uns, c'est une chance, pour les autres un scandale. Le discours visant à déplorer le fait qu'il y a "trop de Noirs" en Equipe de France n'a pas cessé de s'enhardir. Dans certains cercles et dans plusieurs esprits, il fallait trouver une solution pour rééquilibrer tout ça. Il est vrai qu'il en faut, de la couleur, mais pas trop non plus : quand il y en a un ou deux, ça va, mais bon, hein… Cependant, inutile d'aller tendre des micros : hormis dans les rangs du Front National, aucun représentant de la France policée (sans jeu de mot) n'avouera jamais avoir pensé à ce genre de choses.

Revenons à ce milieu très particulier qu'est le football. Dans le reste de la France, le talent, comme le pollen des fleurs, est transporté par le vent. Or, celui-ci souffle toujours vers Neuilly ou vers le 16ème. C'est pourquoi, dans n'importe quel autre secteur (banques, finances, enseignement, fonction publique, etc.), les jeunes des "quartiers" disparaissent de la course dès le CM2. Dans le même temps, comme on dit en socio, sur la planète foot, ils persistent, continuent, et finissent par truster les places en Equipe de France. Pour parachever le scandale, ils signent dans de grands clubs et deviennent millionnaires en euros. Voilà un scénario qui n'était pas prévu par la mécanique sociale.

 

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Fini de jouer, on va ressortir le bâton !

Après la victoire de 1998, on s'était contenté de faire du politiquement correct en vendant à tour de bras l'insipide et mensonger slogan "Blanc-Black-Beur." Toute la classe politique, la larme à l'œil, célébrait avec plus ou moins d'hypocrisie l'avènement d'une génération multicolore. Le football était sommé d'irradier toute la société de son exemplarité, et aussi vrai que Zidane venait de donner le trophée à la France, un Mohamed serait bientôt patron de la Société Générale. Personne ne s'est demandé si le même Zidane serait arrivé au sommet s'il avait eu le même talent non pas pour le football, mais pour les mathématiques ou pour les Sciences Physiques.

Je sais qu'on va m'accuser de ci et de ça, mais les faits sont là, et ils sont têtus. Dans l'Equipe de France, 90 % de l'effectif est composé de jeunes issus des quartiers difficiles. Dans l'effectif des patrons du CAC 40, ce pourcentage tombe à zéro. A moins d'adopter les thèses racistes qui prétendent que certains sont naturellement plus intelligents que d'autres, on ne peut y voir qu'une seule explication : le tamis social fait son tri dans un cas, alors que son influence est nulle dans l'autre. Or, ce tamis qui laisse passer certains vers le haut, se transforme en drap tendu de pompier en cas de chute. Voilà pourquoi l'autre Nico est toujours là, malgré son côté décidément banlieusard.

Le football est un sport, il exige donc de la performance. On ne peut pas tricher : soit on est talentueux et les résultats suivent, soit on ne l'est pas, et tout le monde le voit. De plus, il s'agit du sport le plus populaire et le plus regardé, ce qui ajoute une pression aux décideurs : ils sont obligés de prendre les meilleurs, tout simplement. Voilà pourquoi le coefficient de tamisage est si faible dans le secteur du sport en général (le tennis notamment) et dans le football en particulier. A contrario, n'importe quel autre secteur admet la médiocrité, car les résultats sont soit invisibles, soit manifestés à long terme. Le tamis social, dans ce cas, joue à plein.

Je parlais de faits, en voici un autre : depuis les années 70, la majorité de l'effectif de l'Equipe de France est constituée de jeunes issus des banlieues pauvres. Depuis la même période, aucun d'entre eux n'a pu accéder au poste de sélectionneur national, pour lequel le mécanisme de sélection réintroduit la possibilité de tamiser. Or, il est évident que ce paramètre est capital, puisque le manque de compétence du sélectionneur national est la principale cause des déboires de la France depuis des années.

 

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Ah, si on appliquait pour entrer en EDF les mêmes règles que pour entrer à l'ENA !

Anelka a donc été exclu, alors que l'autre Nicolas est toujours en place, et qu'il se permet même de trouver les propos de son homonyme "inadmissibles". On croit rêver. La presse, par qui le scandale est arrivé, est montée au créneau, et toute la classe politique, ministre en tête, a tenu à marteler que "rien ne sera plus jamais comme avant". Tiens, tiens.

D'accord, ces jeunes gens ont fait une erreur en refusant de s'entraîner. Mais, sans le partager, je peux comprendre leur argument : le secret du vestiaire a été violé. Mais qui les écoute ? L'heure est plutôt à une "reprise en main". On nous a suffisamment préparés à cela, avec toutes ces anecdotes sur Ribery "le caïd" et Gourcuff "le bouc émissaire." Le quartier pauvre contre le quartier riche, en somme, chacun avec ses habitudes : le quartier pauvre faisant "wech couz" en brandissant le poing, et le quartier riche disant "plaît-il ?" en se protégeant. Caricatural, mais efficace.

En somme, la fracture sociale (la vraie) s'est révélée au sein de l'Equipe de France, et la classe dirigeante va en profiter pour y introduire les mêmes méthodes que partout ailleurs, celles qui lui permettent de prendre le pouvoir et de le garder. La Secrétaire d'Etat en charge des Sports, issue de l'immigration, a été mise sur la touche, et la ministre est montée au créneau. Elle a annoncé quelques premières mesures (mais sachant pour quelle écurie elle roule, on peut lui faire confiance pour la suite). Pour être sélectionné, il faudra désormais signer un engagement (voilà qu'ils introduisent l'examen écrit dans le football), et le gouvernement, qui comme chacun le sait est très compétent et impartial sur ces sujets là, aura désormais la haute main sur toute la filière foot. En somme, il faudra désormais montrer patte blanche pour entrer chez les Bleus.

Ces jeunes gens auraient dû le savoir : chaque révolution amène dans ses bagages un Napoléon.


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