Verra-t-on tôt ou tard des cockpits prévus pour un seul pilote ?
Airbus et Boeing n’oseraient probablement pas évoquer l’idée et encore moins la considérer comme plausible mais Embraer vient de le faire : le degré d’automatisation des avions commerciaux actuels et ŕ venir permettrait de les faire voler avec un seul pilote. De lŕ ŕ imaginer que l’heure de l’équipage Ťŕ unť sonne bientôt, il n’y aurait qu’un pas ŕ franchir. Un beau débat en perspective. A moins qu’il ne s’agisse d’entrée d’un faux débat, de quoi animer les dîners en ville, sans plus.
On sait ce qui se produira si ce thčme est confié ŕ des polytechniciens. Ils auront tôt fait de souligner que les trois quarts des incidents et accidents aériens relčvent d’une maničre ou d’une autre de facteurs humains. Dčs lors, il suffirait d’éliminer les pilotes pour enfin tendre vers l’objectif Ťzéro accidentť, ręve de la communauté aéronautique tout entičre et fantasme des compagnies d’assurances.
D’un point de vue aveuglément technique, l’idée est moins idiote qu’il n’y paraît ŕ premičre vue. Il suffit d’ailleurs de jeter un coup d’oeil du côté des drones et autres UAV pour confirmer que l’avion sans pilote est déjŕ une réalité militaire. De gros UAV sont capables de se poser au bout du monde, ŕ des milliers de kilomčtres de leur oint de départ, parfaitement dans l’axe de la piste, soit grâce aux automatismes de bord, soit que des pilotes en chambre se chargent de les mener ŕ bon port. Des UA de surveillance sont d’ores et déjŕ en mesure d’accomplir des missions d’une durée de plusieurs jours sans que les ordinateurs de bord ne donnent de signes de fatigue, se plaignent des effets néfastes des fuseaux horaires ou de la qualité des plateaux-repas. Et les UAV, bien sűr, ne sont pas syndiqués.
L’hypothčse du pilote seul ŕ bord est moins extravagante. Tout avion civil est conçu pour pouvoir résister ŕ la pire des défaillances humaines, c’est-ŕ-dire l’incapacité d’un pilote. C’est d’ailleurs un événement qui se produit de temps ŕ autre sans tourner au drame. Ce qui ne constitue évidemment pas une raison acceptable de ramener l’équipage de base ŕ un seul homme, sauf ŕ écarter toute notion de risque.
Les partisans d’études prospectives en bonne et due forme avancent des arguments qui ne résistent pas ŕ la critique. Ainsi, on entend dire que les compagnies aériennes auront besoin de 450.000 pilotes supplémentaires d’ici ŕ 2030 et se demandent d’ores et déjŕ oů les trouver, comment les recruter. D’autres Ťresponsablesť se taisent prudemment mais se prennent ŕ ręver de coűts directs d’exploitation enfin compétitifs grâce ŕ la suppression d’un pilote sur deux.
A vrai dire, l’hypothčse est franchement irrecevable pour des raisons qui sont aussi psychologiques. Quel passager, profane ou averti des choses de l’aéronautique, accepterait que 600 vies installées ŕ bord d’un A380 soient confiées ŕ un pilote et ŕ un seul ? Aucun, ŕ coup sűr. Et, dans le męme esprit, l’automatisation totale ne pourrait ętre envisagée, męme ŕ long terme.
On pourrait rétorquer que la ligne 14 du métro parisien fonctionne parfaitement bien sans conducteur, tout comme le réseau de Lille et celui de Toulouse. Mais les risques de gros problčmes sont lŕ autrement limités, le pire des scénarios étant, en cas de panne totale, la gęne subie par des voyageurs claustrophobes.
Reste le fait qu’ŕ tout moment, le microcosme a besoin de propositions nouvelles, d’idées provocatrices pour se nourrir l’esprit et enrichir colloques, séminaires et autres forums. Voici qui est fait : succčs assuré !
Pierre Sparaco - AeroMorning