L’écart entre les textes relatifs aux missions des enseignants et ceux qui définissent l’organisation de leurs activités a conduit au fil des décennies à un développement désordonné, et parfois irrégulier, de mesures diverses visant à reconnaître et rémunérer les activités des enseignants dans les domaines du soutien et du suivi des élèves, de l’accompagnement personnalisé, ou de la concertation des équipes pédagogiques. Les principaux dispositifs mis en place à ce titre par le ministère de l’éducation nationale sont les décharges de service, le versement d’indemnités spécifiques, et le paiement d’heures supplémentaires.
Les décharges de service
La décharge de service est une réduction du nombre d’heures d’enseignement devant la classe pour compenser le temps passé par les professeurs dans des activités diverses, sans diminution de la rémunération. La Cour des comptes relève que certains motifs, qui justifiaient en 1950 une décharge de service, n’existent plus aujourd’hui…
- L’heure de première chaire, accordée à tous les enseignants de 1ère tenait compte du surcroît de travail impliqué par la préparation des élèves au bac, mais depuis 1964 seul un nombre limité d’épreuves sont passées en fin de 1ère. Une réforme a été tentée en 2007 pour réserver cette décharge aux seuls enseignants dont la matière faisait l’objet d’une épreuve obligatoire subie par anticipation. L’économie espérée de crédits équivalents à 1 160 emplois n’a pas été réalisée, le décret a été abrogé avant d’entrer en vigueur ;
- Une réduction de service est accordée aux enseignants d’histoire-géographie au titre de l’entretien des cabinets de matériel historique et géographique ;
- Une décharge au titre des missions auprès de l’UNSS est encore accordée aux professeurs d’EPS sans condition que l’activité d’entraînement et d’animation sportive la justifiant soit effective.
L’indemnité pour le suivi et l’orientation des élèves
Un système de prime spécifique existe depuis 1989 pour rémunérer le suivi et l’orientation des élèves (ISOE). Subordonnée à l’exercice effectif de cette mission, elle est en pratique versée à tous les enseignants du second degré quelle que soit leur implication réelle (même les personnels en congé pour longue maladie en bénéficient…), avec une modulation pour les professeurs principaux (650 millions d’euros en 2010). Il compense notamment les tâches d’évaluation et la participation aux conseils de classe, car ces tâches, bien qu’indissociable du service, ne figurent pas dans les obligations réglementaires des professeurs.
Un système de ce type est en train de se constituer pour les enseignants du premier degré qui procèdent aux évaluations nationales des élèves des classes de CE1 et de CM2, dans l’enseignement public et privé (25 millions d’euros de crédits ouverts par la loi de finances pour 2010).
Le paiement d’heures supplémentaires effectives (HSE)
Les heures supplémentaires effectives (les « HSE ») constituent un autre instrument pour rémunérer les enseignants s’impliquant dans les activités éducatives au-delà de leurs horaires hebdomadaires d’enseignement. Il s’agit de valoriser cet investissement, dans l’attente d’une réforme de l’obligation de service. Mais le volume des HSE serait mal appréhendé. L’administration centrale procède simplement à une estimation de leur nombre en appliquant un taux horaire moyen de rémunération. Ainsi, sur la base du montant des dépenses constatées en 2008-2009, soit 263 millions d’euros, le nombre d’HSE effectuées a été estimé à 6,7 millions, dont 1,6 million pour rémunérer les 85.000 enseignants qui avaient assuré un accompagnement éducatif, généralisé à la rentrée 2008 à tous les collèges.
Au total, faute d’une définition réglementaire du service adaptée à l’ensemble des missions des enseignants et aux objectifs du système éducatif, de multiples aménagements se sont développés de façon erratique au fil des décennies. Ainsi, les décharges de service constituent aujourd’hui une modalité substantielle d’ajustement des activités des enseignants par rapport aux contraintes du système. […] Il est enfin surprenant que, faute d’être intégrées dans la définition réglementaire du service, certaines activités essentielles pour le fonctionnement du système scolaire restent accomplies par les enseignants sur le fondement du volontariat : il en va ainsi de la fonction de coordination des enseignants d’une même discipline ou des enseignants d’une même classe, dont la mise en œuvre dépend de la bonne volonté des enseignants, ainsi que de la capacité d’impulsion et d’animation des chefs d’établissement, et des moyens alloués à l’établissement. Ce recours au volontariat a pour contrepartie une inégalité entre élèves, puisque ceux-ci ne peuvent pas tous bénéficier des effets positifs induits par la coordination des équipes enseignantes.
La Cour des Comptes considère que la mise en place d’une organisation du système scolaire en phase avec l’objectif de réussite de tous les élèves ne pourra faire l’économie d’une réflexion sur la mise en cohérence des textes relatifs au service des enseignants avec les missions que leur confie la loi.
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