Le titre de ce post m’est venu assez naturellement, quelques jours seulement après avoir écrit sur l’Inde en livres. Le plus japonais des auteurs anglais, qui dépeint à la perfection la campagne, les cottages et les collines verdoyantes de provinces aux noms se terminant par « shire », est un spécialiste des romans lents. L’intrigue avance toujours à pas de souris. Et pourtant, elle est animée d’une tension telle qu’on a l’impression d’être toujours sur le point de vaciller vers un chaos indescriptible. Ishiguro en 3 romans, ça donne Les Vestiges du Jour, Nocturnes, 5 nouvelles de musique au crépuscule et Auprès de Toi toujours.
Les Vestiges du Jour (10/18, 2002)
Emblématique du sytle d’Ishiguro, ce roman est l’histoire d’une passion toute en clair-obscur, en ellipses, en nuances. Pas un mot plus haut que l’autre, et pourtant, on a le souffle court et le coeur déchiré par les choix de Stevens qui étouffe sa passion par le contrôle qu’il a de lui-même. Une seule fois dans le roman, il avouera son amour. Une seule phrase à la fin du livre, et encore, presque une litote : « je dois avouer que j’ai le coeur brisé ». Voilà. Et nous aussi on a le coeur brisé pour lui.
Nocturnes, cinq nouvelles de musique au crépuscule (édition des Deux Terres, 2010)
Cinq nouvelles pour parler de musique, des rapports humains, du rêve et de ce qu’il en reste après des années de vie en couple…De la piazza San Marco aux collines d’Angleterre, ces nouvelles mettent en scène des personnages à des moments clés de leur vie, des moments où ils vont devoir choisir ou subir des choix qui remettent leurs vies en cause. Selon le style d’Ishiguro, toutes ses situations sont décrites avec élégance, avec cette même « tension tranquille » qu’on retrouve dans ses romans. Des belles nouvelles à savourer tranquillement,, qui sentent bon le chocolat chaud par un jour de pluie.
Auprès de toi toujours (2010)
J’ai mis du temps à savoir ce que je pensais de ce livre, et je n’en suis toujours pas sûre. Mais il me trotte dans la tête.Ce roman, très étrange, tourne autour de 3 personnages : Kath (la narratrice), Ruth la forte tête et Tommy. Ils ont été élèves à Hailsham, une école idyllique nichée dans la campagne anglaise, où les enfants étaient protégés du monde extérieur. Mais qui va finir par les ronger au point d’influencer toute leur vie d’adulte.
Encore une fois, Ishiguro nous propose le récit du passé reconstruit. Le côté analytique et « intellectualisant » m’a franchement agacé parfois. Kath reconstruit certaines scènes de leur enfance avec un niveau de détail que je défie quiconque d’égaler. Et à chaque scène « clé », on a l’impression que le monde est au bord du chaos alors qu’elle raconte juste que Ruth lui a passé un yaourt et qu’elle a découvert qu’elle aimait la vanille.
Je caricature mais c’est pas loin parfois. Et pourtant, il y a des allusions à des « accompagnants » et à des « dons » qui entretiennent le mystère autour de cette école et de ces personnages. Petit à petit, les questions s’accumulent : pourquoi les enfants sont-ils stériles ? Pourquoi ne font-ils jamais allusion à leurs parents ? Pourquoi sont-ils si à l’écart « du monde extérieur » ? Que sont ses « dons » et ses « accompagnants » dont ils parlent ?
Des années après son post, je rejoins Lilly sur le soulagement que j’ai ressenti en finissant ce roman. Ce n’est évidemment pas une question de qualité, mais les questions qu’il soulève sont déstabilisantes, dérangeantes. Et toute la finesse d’Ishiguro ne permet pas de les éluder, au contraire. Une expérience de lecture intéressante, mais pour laquelle à mon sens il faut être déjà familier de l’auteur.
Pour ceux qui n’aiment pas lire, le roman va être adapté au cinéma cette année (sortie prévue le 1er octobre 2010), avec Keira Knightley dans le rôle de Ruth et Andrew Garfield dans le rôle de Tommy, l’acteur qui a tenu le rôle principal du SUBLIME film Boy A.
La bande annonce (en VO):