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Le traité des Vices et vertus (XIs) dans une somptueuse version numérisée

Publié le 21 juin 2010 par Katrin

Au XIe siècle, un moine copie un petit traité en latin sur les Vices et les Vertus. Il échappe à la destruction et fait désormais partie du patrimoine de la BNF.

Le Centre d'Art Roman de Moissac nous révèle une partie de ce manuscrit précieux d'une manière originale: sous la forme d'une enquête et en version numérisée. "Que peut nous dire ce manuscrit sur son créateur ? Est-il possible, à travers l'étude minutieuse d'un parchemin, d'en découvrir l'auteur, du moins d'en savoir un peu plus sur son univers mental, son histoire, son époque ? L'encre vieillie nous permettrait-elle même de découvrir quelque secret ?". Pour le savoir, le site dédié à ce manuscrit vous donne tous les outils pour en comprendre l'histoire.

Ce Traité des Vices et Vertus est une compilation de chapitres tirés du De Conflictu Vitiorum et Virtutum (Du conflit des vices et des vertus) d’Ambroise Autpert et du De Vitiis et virtutibus (Des vices et des vertus) d’Halitgaire de Cambrais. Ces deux textes appartiennent au genre de la littérature chrétienne (les traités des Vices et des Vertus).

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Après que le genre humain ait été expulsé loin des joies du paradis, sept vices principaux sont apparus : vaine gloire, envie, colère, tristesse et avarice, gloutonnerie, et luxure. Bien sûr, donc, je m'intéresse à la luxure et vous livre le texte qui en dépend. 

Vice_et_vertus

DU CONFLIT DE LUXURE ET CHASTETE.

La luxure encourage aussi le cœur vaincu en tenant des propos insensés: « Pourquoi tu ne te laisses pas aller à la volupté de l’instant présent quand tu ignores ce qui va t’arriver ? Tu ne dois pas perdre le temps qui t’est accordé en regrets parce que tu ne sais combien le temps passe vite. Car si Dieu n’avait pas voulu que les hommes se mélangent dans la volupté de l’accouplement, il n’aurait pas créé, à l’origine même du genre humain, un mâle et une femelle ».

Non, Dieu, comme en atteste l’autorité divine, n’a pas créé l’homme et la femme, pour qu’ils jouissent de leur désir charnel ni qu’ils vivent dans le plaisir du corps mais pour qu’ils s’unissent dans la bénédiction d’engendrer des fils. Car il n’y a pas eu transgression des commandements si nul plaisir n’est ressenti durant la copulation des époux.

La Luxure est bien l’ordure du corps qui advient par le débordement du désir et le ramollissement de l’âme qui permet à la chair de pécher parce que tout péché peut agir de trois manières : par la suggestion, par l’envie, par le consentement.

Un esclave de la concupiscence charnelle ne peut-il pas être considéré comme dépourvu d’orgueil quand on voit que c’est surtout cette passion qui est rabaissée dans la luxure ? Et pourtant, si le premier rebelle à Dieu n’avait pas existé - à ce Dieu dont le salubre commandement destiné à préserver la pudeur est méprisé par la hardiesse d’un esprit de superbe - jamais le désir de coupable lascivité n’aurait excité l’esclave de la chair.

Dans son âme le mépris de Dieu et sa crainte débattent en permanence. Ou bien le mépris de Dieu prend le dessus et l’âme orgueilleuse, ayant accepté de satisfaire ses désirs perd toute pudeur ou bien la crainte et l’âme soumise à Dieu s’opposent aux désirs et à l’orgueil.

La goinfrerie et l’excès de vin réduisent beaucoup d’hommes aux turpitudes de la luxure. Les pensées sordides allument, chez d’autres, l’envie d’injurier la pudeur. Certains, abandonnant leur chasteté, sont renversés par une occasion favorable, l’exemple de ceux qui vivent dans la perdition en fait passer d’autres sous le joug de l’impudicité.

Il y en a d’autres dont la vie est incendiée et la turpitude révélée par des mots ignobles alors qu’ils avaient de bonne foi tenu et écouté des propos favorables à la bienséance. Par la suite peu à peu, ils s’éloignent de l’honnêteté à mesure que le mal s’étend. Car il est bien sûr qu’une pensée peut corrompre l’esprit si elle est ignoble, comme elle l’aurait purifié si elle avait été honnête.

D’où vient que les écoulements corporels qui arrivent aux dormeurs ne sont pas une faute cependant qu’ils en sont une pour des hommes éveillés. Une chose est celle qui arrive à un homme qui dort, une autre chose celle que fait un homme éveillé. Là l’abondance des humeurs liquides est naturellement évacuée, ici la turpitude de la concupiscence est établie au grand jour. La concupiscence provoque cet écoulement corporel chez les hommes à l’état de veille dont elle a excité le sordide appétit par des propos orduriers.

DU REMÈDE DE LA LUXURE.

L’apôtre Paul met en garde d’une voix terrible : “Que ceux qui ont des épouses fassent comme s’ils n’en avaient pas”, etc. Certes il a une épouse comme s’il n’en avait pas celui qui fait appel à elle pour ses consolations charnelles mais ne détourne jamais l’amour qu’il lui porte vers des actes dépravés, s’éloignant de la droiture des bonnes intentions. Certes il a une épouse comme s’il n’en avait pas celui qui, comprenant que toutes choses sont transitoires, tolère par nécessité de s’occuper des besoins de la chair mais espère en les joies éternelles qui viennent des désirs de l’esprit.

Il dit encore à partir de là : “Vous m’avez écrit à ce propos : il est bon pour un homme de ne pas prendre femme. Mais que chacun ait son épouse pour forniquer et que chacune ait son époux. Il s’agit d’une tolérance et non d’un commandement. Il est bien sûr montré que c’est pourtant une faute, qui bénéficie d’indulgence, mais qu’elle sera pardonnée d’autant plus rapidement que par la suite les interdictions seront respectées.

Mais ce qui est permis peut être fait sans mesure. Loth en personne symbolise bien ces commandements qui a fui Sodome en feu. Car fuir Sodome en feu, c’est échapper aux flammes de la chair coupable. La hauteur des montagnes, c’est la pureté des abstinents. Se tenir sur la montagne, c’est ne pas être prisonnier de la chair. Au contraire il faut avertir ceux qui ne sont pas liés par les liens conjugaux afin qu’ils gardent les préceptes célestes d’autant plus parfaitement que le joug de l’union charnelle ne les implique pas dans les soucis de ce bas monde. Il faut avertir les célibataires pour qu’ils ne croient pas pouvoir s’unir à des femmes libres sans péché.

Car Paul a compté parmi tous les crimes méprisables le vice de fornication, dont il a précisé qu’il est un péché en disant : “Ni les fornicateurs ni ceux qui servent les idoles ni les mous ni ceux qui couchent avec des hommes ni les coléreux ni les avares ni les ivrognes ni les médisants ni les voleurs ne possèderont le royaume de Dieu ». Et encore : “Dieu jugera les fornicateurs et les adultères”.

En revanche il faut prévenir ceux qui ne connaissent pas le péché de chair pour qu’ils craignent d’autant plus une chute brutale qu’ils se tiennent à une plus grande hauteur. À ceux-là  Jean dit : “Ceux qui ne se souillent pas dans le commerce des femmes, ceux-là suivent l’Agneau, où qu’il aille.”

C’est pour cela que lorsque l’esprit a commencé à pencher vers les plaisirs de la chair il faut se remémorer la nécessaire crainte du jugement et les tourments de l’enfer alors que personne, excepté ceux qui se soumettent, ne revient penser avec assez d’attention à la peine exorbitante de supplices éternels qui devra être payée. D’où ce qui est écrit : « Envoyez-les dans les ténèbres extérieures, là sont les larmes et les grincements de dent. Là où leurs vers ne mourront pas et où le feu qui les brûle ne s’éteindra pas ».

Quelle excuse pourrons-nous obtenir ? Que pourrons-nous faire sous la si haute majesté de notre juge en cette heure-là ? Quelle habileté dans notre défense nous disculpera ? Quelle pénitence viendra à notre secours, que nous avons méprisée dans notre corps ? Penser à tout cela et à d’autres choses semblables n’est rien d’autre que répudier tous les vices et réfréner toutes les flatteries de la chair.

Mais puisque la plume de notre copie à réuni en les résumant les écrits sur les huit vices principaux et leurs remèdes, selon ce que le Dispensateur de tous biens nous a transmis à partir des sentences des Pères saints de l’Eglise, le petit traité touche à sa fin car nous disserterons plus longuement, avec l’aide du Seigneur, dans une prochaine oeuvre sur les vertus dont nous avons touché quelques mots ici. Le premier livre sur les huit vices principaux et leurs remèdes se termine. "

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En Angleterre, dans la bibliothèque d’Oxford, on trouve des textes qui présentent de fortes similitudes avec le Traité français.

« O Seigneur, que dirais-je de la luxure? Elle a chassé en moi l'esprit de force, et depuis l'enfance elle m'a conduit captif et enchaîné par toutes les souillures possibles. Elle a entaché et mené à la perdition les cinq sens de mon corps. Par la vue, j'ai désiré, par les oreilles, j'ai été attentif à des histoires de luxure, par les lèvres j'ai donné des baisers abominables et j'ai préparé des voluptés illicites, des mots souillés et beaucoup de projets. Cette pestilentielle luxure m'a rendu impur par le toucher, comme un cochon. Les pieds y ont servi plusieurs fois ».


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