J'avais posté en 2008 un petit article sur les relations entre vitesse et tabagisme. La visite du tout nouveau musée du vélo à Tournus, le jour même de son ouverture, me motive aujourd'hui à tisser quelques liens entre bicyclette et yoga. Il faut dire que dès l'entrée j'ai été accueilli par une jeune femme dont l'attitude chaleureuse et la tranquillité joyeuse ont évoqué pour moi celle qui me donne chaque semaine mon cours de yoga, et peut-être cette perception a-t-elle déclenché les quelques réflexions qui suivent. Il y a certainement différentes façons de faire du vélo ou du yoga, mais en ce qui me concerne les motivations et l'état d'esprit dans lequel je pratique l'un et l'autre présentent des points communs. D'abord dans le fait de se livrer à un exercice physique qui peut être intensif mais ne doit jamais devenir violent ou risquer d'être néfaste pour la santé, et dans lequel je m'intéresse plutôt à mes perceptions dans l'effort qu'à l'évaluation de mes performances. Le vélo comme le yoga me permettent de m'installer dans une durée qui me donne le temps de ressentir les réactions de mon corps, et de chercher à construire le meilleur équilibre possible entre le confort et l'efficacité du mouvement ou la qualité de la posture. Pour la petite histoire, le terme Hatha Yoga fait référence à l’effort et à l’équilibre. Ensuite, l'un et l'autre invitent à une pratique régulière et élargie qui déborde petit à petit du temps de loisir. Il est souvent possible de les intégrer à son quotidien si l'on considère que leur pratique est plus importante pour soi que le confort offert par une voiture ou le divertissement apporté par la télévision, et c'est certainement dans ces conditions que l'on peut en retirer un maximum de plaisir et de bénéfices. Et puis il y a quelque chose de plus philosophique qui, de mon point de vue, établi le lien entre ces deux activités. Elles m'incitent l'une et l'autre à modifier doucement ma présence dans le monde en interrompant pour un temps le flot incessant de pensées qui m'isole de celui-ci. Elles me proposent de devenir attentif et réceptif, en laissant la perception de l'instant prendre le pas sur mes aller-retours intérieurs entre le passé et le futur, aussi proches soient-ils. Par attention à mon corps dans le yoga, et par attention aux changements incessants de l'environnement sur mon vélo, je peux m'ouvrir au réel et découvrir ce que Nicolas Bouvier appelle "le bonheur fondamental d'être au monde". Et je trouve là un support à l'évolution de ma façon d'être, par l'exploration d'une attention à recevoir ce que la vie apporte à chaque instant plutôt qu'à tenter de la contrôler. Promener à vélo, faire une heure de yoga, c'est l'occasion d'apprivoiser la vie plutôt que de la dompter, de la laisser doucement se montrer à moi plutôt que de prétendre lui imposer ma volonté. En admirant le poétique grand bi et le vélo du boulanger avec ses paniers d'osier il m'a bien semblé que leur invention relevait de cette volonté du sage de "trouver sa place" en ce monde plutôt que de l'obsession de "faire sa place" par la poursuite acharnée de ses objectifs.